Article mis à jour le 21 juillet 2023 à 10:50
Incroyable élan de solidarité et soutien dont nous avons été témoins vendredi soir à Millas. En début de semaine, au détour d’un post Facebook, nous avons pris connaissance de la constitution de l’association « Dans les yeux de Loli« . Une association destinée à sensibiliser, prévenir et aider le quotidien de la petite Loli. Mais aussi celui des autres enfants atteints du syndrome de Rett, une maladie génétique rare qui touchent les petites filles.
Le sourire de cette petite poupée de 2 ans et demi sur la photo de l’évènement nous a immédiatement conquis. Rendez-vous est pris avec Charlène et Sébastien, les parents de Loli, à Millas ce 10 janvier pour le lancement de l’association « Dans les yeux de Loli ». Ce qu’ils pensaient être « un apéro » avec une douzaine de personnes s’est transformé en une entraide inespérée regroupant plus d’une centaine de personnes autour de leur cause. Sans compter les innombrables messages de soutien reçus. De l’histoire de Loli à une série de témoignages poignants.
Du jour au lendemain, l’inquiétude pour Loli, suivie du doute
Dans le cas de Loli, Charlène a constaté les premiers symptômes à 15 mois. « Tout est allé très vite ! Du jour au lendemain, on a constaté un arrêt net de son évolution. À partir du 15 juillet, elle a commencé à avoir des troubles du sommeil, alors qu’elle dormait très bien jusque-là. Et elle a commencé à beaucoup crier. Elle ne jouait plus du tout avec ses poupées. Quand on revoit les vidéos entre le 15 juillet et le 5 août, on voit clairement le changement. Et puis il y a eu ces stéréotypies, ces gestes répétitifs. Loli, porte sa main à la bouche tout le temps. On a aussi constaté un strabisme à chaque fois qu’elle voulait communiquer. Un symptôme qui a presque disparu aujourd’hui. »
« J’avais prévu de lancer mon salon de coiffure à la rentrée, j’ai donc d’abord pensé à un blocage émotionnel, car nous avions inscrit Loli à la crèche de Millas. La crèche nous a alertés sur les difficultés de Loli, son manque d’interaction. Et puis, ils ont évoqué le syndrome de Rett, parce que le médecin de la crèche avait déjà vu ces symptômes. »
« Vous vous rendez compte, il y a eu 3 cas à Millas ! » relance Sébastien. « Ils nous ont parlé du centre d’accueil médico-social précoce, nous dépendons de celui de Saint-Estève. Nous nous sommes affolés quand les gestes main-bouche de Loli sont devenus très intenses. Et nous sommes partis aux Urgences. Ils nous ont fait admettre pour une semaine à Montpellier. J’ai parlé du syndrome de Rett, et sans attendre le résultat définitif des analyses génétiques, on nous a confirmé, le 6 octobre 2018, le diagnostic à 99%. Ça a été très brutal !
Le syndrome de Rett et le quotidien de Loli
« Quand nous sommes rentrés de Montpellier la crèche, sans nous en parler, avait déjà fait toutes les démarches. Au départ, on a un peu mal pris qu’ils le fassent sans notre accord. Et puis, finalement, ça a été salutaire. Car la prise en charge et la mise en place d’une auxiliaire ont été très rapides avant même que la MDPH ait donné son accord. »
Loli est désormais accueilli à la crèche de Millas, et elle pourra y rester jusqu’à ses 6 ans. « Ensuite on ne sait pas encore » précisent Sébastien et Charlène. Les parents de Loli de rappeler qu’ils sont très soutenus grâce à la mise en place de séances de kinésithérapie, de psychomotricité, orthophonie, d’équithérapie et surtout la présence d’Isabelle l’auxiliaire de vie à la crèche.
Cette maladie rare altère le développement du système nerveux central. Elle se manifeste par une régression rapide des acquis après 6 à 18 mois de développement normal. Les malades ont une déficience intellectuelle sévère et présentent des complications multiples, dont des troubles respiratoires et cardiovasculaires. Aujourd’hui, une prise en charge globale des symptômes leur permet de vivre plusieurs dizaines d’années (source l’INSERM*). Cette affection a été décrite pour la première fois en 1966 par un neuro-pédiatre autrichien, le professeur Andreas Rett. Cependant, ce n’est véritablement qu’en 1983 que l’affection a véritablement été connue. Selon l’INSERM, il y a 30 à 40 nouveaux enfants malades chaque année en France et 9.000 dans le monde.
Quelles chances de guérison pour Loli dans les années à venir ?
Après l’apparition des troubles de types autistiques survenus entre 1 et 4 ans, vient une phase de stabilisation. La petite fille reste avec une déficience intellectuelle sévère. Dans 50% des cas, elle ne marche pas et perd parfois la capacité à s’asseoir. Sa posture et ses mouvements sont raides (spasticité). Elle présente une épilepsie, des troubles respiratoires, une scoliose. Souvent des troubles de la déglutition existent et favorisent l’apparition d’une dénutrition. Par contre, son degré d’interaction avec l’entourage peut connaître une certaine amélioration. La maladie n’est pas mortelle, mais ce sont les complications cardiorespiratoires ou nutritionnelles qui raccourcissent souvent l’espérance de vie des malades.
Aujourd’hui la recherche est très active, le laboratoire américain AveXis travaillerait sur un traitement expérimental contre le syndrome de Rett. Un traitement qui pourrait apporter une amélioration, voire une guérison définitive de la maladie via la thérapie génique. Selon Sébastien, les équipes d’AveXis ont déjà lancé les essais cliniques sur l’amyotrophie spinale. Plein d’espoir Sébastien déclare : « On en est à la dernière ligne droite au niveau de la recherche. Dans 3 ou 4 ans, AveXis sera prêt à lancer les essais cliniques sur les autres maladies, dont le syndrome de Rett, sur lesquelles ils travaillent ».
Marie, pionnière de la prise en charge du syndrome de Rett dans les Pyrénées-Orientales
À Millas, nous avons rencontré Évelyne Galiay, maman de Marie également atteinte du syndrome de Rett et décédée en 2015. Un témoignage tout aussi fort que celui des parents de Loli. « Le plus dur a été de faire le deuil de l’enfant parfait. Et j’ai beaucoup de peine de savoir que Loli est aussi atteinte du syndrome de Rett. C’est une catastrophe, mais il faut être heureux. Après le diagnostic, nous avons appris à faire connaissance avec Marie. Une nouvelle relation est née, une relation exceptionnelle d’âme à âme, une relation d’amour qui s’est construite au-delà des mots. Notre fille a été une lumière tellement on l’a aimée » .
Évelyne nous a confié son parcours et celui de Marie. « En 1980, à la naissance de Marie, il n’y avait ni les réseaux sociaux, ni internet. Nous avons débuté une longue itinérance médicale de 6 ans avant d’enfin poser un diagnostic sur la maladie de Marie ! Après le diagnostic, il a fallu trouver des solutions car l’école ne la voulait pas. Elle était suivie dans une annexe de l’hôpital de Thuir. Après le diagnostic, ils ne l’ont plus prise. Je me suis retrouvée toute seule, et j’ai dû embaucher une auxiliaire de vie, heureusement prise en charge. »
Marie, Élouane, Loli, ou l’éternel combat des familles d’enfants polyhandicapés
« À l’époque il n’existait qu’un centre à Banyuls-sur-Mer, et c’était un mouroir ! Nous nous sommes rapprochés d’une association nationale pour que soit créé un centre d’accueil pour enfants polyhandicapés dans le département. Il nous a fallu 6 ans, avec une filière de l’Association des Paralysés de France, pour lancer l’Institut d’Éducation Motrice Symphonie de Pollestres. »
« Ensuite, Marie n’avait déjà presque plus l’âge d’y être accueillie, il nous a fallu 6 ans de plus pour voir l’ouverture du centre d’accueil pour adultes d’Argelès-sur-mer. Avec la particularité d’une prise en charge à la carte. C’est-à-dire que Marie pouvait être accueillie en régime d’internat, de semi-internat ou en suivi de jour, et cela pouvait évoluer selon nos besoins. Cela a été très compliqué à mettre en place avec l’Agence Régionale de Santé, mais finalement aujourd’hui cela fonctionne ».
L’arrivée du syndrome de Rett dans une famille
Évelyne répondait en 2012 à cette question posée par l’Association Française du Syndrome de Rett :
« Ma première impression est celle d’un envahissement massif. Aussi massif que peut l’être le syndrome de Rett par rapport au développement normal d’une fille : brutal, envahissant, bouleversant, étouffant… Massif, c’est le mot le plus complet… Et pourtant dans toute cette lourdeur, quelque chose de léger apparaît… Une infinie douceur, une limpidité du regard, un amour lumineux, l’évidence d’un chemin de vie différent guidé par cet enfant exceptionnel. »
« Comme l’a si bien exprimé le professeur Kahn lors du colloque Polyhandicap et humanisme : quand l’homme se penche sur son extrême fragilité… La fragilité demande de la protection, du respect, de l’attention. C’est le cristal face à l’étain. La fragilité de nos filles ne renvoie pas qu’à la maladie, à la faiblesse. Elle renvoie aussi à la rareté, à la valeur. C’est ça nos filles : des trésors d’humanité à qui il faut apporter le maximum d’attentions, de soins, d’amour afin de faire éclater leur luminosité. »
À l’épreuve de la société ainsi que du couple
Évelyne d’ajouter sur ce sujet : « Quelle tristesse ces regards pesants parfois posés sur elles, ces mauvaises prises en charge, ces endroits où elles s’éteignent. Cette société de fausse brillance qui ne les mérite pas ! Que les familles restent vigilantes, que l’AFSR continue à aider les parents afin que ce chemin de vie si particulier ne s’embourbe jamais ».
Pour Élouane, également atteinte par le syndrome de Rett, aujourd’hui âgée de 11 ans, le combat continue. Elle est à Argeles-sur-Mer nous confie son papa Yannick, également présent à l’assemblée constitutive. Dans une relation conflictuelle avec la maman d’Élouane, Yannick se sent quant à lui particulièrement désemparé et seul face à cette maladie. Longtemps, le chiffre de 80% de divorces chez les parents d’enfants atteints d’un Trouble du Spectre Autistique a circulé.
Une étude récente tend à prouver que le nombre de divorces dans les familles touchées ne serait pas supérieur à la moyenne. Il n’en demeure pas moins que la survenue de ce type de maladies a tendance à bouleverser le couple. La différence de perception ou d’action face à la maladie peut amener de nombreuses frictions, c’est ce qui a le plus affecté Yannick.
Pourquoi l’association « Dans les yeux de Loli » ?
Yannis, président de l’association et ami de Sébastien, nous confiait la genèse.
« C’était lors d’une féria à Millas et en écoutant la chanson Dans les yeux d’Émilie que j’ai dit à Sébastien. [Quand tu seras prêt on pourra monter une association et l’appeler Dans les yeux de Loli]. Et bien voilà, maintenant, ils sont prêts ».
L’association est aussi, et Sébastien insiste sur ce point, créée pour aider et soutenir les associations et les familles touchées par le syndrome de Rett. Fait rarissime, à Millas, il y a déjà eu 3 petites filles atteintes par cette maladie. Et Sébastien de déclarer « je viens d’apprendre qu’une petite fille aux Angles a récemment été diagnostiquée. Malheureusement, ça n’arrive pas qu’aux autres ».
L’objectif pour Sébastien et Charlène est aussi d’aider à la mise en place d’un diagnostic prénatal de la maladie. Un diagnostic qui pourrait être fait sur simple prise de sang durant la grossesse de la maman. Sébastien voit aussi dans l’association le moyen de soutenir la recherche concernant le syndrome de Rett.
Sensibiliser, prévenir et aider le quotidien de Loli et des enfants atteints du syndrome de Rett
L’association a aussi vocation à récolter des fonds pour aider à financièrement des stages de stimulation intensifs qui permettraient à Loli d’arriver à marcher. Mais aussi d’accompagner Loli au quotidien dans l’évolution de son handicap afin de lui offrir espace, qualité de vie, et préparer son avenir.
Dans les yeux de Loli, c’est aussi un moyen de faire parler de la maladie et de faire connaître Loli et les autres petites filles atteintes par le syndrome de Rett. Cette médiatisation facilite leur intégration dans la société.En résumé, l’association va aider à organiser des événements et va permettre de mettre en place des partenariats pour récolter des fonds et aider Loli, mais pas seulement.
Damienne Beffara, maire de Millas, était présente au lancement de l’association. « C’est formidable cet élan de solidarité. À notre niveau, nous essayons de les accompagner du mieux possible et en particulier avec la crèche. Ensuite nous pouvons aider à l’organisation d’événements, mais aussi étudier les demandes de subventions ». Fadila également présente, a été touchée par le combat quotidien de Charlène, Sébastien et Loli et veut apporter sa pierre à l’édifice. « Je pourrai peut-être aider lors de l’organisation d’évènements, de tombolas, ou autres… »
Lors de la première assemblée générale qui s’est tenue à Millas, ce sont déjà près d’une centaine de personnes qui ont adhéré à l’association. Une belle solidarité qui réchauffait les yeux de Loli, Sébastien, et Charlène et de tous leurs proches. Prochain rendez-vous de l’association, un grand événement culturel et festif pour récolter des fonds.
*INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale
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