Article mis à jour le 17 août 2023 à 11:59
Après le rapport accablant des services du Contrôleur des prisons publié le 5 juillet 2023, l’Observatoire international des prisons (OIP) et l’association des Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) assignent le centre pénitentiaire de Perpignan devant le tribunal administratif de Montpellier.
L’objectif est de faire cesser «les atteintes graves et illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au sein du centre pénitentiaire de Perpignan.» Devant le juge des libertés, les associations listent 35 injonctions afin de mettre fin, entre autres, à la surpopulation carcérale, la prolifération de nuisibles, ou aux fouilles intégrales systématiques.
Le «stop écrou» pour réduire la surpopulation carcérale de Perpignan
La requête présente au juge du tribunal administratif de Montpellier ce 16 août 2023 explicite le principe du «stop écrou». Selon Maître Matthieu Quinquis avocat de l’OIP, le dispositif mis en place, à l’origine, par l’administration pénitentiaire, consiste à suspendre toute nouvelle entrée. L’avocat tient à préciser, «il ne s’agit d’empêcher les magistrats de prononcer des peines en toute indépendance, mais simplement d’orienter les personnes vers des établissements à proximité moins surpeuplés.» Maître Quinquis de citer l’exemple récent du centre pénitentiaire de Bordeaux. Cet établissement, également pointé du doigt par les services de la contrôleuse des prisons, a refusé toute nouvelle admission en maison d’arrêt pour hommes à compter du 14 mai 2023. Une décision qui a permis de réduire le taux de surpopulation de 15 points en trois semaines.
Si le centre pénitentiaire de Perpignan n’applique pas ce dispositif, quand le taux de surpopulation atteint un certain seuil, pour réduire le nombre de matelas au sol, l’administration pénitentiaire transfère des détenus ou sollicite le parquet afin de différer l’application de certaines peines de prison.
La requête présentée au juge que nous avons pu consulter reprend les mots particulièrement fort de Dominique Simonnot, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Dominique Simonnot rapporte une « vision apocalyptique » et qualifie l’établissement perpignanais « pire prison [qu’elle ait] vue » en métropole.
Hygiène et la salubrité du centre pénitentiaire de Perpignan
Moisissures, système de ventilation défaillant, cloisonnement des toilettes, l’OIP liste onze injonctions afin de mettre fin aux «conditions matérielles indignes» mises en lumière par le rapport du CGLPL. Les espaces collectifs sont également pointés du doigt et notamment les sanitaires des cours de promenade, où les images qui accompagnent le rapport sont sans appel. L’OIP demande que les WC des cours de promenade soient rénovés et les cours elles-mêmes équipées, entre autres, de bancs.
Alors que l’établissement entamera dès le mois de septembre 2023 l’installation de douches dans chaque cellule, l’OIP réclame, afin de garantir l’intimité des personnes détenues, que les douches collectives soient équipées de cloisons individuelles.
Infestation de nuisibles à Perpignan
Si le CGLPL a rappelé la présence de punaises de lit dans 63% des cellules de la maison d’arrêt pour hommes, la problématique des punaises de lit n’est pas nouvelle, mais s’aggrave. Désormais, les syndicats des personnels alertent aussi sur les risques pour les surveillants. Si la direction de l’établissement se défend et liste les mesures déjà mises en place (traitements par vapeur, congélation des biens personnels, contrat avec une entreprise spécialisée) le rapport pointe le manque d’efficacité de ces différentes mesures.
Chats et goélands aggravent les conditions l’insalubrité générale de l’établissement de Perpignan. «Les espaces de circulation et les espaces communs sont insuffisamment nettoyés. Les déchets de toutes sortes s’accumulent au pied des bâtiments où ils attirent chats et goélands, qui prolifèrent. Les chats s’introduisent de jour comme de nuit dans tous les bâtiments, (…) les odeurs d’urine de chat sont omniprésentes » dans tous les espaces.
Le rapport de Dominique Simonnot révélait un recours systématique des fouilles intégrales
Si pour la direction, ces fouilles sont justifiées pour des raisons de sécurité, compte tenu du nombre croissant de «livraisons» lors des promenades ou des visites, le CGLPL qualifiait ces pratiques de non conformes. «Aucune fouille à nu ne peut être réalisée en dehors d’un cadre légal clairement identifié et dont les dispositions doivent être strictement interprétées.»
Se basant sur le rapport des services de la Contrôleuse, l’OIP réclame une plus grande traçabilité et des notifications systématiques des personnes détenues visées par des fouilles.
Si l’avocat de l’OIP se dit confiant sur l’issue de l’audience qui s’est tenue ce 16 août, la décision du juge ne sera rendue que dans quelques semaines. Et même si elle est favorable à l’association, la décision, si elle est non contraignante pour le centre pénitentiaire de Perpignan, pourrait ne rien changer au quotidien des personnes détenues compte.
Les chiffres du centre pénitentiaire de Perpignan à juillet 2023 :
- Les derniers chiffres publiés par l’administration pénitentiaire font état de 725 détenus «hébergés» pour 522 places.
- Dont 315 détenus pour 132 places dans la maison d’arrêt pour hommes, taux d’occupation 239%.
- Quant à la maison d’arrêt pour femmes, 58 personnes sont incarcérées pour 28 places, taux d’occupation de 211%.
- À ce jour, 60 détenus sont installés sur des matelas au sol.
NB : L’établissement de Perpignan qui n’a, pour le moment, pas réagit à notre sollicitation.
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