Article mis à jour le 5 août 2021 à 17:20
Maka Djoumoi et Jean-Baptiste Llati, tous deux avocats au barreau des Pyrénées-Orientales, ont planché sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire. Projet de loi adopté par le Sénat et l’Assemblée Nationale le 25 juillet 2021. Le Conseil Constitutionnel vient de statuer sur la constitutionnalité des mesures prévues par ce projet de loi ; validant l’ensemble, et émettant des bémols sur 2 points. Parmi les dispositions de la loi étudiées par les sages, les obligations auxquelles seront soumis certains salariés. Néanmoins ce projet de loi ne permet pas de répondre à toutes les interrogations… Décryptage.
Jean-Baptiste Latti et Maka Djoumoi
♦ Les salariés soumis à l’obligation vaccinale
L’obligation concerne les salariés exerçant leurs activités dans les établissements de santé au sens large ; mais aussi ceux exerçant dans les établissements de services sociaux et médico-sociaux ou dans les établissements accueillant des personnes âgées ou handicapées. Il s’agit donc des professionnels de santé (médecins, infirmières, psychologues, kinés, ostéopathes…) ou non-médicaux (agents de service d’entretien…).
L’obligation concerne aussi les pompiers et ambulanciers, qui, même en dehors d’établissements, sont susceptibles d’être en contact avec des publics fragiles.
À compter de la publication de la loi, ces derniers pourront poursuivre leur activité jusqu’au 14 septembre 2021. Ils devront à compter de cette date justifier d’un test de dépistage négatif. Au-delà du 15 septembre ils devront avoir été complètement vaccinés. Une première injection et un test négatif étant suffisants jusqu’au 15 octobre 2021. Les salariés ne satisfaisant pas à cette obligation seront informés par l’employeur de l’interdiction d’exercer leur emploi et de ses conséquences.
Ils pourront dans un premier temps, et avec l’accord de leur employeur, utiliser leurs jours de repos ou congés. Puis leur contrat sera suspendu sans rémunération tout en conservant leurs couvertures mutuelles et prévoyance. Le législateur prévoit que pour les salariés en CDD cette suspension pourrait se poursuivre jusqu’au terme convenu du contrat.
La possibilité initialement envisagée de licencier pour non vaccination a été supprimée. Toutefois, il est permis de s’interroger sur la possibilité qu’aurait le juge prud’homal de valider, comme cela est le cas pour un salarié arrêté pour congé maladie, un licenciement pour absence prolongée causant une importante désorganisation de l’entreprise avec nécessité de remplacement définitif du salarié concerné.
♦ Les salariés soumis à l’obligation de présenter un « pass sanitaire »
Sont concernés les salariés intervenant dans des établissements recevant du public : activités de loisir, restauration, foires séminaires et salons professionnels… À défaut de vaccination, ces personnels devront être en mesure de présenter un justificatif de non contamination dès le 30 août 2021. Or, compte tenu du déremboursement des tests annoncé pour l’automne, se pose la question de la prise en charge de ces coûts par l’employeur. Des tests qui pourraient être considérés comme frais professionnels.
Là également, les personnes concernées pourront, en accord avec l’employeur privilégier tout d’abord l’utilisation de congés payés ou de jours de repos disponibles. À défaut, ou au terme de cette période, l’employeur devra notifier la suspension du contrat de travail avec interruption du versement de la rémunération. Cette disposition très contestée a été validé par le Conseil Constitutionnel.
L’employeur devra toutefois, dans les trois jours suivant le début de la suspension, convoquer son salarié à un entretien. Un entretien afin d’examiner avec lui les possibilités d’affectation, temporaires ou non, sur un autre poste de l’entreprise non soumis à l’obligation (sans contact avec le public). Dans la première mouture de la loi, les salariés en CDD refusant de présenter un pass sanitaire s’exposaient à une rupture anticipée de leur contrat de travail. Les Sages ont censuré cette disposition.
♦ Les salariés a priori non soumis à obligation.
Les salariés ne relevant d’aucune des cas vus plus haut ne sont pas soumis, a priori, à une obligation vaccinale ou de présentation d’un pass sanitaire. Il convient également de rappeler que l’employeur ne peut imposer à un salarié placé dans cette situation de l’informer de son statut vaccinal.
Mais cette apparente souplesse ne risque-t-elle pas au final de desservir certains des salariés concernés ? Là où la loi impose et aménage des solutions alternatives à la rupture du contrat (suspension du contrat de travail), il est permis de s’inquiéter de la situation de salariés a priori non contraints par le projet de loi en cours ; mais qui, de fait, ne pourront pas exercer leur métier …
Imaginons un salarié tenu exceptionnellement, pour les besoins de son activité, d’intervenir sur un salon ou de se déplacer à l’étranger. À défaut de pass sanitaire ou de vaccination, il ne pourrait s’y rendre et pourrait être considéré en abandon de poste. La récurrence d’une telle situation pourrait probablement inciter l’employeur à envisager des suites disciplinaires.
Paradoxalement, les salariés non soumis aux obligations résultant du projet de loi seraient davantage exposés à un risque de licenciement…
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