Entre manque de moyens et contexte social tendu, l’Éducation nationale peine à recruter. Pourtant certains nouveaux enseignants restent attachés à leur vocation et ne se découragent pas face aux difficultés. Témoignage de l’un d’entre eux, jeune enseignant stagiaire au collège de Rivesaltes.
Son récit détonne avec l’ambiance du moment, à contre-courant de ceux de professeurs découragés et abattus par les difficultés croissantes, au sein de l’Éducation nationale. Il y a quelques mois, Alexandre a décroché le concours d’enseignant du second degré en français, après un an et demi d’enseignement en tant que contractuel dans deux établissements des Pyrénées-Orientales. Il a donc récemment entamé son année de stage dans un établissement à Rivesaltes, dernier passage avant l’affectation définitive.
Comme tous ses collègues, Alexandre a été très marqué par l’attentat d’Arras, survenu le 13 octobre dernier et au cours duquel l’enseignant Dominique Bernard a trouvé la mort. Mais sa vocation ne semble pas avoir été ébranlée une seule seconde. « Il faut tenir bon, tenir les valeurs qui sont les nôtres, les valeurs républicaines. Je ne pense pas qu’il faille montrer une peur grandissante. Ça ne m’arrête pas. »
Depuis le lycée, le jeune homme sait qu’il veut être enseignant
Après une licence de lettres, il fait un stage dans une UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants), des classes accueillant les enfants dont le français n’est pas la langue maternelle. Un tournant dans son parcours « ça a été la révélation, j’ai découvert un établissement de l’intérieur, les échanges en salle des profs, les créations de séquences, ça m’a convaincu. J’ai choisi d’être contractuel l’année suivante. »
Après un entretien rapide avec l’académie de Montpellier, Alexandre est propulsé dans le grand bain. Il est professeur principal d’une classe de quatrième, et enseignant de français auprès de deux autres classes de troisième. Il exerce dans un collège en zone d’éducation prioritaire de Perpignan. « Ça a été très formateur », insiste-t-il.
En parallèle, il passe son master 1 de lettres modernes, puis son master 2 avant de se lancer dans la préparation du concours. En même temps il change d’établissement pour passer dans un lycée professionnel à Villelongue-dels-Monts. Il relève le défi, et assure s’être enrichi de ces deux expériences.
Dans les deux établissements qui l’ont accueilli comme contractuel, Alexandre a pu compter sur une équipe soutenante et bienveillante
« Au collège, j’ai été accompagné, le principal a été très présent. Il est venu une fois dans la classe m’aider à cadrer les élèves. » Idem pour la gestion de classe, qu’il a apprise sur le tas : « Quand on a un comportement difficile d’élève à gérer, on est soutenu. J’ai compris que quand on débarque, c’est important de nouer des relations avec la vie scolaire, les collègues CPE et assistants d’éducation. »
C’est sans doute la force de cette cohésion d’équipe qui a permis au jeune enseignant d’affronter sereinement les difficultés rencontrées, en plus de la philosophie optimiste du garçon : « je me disais que toute expérience bonne ou mauvaise pourrait me servir. Le métier d’enseignant n’est pas fixe, on doit se former, avancer, tenir compte des difficultés. »
L’enseignant n’a pas eu beaucoup de mal à s’imposer face aux élèves, très surpris au départ de son jeune âge. « Ça pourrait être un handicap, mais c’est facilitateur au final. Quand vous recevez les parents en tant que professeur principal, il y en a qui sont surpris, et puis ils voient que je suis motivé », sourit-il. Une de ses anciennes collègues confirme : « il était étonnant, et fait pour ça. »
Ce qui lui plaît dans le métier : « transmettre, apprendre à des enfants, je trouve ça beau et noble. Les échanges qu’on a avec eux sont enrichissants. Eux aussi nous apportent sur la relation humaine, on est là pour les soutenir. Pour moi cet aspect social est très important. »
Mais alors que pense-t-il de la situation actuelle de l’Éducation nationale, qui peine à recruter ?
« À mon sens, le problème majeur en ce moment, ce sont les mutations. C’est ce qui bloque et peut en décourager certains de s’inscrire au concours. Ils ne savent pas où ils vont tomber. » Lui ne redoute pas son affectation, même s’il reconnaît qu’une mutation loin de Perpignan, sa ville natale, « ça ferait du changement. Mais s’il faut y aller j’irai. » Il souhaite en revanche enseigner en quartier prioritaire, « je trouve que c’est là qu’il y a le cœur de notre métier. » Il salue l’amélioration de la prise en compte des contractuels dans les carrières. Ils bénéficient en effet d’une bonification de points une fois le concours réussi.
Si Alexandre semble s’en être bien sorti, son témoignage ne saurait être représentatif de celui de milliers de contractuels recrutés chaque année par l’Éducation nationale pour pallier le manque de titulaires. Les syndicats réclament une augmentation significative des moyens des équipes pour renforcer l’attractivité de la profession, et attirer davantage de candidats aux concours.