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Hôpital de Perpignan : Le service des urgences « ne peut pas tout faire »

Hôpital de Perpignan : Des urgences sous-dimensionnées pour les Pyrénées-Orientales

Article mis à jour le 18 juillet 2024 à 14:15

Ce 17 juillet 2024, le patron des urgences de l’hôpital de Perpignan tire la sonnette d’alarme. Prévu à l’origine pour 130 passages par jour, en ce début de période estivale, le service accueille parfois 240 personnes.

Malgré l’embauche d’une cinquantaine d’infirmiers et/ou aides-soignants, il manque toujours une vingtaine de médecins. Les équipes du docteur Ortéga, responsable des urgences de Perpignan, sont en « grande difficulté » et particulièrement depuis la fermeture des services d’urgence des cliniques privées de Perpignan.

Jean Sol, sénateur des Pyrénées-Orientales, s’est montré très à l’écoute des difficultés du service des urgences. Objectif pour celui qui a fait une grande partie de sa carrière en tant que cadre de soins à l’hôpital : faire remonter les propositions issues du terrain.

« La fermeture des urgences des cliniques privées nous remet la tête sous l’eau »

« Aujourd’hui, dans la nuit profonde, on est la seule option de soins pour les 1,5 million de personnes sur le département. Nous tenons grâce à la bonne volonté, l’implication de tous ceux qui se donnent corps et âme pour les patients. Mais on se retrouve en très grande difficulté. »

Or la dévotion des équipes médicales de l’hôpital de Perpignan n’est pas éternelle. Arrêts maladies, départs, lassitude, sentiment de maltraitance, infirmières, infirmiers, médecins ou aides-soignants sont tous à bout et particulièrement outrés quand ils constatent le traitement qu’ils sont obligés d’infliger à leurs patients. Et particulièrement aux plus âgés.

Ce mardi de juillet, il y a 72 patients entre les murs du service des urgences de Perpignan. Normalement, le service est prévu pour 40, confirme le docteur Ortega. Du côté des patients amenés par ambulance ou avec les pompiers, une majorité de personnes âgées, souvent atteintes d’affections multiples. Conséquence de cet engorgement, le temps d’attente, mais aussi les brancards parqués dans les couloirs. « Notre lot quotidien », déplore le médecin.

« Moi, je ne supporte plus de devoir laisser une mamie de 90 ans dans un couloir pendant 24 à 48 heures. Ce n’est plus entendable à notre époque », s’emporte l’urgentiste.

Le docteur Laurent Ortega

Mais cette année, la fermeture des services des urgences dans le secteur privé dans les Pyrénées-Orientales a mathématiquement fait monter le nombre de patients pour les urgences de l’hôpital. Le docteur Ortega fait ses calculs. Si chaque structure d’urgence nocturne privée prenait 15 patients chaque soir, c’est autant de personnes qui ne venaient pas jusqu’aux urgences de l’hôpital. « Maintenant, on se retrouve avec ces 45 patients en plus la nuit », souffle le docteur Ortega.

Un système en fin de vie aux pathologies chroniques

Urgentiste depuis plus de 20 ans, Laurent Ortega a vu progressivement le système s’effondrer. Parmi les maux de l’hôpital, une inversion des rôles selon Daniel. L’infirmier à l’accent catalan du sud, explique : « Avant, les urgences c’était le dernier recours, maintenant c’est le premier ! ». En cause, une médecine de ville désorganisée, et des personnes âgées isolées et en déshérence médicale. Parfois les patients, se retrouvent aux urgences avec des polypathologies non traitées, des cas bien plus complexes à soigner qu’une simple entorse. Et où le soin est dans l’impasse. « Nous ne pouvons pas tout faire », s’insurge le docteur Ortega.

Parmi le cheval de bataille du docteur Ortega, la prise en charge des personnes âgées. « Nos anciens ne méritent pas d’être traités comme ça. » Pour le médecin, il faut prévoir une organisation adaptée à cette prise en charge. Le médecin rappelle que pour toutes ces personnes âgées, la statistique a montré que la mortalité augmente de 30% après une nuit passée sur un brancard. Et ça le médecin ne peut s’y résoudre. « Le service des urgences n’est pas fait pour ça ! »

Alors que notre département triple sa population en période estivale, les personnels hospitaliers aspirent de leur côté à un repos bien mérité. Résultat logique, un afflux de patients en hausse et un personnel moins nombreux pour en prendre soin. Une situation de forte tension auxquelles les esprits se sont malheureusement habitués tant elle se répète tous les ans.

Mais cette année, Laurent Ortega prévient fermement : « Jusque-là, on a réussi à tenir le choc, avec une bonne dose de volonté, mais avec le coup de massue de la fermeture des urgences privées la nuit, j’ai peur qu’il y ait des événements graves et qu’on ne puisse rien y faire. »

Quelles solutions pour une prise en charge acceptable dans les Pyrénées-Orientales ?

Depuis plusieurs années le service des urgences de Perpignan ne cesse de se réorganiser. Appel au 15 avant de se rendre aux urgences, développement de la permanence de soins grâce à l’élargissement des horaires de la maison médicale de garde à Perpignan ou celle d’Argelès-sur-Mer, sont autant de mesures mises en places pour tenter de rationaliser, voire de diminuer le flux de patients qui atterrissent au service d’urgence perpignanais. Mais désormais, les coutures craquent. « On a beau faire de notre mieux, on fait toujours mal », se désole Julien André, ce médecin qui partage son temps entre clinique privée et urgence à l’hôpital.

Malgré ce sentiment de maltraitance grandissant parmi les équipes présentes aux urgences, un point positif se dégage tout de même ; le recrutement de plus d’une cinquantaine d’infirmiers depuis trois ans. « Il faut aider les médecins à faire face à l’afflux de patients », confirme Agnès Desmars, directrice des soins à l’hôpital de Perpignan.

Selon Daniel, « avant ces recrutements on passait à côté des patients en disant qu’on ne pouvait pas s’arrêter. Maintenant on leur parle, « oui dites moi, qu’est-ce que vous voulez ». On peut les accompagner aux toilettes. » Une petite victoire, mais une victoire quand même pour ces personnels qui n’espèrent qu’une chose, pouvoir un jour apporter une meilleure qualité de soins à tous leurs patients.

IPA*, CHU*, médecins étrangers, ou projets de nouvelles urgences…

Depuis la mise en place des nouveaux Infirmiers en Pratique Avancée*, les urgences comptent désormais deux de ces professionnels. Un début de solution, tout comme le recrutement de médecins hors Europe. Le docteur Ortega précise qu’on ne pourrait se passer de ces médecins brillants contraints de se plier à un parcours de validation des compétences laborieux.

Autre piste avancée, la classification de l’hôpital, actuellement Centre Hospitalier Régional, en Centre Hospitalier Universitaire* permettrait d’accueillir une plus grande diversité d’internes en médecine. Parmi les projets d’envergure déjà actés, une enveloppe de cinq millions d’euros prévue pour l’agrandissement du service des urgences en 2026.

Enfin pour répondre à ceux qui objecteraient que ces mesures sont trop onéreuses, l’urgentiste se livre à une démonstration limpide sur le surcoût lié à un passage aux urgences, à défaut d’une prise en charge par la médecine de ville. Le sénateur Sol n’a pas manqué de noter l’ensemble de ces propositions afin de les appuyer au plus haut niveau.

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Maïté Torres