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Documentaire | Hold-up sur la Sécu : à qui profite la fraude ?

Documentaire | Hold-up sur la Sécu : à qui profite la fraude ?

Article mis à jour le 11 décembre 2022 à 08:05

Donatien Lemaître s’est intéressé aux fraudeurs de l’Assurance Maladie. Mais pas n’importe lesquels. Les professionnels de santé. Diffusé le 8 décembre 2022 sur France 2 dans le cadre de l’émission Cash Investigation, le documentaire « Hold-up sur la Sécu : à qui profite la fraude ? » est disponible en Replay.

Hold-up sur la Sécu : à qui profite la fraude ? – Le Synopsis

En 2021, selon les chiffres de l’Assurance Maladie, 72% du montant des fraudes détectées sont le fait des professionnels de santé. Elise Lucet et son équipe ont enquêté sur les centres dentaires. Certains de ces groupes semblent être devenus des machines à cash facturant des actes inutiles ou fictifs. Des dentistes repentis témoignent. D’anciens patients racontent avoir été mutilés. Les infirmiers libéraux semblent être les professionnels de santé qui fraudent le plus.

Certains d’entre eux gonflent artificiellement les factures des assurés et notamment des patients les plus âgés et vulnérables. La Sécurité sociale parvient-elle à récupérer l’argent de la fraude ?

Avec l’instauration du tiers-payant, l’Assurance Maladie doit désormais rembourser dans un délai très court les professionnels de santé. Quitte à n’opérer que peu de contrôles.

Le boom des centres dentaires en France

1.300 centres dentaires sont implantés sur l’ensemble du territoire français, une augmentation de 60% entre 2017 et 2021. Veronica Antonelli a été l’une des premières à avoir fait condamner l’un de ces centres. Elle a subi des soins inutiles qui ont failli lui coûter sa voix (elle est chanteuse lyrique) dans le seul but de surfacturer. Le centre Dentego a été condamné à lui verser 37.500€ de dommages et intérêts.

Dentego est le numéro un des centres dentaires en France avec 74 centres et 1,2 million de patients. Selon les propos de deux anciens responsables, ils étaient dans l’obligation de faire « 2.500€/jour au minium » de soins et précisent que « les dentistes sont payés à un % de leur chiffre d’affaires. »

Donc pour augmenter leur salaire et faire le montant minimum demandé par les responsables, une seule solution, encourager des actes, souvent inutiles, auprès des patients. Il est, par exemple, proposé des plombages, des surfaçages, des scanners… Sans oublier les radios panoramiques « d’office » sans même avoir examiné la bouche du patient. Palme d’or à un dentiste qui a effectué 852 plombages entre 4 mois pour un montant qui dépasse 80.000 €…

Patrick Soléra, dentiste à Toulouse et président de la FSDL (Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux) s’insurge de cette situation et affirme « on surtraite la dent pour des raisons pécuniaires ». Abdel Aouacheria, fondateur du collectif La Dent Bleue et lanceur d’alerte dénonce le « caractère mercantile de l’activité ».

Le boom des centres dentaires en France

Interrogé à ce sujet, François Braun, actuel Ministre de la Santé et de la Prévention, rappelle que « la multiplication des centres dentaires permet de répondre aux besoins des Français » mais que « la fraude est inacceptable ». Pour lutter contre ces pratiques peu déontologiques, il promet un déconventionnement de ces centres qui abusent.

Autre réseau de centres dentaires : Cilaé. Mais contrairement à Dentego, le réseau Cilaé propose des soins dentaires et ophtalmiques dans le même centre. Si l’idée est convaincante, elle est surtout utilisée pour frauder. Un ancien dentiste, qui se déclare comme un « dengster » témoigne dans l’anonymat et dénonce un « business de la carte Vitale » en affirmant que « l’argent tombe tout seul ». Des actes fictifs sont facturés à la Sécurité sociale. Des salariés de Cilaé ont alerté les autorités de santé sur ces pratiques. 

Thomas Fatome, directeur général de la CNAM, explique que « le statut associatif pose problème car certains s’emparent du modèle associatif pour frauder » mais tente de rassurer « l’Assurance Maladie est au courant ».

Podium des fraudeurs : les infirmiers libéraux sur la plus haute marche

Parmi les professionnels de santé, qui se classent sur le podium des fraudeurs ? À la 3e place, les kinés avec 245 millions d’euros de fraude, suivis des médecins généralistes avec 306 millions de fraudes. La première place est occupée par les infirmiers libéraux avec… 1 milliard d’euros de fraudes. 72% des fraudes détectées par l’Assurance Maladie proviennent des professionnels de santé, contre 27% des assurés.

Le département des Bouches-du-Rhône est celui qui compte le plus d’infirmiers libéraux fraudeurs. Une résidence senior, La Bastide des Calanques à Cassis, en est le parfait exemple. Le père de Donatien Lemaître (le journaliste de ce magazine) a accepté de servir de cobaye. Il a passé 15 jours dans cette résidence considérée comme haut de gamme.

Dès son arrivée, un infirmier lui emprunte sa carte Vitale pour aller lui chercher ses médicaments en lui assurant que tout lui sera rendu le lendemain. Le père du journaliste retrouve bien les médicaments déposés sur sa table le lendemain, mais pas sa carte Vitale. L’infirmier le rassure en prétextant que le médecin a oublié de la lui rendre.

En réalité, la carte Vitale est conservée pour facturer des actes fictifs. Tous les résidents sont privés de leur carte. Il a, par exemple, été facturé auprès de l’Assurance Maladie des soins infirmiers réservés à des patients « lourds », des actes coefficient AMI 3 (séance de soins infirmiers, par séance d’une demi-heure, à raison de 4 au maximum par 24 heures), à des patients autonomes. La carte Vitale du père du journaliste lui sera renvoyée par simple courrier 3 semaines après la fin de son séjour.

L’un des infirmiers de cette résidence pour seniors aurait une grosse somme à rembourser à l’Assurance Maladie. Le directeur de l’établissement, le Dr Benichou, facture des visites à domicile alors que son cabinet est situé à 20 mètres de l’établissement. Il n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

L’Agence Régionale de Santé face à la désertification médicale

L’inconvénient du « payer vite »

En 2021, l’Assurance Maladie n’a détecté que 158 millions d’euros de fraude. Un chiffre peu élevé au vu de tous les actes facturés et remboursés. La faute au tiers-payant qui a changé le mode de contrôle puisque ce dernier n’est plus prioritaire car « l’objectif est de payer au plus vite et non de contrôler ». 

L’Assurance Maladie paye les professionnels de santé avant de les contrôler. De ce fait, dans un rapport de la Cour des Comptes publié en 2020, il est écrit que « les irrégularités rendues par l’absence de contrôles automatisés sont très nombreuses » et que « la garantie de paiement a contribué à démanteler les contrôles automatisés ». Mais selon François Braun, « la part de fraude est minime ». Une fraude difficile à estimer puisque rien n’est contrôlé.

En 2021, l’Assurance Maladie a déposé 2.300 plaintes au Pénal. Seulement 59,99% du montant de la fraude est remboursé à la Sécurité Sociale dans un délai de 4 ans après la détection de celle-ci. Thomas Fadome confie que le système est mauvais car « notre système est construit sur une logique du payer vite ». En 2024, l’objectif est de détecter 500 millions d’euros de fraudes.

Pourquoi la rédaction vous le conseille ?

Dans les divers reportages et documentaires consacrés aux fraudes de l’Assurance Maladie, ce sont très souvent les assurés qui sont pointés du doigt (fausses déclarations, usurpations d’identité, factures fictives…). Cette fois, ce sont les professionnels de santé qui sont mis en cause. Un fait assez rare pour être souligné. Sans les pointer du doigt, ce reportage montre que certains professionnels abusent (quasiment) en toute impunité.

Ils font l’actualité des documentaires….

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Pauline Garnier