Article mis à jour le 29 septembre 2023 à 14:14
Mardi 3 octobre, l’Institut Jean Vigo projette « Faire l’amour », long métrage réalisé en 2014 et entièrement filmé à Perpignan et dans le département. C’est d’ailleurs pendant le tournage que les réalisateurs, Djinn Carrénard et Salomé Blechmans, sont tombés amoureux de la ville où ils résident désormais. Ils se souviennent pour Made in Perpignan.
Dix ans se sont écoulés depuis la sortie de « Faire l’amour », réalisé par Djinn Carrénard et Salomé Blechmans.
« Un des bons souvenirs du tournage que je garde, commence Djinn, c’est qu’il ait eu lieu ! C’était pas gagné… » Il faut dire que la naissance de « Faire l’amour » a été difficile. En 2012, le tournage s’interrompt rapidement après des désaccords avec la production. Neuf mois plus tard, Djinn Carrénard récupère les droits du film. « On a réussi à tout récupérer, on est monté dans un minibus direction Perpignan. » Malgré des journées de travail à rallonge, les deux artistes ont pu réaliser l’oeuvre qu’ils souhaitaient, en totale indépendance.
Et ce n’est au départ pas à Perpignan que devait être tourné le film, mais en région parisienne, là où vivaient les deux réalisateurs. C’est la directrice de production de l’époque qui les met sur la piste de la ville catalane. « J’arrive et je surkiffe, entre la beauté des paysages et la dureté de l’environnement car c’était quand même un film urbain qu’on devait tourner », se rappelle Djinn. « Tout nous a plu, renchérit Salomé. On a eu un gros gros coup de cœur. C’est une ville qui est très vivante et en constante évolution, c’est très inspirant. On n’est plus jamais repartis. »
Le tournage démarre donc en pays catalan. Salomé garde de beaux souvenirs des scènes de jeu : « les comédiens étaient exceptionnels, on était impressionnés. On travaillait en improvisation dirigée. Ils avaient un canevas de scène, mais ils choisissaient leurs mots, les temps de silence aussi. Deux comédiens sur trois étaient des rappeurs (M.A Donne et Despo Rutti, ndlr) et c’était fort de les voir si juste et émouvant. C’est délicieux d’entendre de l’impro faite par des rappeurs. »
Mais de quoi parle « Faire l’amour » ?
Le film s’ouvre sur le début de la semaine de permission d’une jeune femme détenue, Kahina. Durant ces quelques jours, elle est censée retrouver son enfant qui a été placé « mais elle va vivre plus que ça », sourit le réalisateur. Et rencontrer notamment un rappeur, Ousmane, qui est sur le point de commencer à percer et se retrouve confronté à son passé, « quelque chose de quasi mystique va se passer qui fait qu’il va perdre l’ouïe » . Il se retrouve face à un choix de vie, entre s’enfoncer dans le confort et la sécurité, ou surmonter les obstacles pour poursuivre ces rêves.
Le tournage a aussi été l’occasion pour Djinn et Salomé de laisser libre cours à leurs envies artistiques, d’explorer différentes manières de filmer, et de faire de l’image un matériau soumis lui aussi aux heureux hasards de l’improvisation, comme pour les comédiens. « Comme le premier film (Donoma, qui a été remarqué à sa sortie ndlr), c’est parti de cette envie de filmer l’amour comme un reporter de guerre, et là il y a deux reporters de guerre.»
Les deux caméras utilisées n’ont jamais les mêmes réglages, ce qui permet à chacun des cinéastes aux manettes de mettre un peu de lui ou d’elle et de sa sensibilité dans chaque plan. Une seule scène s’enrichit ainsi de multiples points de vue. Les deux artistes défendent une certaine spontanéité aussi dans cette manière de filmer : « ça s’est fait dans le plaisir de l’expérimentation, pas du tout dans une posture artistique. On se disait que ça allait être mieux d’être deux pour prendre plusieurs angles et capter l’improvisation, le but c’était d’écouter la sensibilité de chacun et donc ça menait à des réglages différents », défend la réalisatrice.
Salomé et Djinn sont heureux de cette projection à Jean Vigo. L’occasion de se replonger dans cette œuvre importante dans leur parcours artistique. Pour l’une : « Je me demande à quel point on était en avance ou en retard sur ce qui se passe en ce moment, à quel point le film est en accord avec la société. » Pour l’autre : « Ça va être l’occasion de le revoir, il y a tellement de choses qui se sont passées depuis. Ces dernières années ça a été beaucoup d’écriture, des tournages, des ateliers à la prison de Perpignan. Beaucoup de questionnements sur la société. »
La soirée du 3 octobre à l’institut Jean Vigo. 18h30 : rencontre avec les cinéastes. 19h30 : projection du film « Faire l’amour ». Plus d’info sur la projection sur le site de la cinémathèque.