Article mis à jour le 27 août 2025 à 16:26
Porté par des entreprises nautiques qui s’estiment à l’étroit dans l’espace actuel, le projet d’extension du pôle nautique de Canet serait ralenti par les règles environnementales. Le nouveau préfet entend accélérer les délais. Mais à quel prix ?
Dehors, le vent souffle. À l’intérieur des bâtiments, les catamarans en construction attendent de gonfler leurs voiles. Le pôle nautique de Canet-en-Roussillon abrite ici l’entreprise Catana, fleuron du catamaran, située dans le trio de tête mondial de ce marché spécifique. Le groupe s’est fait une place parmi les leaders de son secteur avec la marque Bali, des embarcations haut de gamme produites en série industrielle. Grâce à un processus rationalisé sur des chaînes de montage et une standardisation des modèles, le groupe a pu atteindre une productivité proche d’un bateau par semaine lors de la crise du Covid qui a constitué un boom majeur pour le secteur.
Ces dernières années en revanche, Catana observe un ralentissement, à l’image du reste de la filière. Une situation qui a pu générer quelques tensions en interne comme nous l’a confié un salarié du groupe, marqué par le fort turnover qui règne dans les ateliers. « En ce moment, l’ouvrier est un peu la variable d’ajustement, malheureusement ». Pour la direction, le cap est fixé sur un horizon fait de grands projets et de grands navires. Si à l’heure actuelle, le modèle phare intitulé Bali 5.8 (pour 58 pieds) mesure 18 mètres de long, l’objectif est ainsi de pouvoir suivre les attentes du marché et de produire des bateaux allant jusqu’à 24 mètres. Mais pour cela, Catana estime avoir besoin de plus d’espace.

C’est le message qu’a fait passer Aurélien Poncin, PDG du groupe, à Pierre Regnault de la Mothe, le nouveau préfet des Pyrénées-Orientales, venu visiter le port de Canet ce mardi 26 août. « L’objectif doit être de voir grand, a répété le fils du fondateur Olivier Poncin. On a aujourd’hui sur le marché une demande de bateaux de plus en plus longs et on doit pouvoir s’adapter pour rester compétitifs. Il faut créer de la richesse, de la valeur ajoutée et pour cela, on doit se placer et se spécialiser sur le haut de gamme ».
Le préfet au soutien de l’industrie et de l’emploi dans les Pyrénées-Orientales
Problème, le projet d’extension du pôle nautique ne va pas assez vite aux yeux des entreprises. « On attend de connaître le résultat des études environnementales et de voir si une espèce menacée pourrait être mise en danger », a déclaré l’entrepreneur. Avant de poursuivre : « Nous avons déjà des délais plus longs en France puisqu’il faudra 3 à 4 ans pour mener à bien ce projet là où nous pourrions le faire en 18 mois au Portugal. De plus, il faut savoir que nous n’aurons plus beaucoup d’opportunités à l’avenir pour développer des projets industriels de ce type en France, notamment à cause de la loi instaurant le principe de zéro artificialisation nette ».
Un message entendu par le préfet qui a expliqué qu’après les études environnementales, « l’Etat donnera les autorisations pour mener à bien le projet ». « Nous devons veiller à la bonne application de la loi, qui est exigeante sur le plan environnemental, mais il faut mesurer qu’il y a ici 250 créations d’emplois en jeu, a poursuivi le représentant de l’Etat. Nous devons être rapides et facilitants. Quand il y a une marge d’interprétation (de la loi), elle doit profiter aux porteurs de projets ».
« L’économie avant l’environnement » ?
Une déclaration qui fait réagir les militants écologistes. Pour Stéphane Faure, de Frene 66, « les propos du préfet ont le mérite d’être clairs : il annonce la couleur et on sait qu’avec lui, on va devoir batailler pour défendre le droit de l’environnement ».
Valentine Lescot, porte-parole de Viure, une coalition d’associations écologistes, dresse un constat similaire. « Je ne savais pas que le monde avait tant besoin de catamarans au service du loisir d’une petite élite fortunée… Manifestement on a donc un préfet qui s’inscrit dans la ligne du gouvernement actuel au service d’un Etat à la dérive ». Pour elle, le sens des priorités serait inversé. « On comprend clairement qu’il place l’économie avant l’environnement et que les projets d’aménagements se feront coûte que coûte. Alors que nous aurions besoin que l’Etat soit de notre côté, ce ne sera manifestement pas le cas ».
À Canet, Catana entend surfer sur la croissance. Reste à savoir si c’est la nature qui boira la tasse.
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