Aller au contenu

La disparition des fermes dans les Pyrénées-Orientales s’accélère : « On arrive au bout du système »

Les petites fermes disparaissent dans les Pyrénées-Orientales. Le mouvement Terre de liens alerte sur la baisse du nombre d’exploitations agricoles. Conséquences d’une concentration des propriétés et d’une disparition de la surface agricole. À quelques mois des élections municipales, l’association demande aux élus locaux de s’emparer du sujet.

Les petites fermes disparaissent dans les Pyrénées-Orientales. Le mouvement Terre de Liens alerte sur la baisse du nombre d’exploitations agricoles et, dans le département, la viticulture est particulièrement touchée. À quelques mois des élections municipales, les élus locaux sont appelés à soutenir le secteur.

La fonte est drastique. En 40 ans, les Pyrénées-Orientales ont perdu plus des deux tiers de leurs exploitations agricoles. Le mouvement citoyen Terre de Liens alerte sur la diminution du nombre de fermes. En trois ans, 40 000 ont cessé leur activité en France. Le mouvement accompagné du site Territoires Fertiles a publié dimanche 16 novembre une cartographie qui démontre la baisse du nombre d’exploitations ces dernières décennies.

Comparaison du nombre d’exploitations agricoles par communes entre 1988 et 2020, source : Terre de Liens

Résultats frappants dans le département. À Céret, le nombre d’exploitations a été divisé par 5 en moins de 40 ans. 54 aujourd’hui contre 270 en 1988. Même chose à Saint-Paul de Fenouillet. De 260 à 58. À Perpignan, il a été divisé par 3. « On arrive au bout de notre système de production », observe Julien Thiery, chef du service viticulture de la chambre d’agriculture.

« L’image d’Épinal de la petite ferme française à taille humaine s’érode chaque jour un peu plus », Coline Sovran, chargée de plaidoyer de Terre de Liens

Aucune commune n’est épargnée. Dans les Pyrénées-Orientales depuis 2010, le nombre d’exploitations diminue en moyenne de 2,5% par an. C’est entre 2000 et 2010 que la baisse a été la plus marquée. Le département avait perdu plus de 2700 exploitations. Mais la chute se poursuit avec constance. Elle est d’ailleurs plus rapide dans les Pyrénées-Orientales que sur l’ensemble de l’Occitanie.

L’avenir incertain des petites exploitations

D’un côté, les fermes se regroupent. Si elles sont moins nombreuses, les exploitations sont aujourd’hui plus grandes. Dans le département, la surface moyenne d’une exploitation est de 18 hectares, contre 6 en 1970. Le phénomène est flagrant dans la filière arboricole des Pyrénées-Orientales. « C’est une production qui demande de sortir beaucoup d’argent pour pouvoir commencer à encaisser, explique Julien Thiery. Pour ne pas perdre les petites exploitations, ce sont les plus gros qui les récupèrent. »

De l’autre, « on a une agriculture très atypique. Si la concentration existe, les agriculteurs d’ici sont surtout touchés par un manque de rentabilité », explique le spécialiste. Le département est maillé de micros et petites exploitations, avec une capacité de production en dessous de 100 000 euros par an. Elles représentent 70 % des fermes et ce sont elles qui sont le plus menacées. Près d’un quart a disparu en deux ans.

Conséquences du manque de rentabilité : des champs laissés en friche. Dans les Pyrénées-Orientales, la viticulture, qui représente la moitié des exploitations, est particulièrement touchée. Selon la Chambre d’Agriculture, cette année, 14 % du vignoble départemental a disparu, faisant courir un lourd danger au département. « Le risque majeur, ce sont les incendies. Nous n’avons plus assez de vignes pour protéger les villages et les habitations du feu. On va possiblement vers de gros sinistres. »

Qui pour nourrir les Pyrénées-Orientales ?

Le mouvement Terre de Liens alerte sur une situation qui risque de s’aggraver. D’ici 2030, un quart des agriculteurs partiront à la retraite. Beaucoup n’ont pas de successeur identifié. « Il n’y a pas de perspective économique à court et moyen terme, notamment parce qu’on a peu accès à l’eau. Seul 5 % du vignoble est irrigué », indique Julien Thierry. L’absence de solution viable rend presque impossible la reprise des exploitations.

Aujourd’hui, selon le site Territoires Fertiles, la production du département ne peut nourrir que le dixième de sa population. Pour Terres de Liens, « le mouvement de concentration bénéficie à des exploitations de plus en plus grosses, contraintes de se spécialiser pour survivre dans la quête de productivité. » Une agriculture de plus en plus industrielle qui dégrade l’environnement et détériore l’emploi agricole local. Le nombre d’actifs du secteur a chuté de 30 % en 10 ans dans le département.

« Il faut rémunérer le maintien de l’agriculture »

À quelques mois des élections municipales et alors que s’est ouvert le salon des maires mardi 18 novembre, Terres de Liens appelle les élus locaux à se saisir du sujet. Tout d’abord en rendant l’installation plus accessible avec la mise à disposition de terrains agricoles. Chez nos voisins de l’Hérault et du Tarn, le dispositif « Élus sentinelles » a par exemple créé un réseau d’élus référents pour faciliter les installations.

« Le nerf de la guerre, c’est l’économie. Un agriculteur ne travaille pas pour la gloire, déclare Julien Thiery. Il faut que la société rémunère le maintien de l’activité agricole pour les services qu’elle apporte : la prévention des incendies, le maintien de la biodiversité et des paysages… »

Les élus peuvent aussi recenser les terres afin de permettre une meilleure valorisation, protéger les ressources en eau, participer à la distribution des produits locaux avec des fermes municipales ou la création de magasins. Enfin, selon Terres de Liens, ils peuvent aider à rendre ces ressources accessibles à tous avec par exemple des systèmes de prix différenciés ou la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation.

Objectif 2026 ? Plus d’enquêtes … Faites un don pour permettre à une presse libre d’exister, et d’enquêter sur les dossiers sensibles des Pyrénées-Orientales !

Rassurez-vous, la rédaction de Made In Perpignan ne change pas subitement de cap. Nous continuerons toujours de défendre une information de proximité en accès libre. Désormais, notre équipe souhaite vous proposer plus d’investigation, un genre journalistique le plus souvent absent dans les médias locaux.

Parce qu’enquêter sur les réalités sociales, économiques et environnementales des Pyrénées-Orientales a un coût, soutenez-nous !

Participez au choix des thèmes sur Made In Perpignan

Envie de lire d'autres articles de ce genre ?

Comme vous avez apprécié cet article ...

Partagez le avec vos connaissances