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La place de la Loge, entre grandes et petites histoires perpignanaises

La place de la Loge, entre grandes et petites histoires perpignanaises

Article mis à jour le 9 octobre 2023 à 15:53

Lieu emblématique de Perpignan où l’on trouve aujourd’hui encore l’Hôtel de ville, la Loge est une place forte du rayonnement de la ville depuis des siècles. Au Moyen-Âge, dans une ville en plein essor, elle concentre très vite pouvoirs politiques et commerciaux. Focus sur une place remplie d’histoire(s).

Loge de mer, Hôtel de ville et Palais de la députation : trident de l’élite commerciale et politique locale

« Perpignan est une ville où, au Moyen-Âge, les fonctions d’autorité ou de justice du roi, de l’évêque – il s’agit de celui d’Elne – et du corps municipal sont établies dans des lieux distincts, à l’écart les uns des autres et clairement identifiés » analyse l’architecte Olivier Poisson dans La nouvelle histoire de Perpignan (sous la direction de P. Poujade).

Pour ce qui est du pouvoir civil, c’est la « Plaça dels richs homes » (aujourd’hui place de la Loge) qui réunit à cette époque les pouvoirs de l’élite marchande de la ville.

C’est au XIVe siècle qu’y sera construite la « Casa Consolar », qui semble être le premier véritable Hôtel de ville de Perpignan. Son édification sera suivie en 1397 de l’érection attenante de la Loge du Consulat de Mer, symbole du poids de la ville dans le commerce maritime de l’époque. La laine catalane se vend dans toute la Méditerranée et participe à l’enrichissement exponentiel des élites de la ville.

En 1448, la casa del General, construite par Barcelone afin d’accueillir la Députation locale de la Généralité de Catalogne complète ce triptyque. Une entreprise qui témoigne de la puissance du Royaume d’Aragon auquel est rattachée la ville et de l’influence administrative de Barcelone.

Évidemment ces bâtiments seront par la suite retravaillés. Au XVIe siècle sous le règne de Charles Quint, la Loge acquiert sa façade actuelle. À cette époque, le style gothique s’affirme définitivement avec la construction de nouvelles arcades. De même, la maison consulaire connaît divers aménagements, sur les escaliers ou les galeries, destinées à en renforcer le prestige. Sur la place, ils créent un ensemble qui abrite aujourd’hui l’Office de tourisme et l’Hôtel de ville historique de la ville.

Quand l’Histoire se cache dans les détails

Tout badaud qui se respecte se sera arrêté devant la façade de l’Hôtel de ville, qui adopte une architecture typiquement roussillonnaise avec sa façade de cailloux roulés et ses portes en fer forgé. Mais aura-t-il repéré les trois bras de bronze qui trônent sur le frontispice du bâtiment ? Trois bras et autant de mains pour les Catalans : « mà major, mà mitjana, mà menor ». Chaque appendice représente une des trois classes de la société médiévale perpignanaise. La longueur des bras, inégale, symbolise quant à elle l’importance de chacune. La mineure pour les jardiniers et artisans à leur compte, la moyenne pour les marchands, médecins ou notaires, la majeure pour bourgeois et négociants. Chacune de ces classes disposait de la capacité d’élire les consuls, éminences locales aux yeux du pouvoir royal.

De même, haut perché à l’angle de la Loge depuis le XVIIe siècle, un navire en fer forgé rappelle la vocation initiale du bâtiment. Aucun risque qu’il ne tangue cependant, en 1992 le modèle d’origine a été remplacé par une copie, réalisée par un ferronnier local. L’iconographie maritime se retrouve également sur le retable de la Trinité qui ornait auparavant la chapelle (aujourd’hui disparue) de la Loge. La partie inférieure du retable laisse entrevoir une représentation de l’édifice entouré par les eaux, allégorie de la puissance maritime de la ville. L’œuvre est aujourd’hui exposée au musée Hyacinthe Rigaud.

À l’ombre de la Loge d’hier à aujourd’hui

La place a vu passer quelques établissements emblématiques de la ville. À l’image du France qui a occupé la Loge des années durant et dont le remplacement momentané par une enseigne de restauration rapide suscita l’indignation des Perpignanais. De même, le Grand café de la Bourse est un point de rendez-vous incontournable, où les Catalans se retrouvent pour profiter de l’ombre de la Loge, sous le regard bienveillant de la Vénus de Maillol. Louis, propriétaire de l’établissement depuis sept ans, était d’ailleurs un habitué des lieux. L’été, lorsqu’il descendait de Paris, le brasserie lui permettait de renouer avec ses origines catalanes.

Si mariages et discussions animées y ont toujours lieu, sur la place, le gérant déplore cependant une ambiance moindre que dans sa jeunesse. Un état de fait qu’il explique par le fait que la place a perdu de sa centralité : « à l’époque tout était là. Avant, quand j’étais jeune pour prendre un sandwich, c’était un bistrot, maintenant, on peut aller n’importe où… ». Mais la multiplication récente des activités culturelles sur la place comme le récent « marché aux vins du Roussillon » est pour lui un motif de satisfaction, de même que l’implantation de l’office de tourisme dans la Loge, qui permet de ramener des clients. Le compteur de passages de l’office a ainsi enregistré 190.000 entrées en 2022.

Situé place de la Loge, le bistrot Le France est rénové et transformé en Office du tourisme à l’été 2017.

La Loge est également un lieu de passage obligé sur lequel se rencontre le tout Perpignan

L’expression « faire la Loge » renvoie d’ailleurs à une pratique qui évoquera sûrement des souvenirs aux personnes les plus âgées.

En catalan, Michel, tout juste octogénaire, raconte : « quand j’étais jeune et des générations avant la mienne, il y avait la tradition de « faire la loge ». Une pratique qui consistait à aller de la place Arago au Castillet en passant devant la Loge et revenir. Les filles et les garçons se rencontraient… Les coutumes n’étaient pas celles d’aujourd’hui… Il n’y avait pas de mixité dans les classes alors c’était l’occasion de se rencontrer ! Alors on le faisait dans un sens, puis dans l’autre, trois ou quatre fois et on rentrait à la maison. Dans d’autres endroits, c’étaient les ramblas… ».

Alors, catalans ou visiteurs, pourquoi ne pas « faire la Loge » cet été ? Pour une expérience totalement immersive la Fédération Sardaniste du Roussillon y organise d’ailleurs dès le trois juillet des sardanes tous les lundis à partir de 19h30.

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