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Les fonds marins de Port-Vendres placés sous écoute avant le début du chantier

Recherche | Les fonds marins de Port-Vendres mis sur écoute

Article mis à jour le 24 janvier 2023 à 18:04

Les fonds marins et leur biodiversité ont toujours titillé la curiosité de l’Homme. Moins connus que l’espace et tout aussi fascinant, pendant très longtemps, les chercheurs ont manqué de moyens d’observation. Aujourd’hui, ces outils existent. Comme l’écoacoustique : une science au bénéfice de la protection des sons du vivant. Lucia Di Iorio – chercheuse au Cefrem de l’UPVD – était l’invitée de la Philharmonie de Paris pour en discuter. En parallèle – dans le cadre de la construction du troisième quai de Port-Vendres – une opération d’écoute passive est mise en place pendant un mois. Explications.

Les acteurs du chantier doivent porter une oreille attentive

Le 11 janvier, la préfecture de Perpignan a autorisé l’entreprise de BTP Eiffage – qui a remporté le chantier à presque 30 millions d’euros d’extension du port de Port-Vendresà placer des hydrophones à soixante et trois cents mètres de la côte ; à une profondeur respectivement de vingt et trente mètres.

L’objectif ? «La réalisation d’un état initial de l’acoustique sous-marine», déclare la Préfecture. Et dans le cadre de la « (…) mise en œuvre des mesures d’évitement, de réduction, de compensation et de suivi des incidences relatives à l’effet du bruit sous-marin sur les mammifères marins.»

Un arrêté préfectoral signé en août 2017 promettait un «contrôle des niveaux sonores (extérieurs) émis par les engins de chantier». Il détaillait : «Un système de télésurveillance du bruit est mis en œuvre. Utilisant un sonomètre sur la façade la plus proche et la plus exposée du chantier. En cas de dépassement des seuils prévus par les dispositions des articles R.1334-31 à R.1334-37 du code de la santé publique, le système alerte les parties prenantes par SMS.»

De rappeler que les différents acteurs de ce chantier, devant durer deux ans, sont censés être suivis par un comité composé «d’experts scientifiques choisis pour leurs compétences dans les domaines concernés, du Parc naturel marin du golfe du Lion, du service en charge de la réglementation espèces protégées.»


«Un déclin dramatique de notre patrimoine sonore naturel»

Lucia Di Iorio est écoacousticienne au Centre de formation et de recherche sur les environnements marins (Cefrem) de l’Université de Perpignan Via Domitia (UPVD) ; une unité de recherche associée au CNRS.

Samedi 17 décembre – en collaboration avec le Museum national d’histoire naturelle – elle était invitée par la Philharmonie de Paris à intervenir sur le thème «Océans menacés : être à l’écoute des écosystèmes marins» ; et dans le cadre du forum « Protéger les sons du vivant ».

«La crise majeure subie actuellement par la biodiversité induit un déclin dramatique de notre patrimoine sonore naturel, expose le Forum. (…) Comment définir, apprécier, et protéger l’extraordinaire diversité sonore produite continuellement par le vivant ? Alors que l’anthropologie et l’histoire naturelle ont pointé avec force l’arbitraire de la distinction entre la nature (qui définirait un champ d’horizon extérieur à l’homme), et la culture (qui serait le propre de l’humanité), ne devient-il pas crucial de tendre l’oreille avant que la musique ne s’arrête

«La collision avec des navires est la première cause non naturelle de mortalité des baleines.»

Il est d’abord nécessaire de définir ce qu’est l’écoacoustique : «On se sert de tous les sons dans l’environnement pour étudier des questions écologiques, vulgarise Lucia Di Iorio. Notamment pour la compréhension du lien entre les animaux et leur environnement. On espionne la nature en l’écoutant, et à l’aide de procédés non-invasifs. Les mers sont très bruyantes. Nous ne connaissons pas l’origine de 99% des sons marins enregistrés.» 

Les sons connus renseignent les chercheurs comme Lucia Di Iorio sur l’état de santé des environnements ; notamment «s’ils sont assez protégés. Par exemple, les bruits que font les oursins pour se déplacer nous renseignent sur leur vie : s’ils ne les font plus, et donc, qu’ils ne se déplacent plus, qu’est-ce que ça veut dire sur son environnement ?»

Lucia Di Iorio complète : «Nous travaillons en collaboration avec des aires marines protégées pour trouver des solutions ensemble. Nous écoutons des sons de reproduction de certains poissons protégés. Il y a des pics saisonniers. On peut réfléchir à limiter des actions humaines autour de ces créneaux-là. Non pas interdire, mais limiter. Et pour ça il faut des preuves scientifiques.»

«Un gros navire qui passe, c’est comme si vous aviez un bruit de TGV dans votre chambre.»

Il y a donc un réel enjeu sur la pollution sonore en mer ? Isabelle Autissier est une grande navigatrice, écrivaine et présidente d’honneur de WWF-France. Elle accompagnait Lucia Di Iorio lors de la conférence.
Elle répond à la question : «Un gros navire qui passe, c’est comme si vous aviez un bruit de TGV dans votre chambre. Cela effraie les animaux, avec toute l’énergie qu’ils doivent dépenser, et ça les oblige à se détourner ; et donc, se nourrir ou se trouver des partenaires est plus difficile. La collision avec des navires est la première cause de mortalité non naturelle des baleines. En Méditerranée, entre trente et quarante cas par an sont relevés ; ce qui est énorme au vu de leur petite population dans cette mer.»

Quels impacts ont les bruits de travaux d’aménagement d’un port sur la vie aquatique ? Quels sont les dangers, sur la biodiversité marine, d’une trop grande affluence de jet-skis et de bateaux à moteur en haute-saison ? Autant de questions auxquelles peut répondre l’éco-acoustique.

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Idhir Baha