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Interview | La lecture, un «médicament universel» pour Alexandre Jardin

Interview | La lecture, un «médicament universel» pour Alexandre Jardin

Article mis à jour le 8 juin 2023 à 15:51

Grand défenseur de la lecture, l’écrivain Alexandre Jardin était présent vendredi dernier au Palais des rois de Majorque. Entre conférence et Master Class, l’objectif était de communiquer sur l’importance de cette Grande cause nationale qu’est la lecture. Rencontre avec l’auteur.

Alexandre Jardin, était présent au palais royal à Perpignan à l’occasion de la «Faites de la lecture». Pour clôturer cette journée de rencontres entre élèves de la maternelle jusqu’à la terminale ; l’auteur animait conférence et Master Class autour de l’écriture de livres. Touché par la cause, c’est naturellement qu’Alexandre Jardin a traversé l’océan Atlantique Nord depuis le Canada pour défendre ses petits bijoux, la lecture et l’écriture.

Made in Perpignan : Pourquoi avoir répondu présent à l’appel de la Maif pour l’organisation de l’événement ?

Alexandre Jardin : J’aime beaucoup quand quelque chose part du monde économique. Dès qu’on parle de lecture, on a tendance à penser que c’est du ressort du monde de l’éducation, des bibliothèques ou des librairies, et pas des entreprises. Or si on veut faire une nation de lecteurs, il faut qu’il y ait des mobilisations de gens qui viennent d’ailleurs que le monde de la lecture et avec une culture particulière. (…) Avoir été contacté me fait plaisir et ça fait aussi partie de moi ; c’est-à-dire que je n’arrête jamais de lancer des partenariats entre le monde associatif, le monde éducatif et le monde de l’entreprise. Nous avons besoin d’acteurs très puissants, pas uniquement pour leurs chèques, nous avons besoin de leurs structures commerciales.

Par exemple, quand nous avons fondé le programme «Lire et faire lire» et embarqué les retraités dans les écoles maternelles et primaires pour faire lire les enfants. On a fait lire plus de 750.000 enfants avec 20.000 bénévoles, grâce à un accord avec Picard Surgelés.

MiP : Quel rapport avec la lecture ?

A.J : Beaucoup de retraités font leurs courses chez Picard ; pendant deux-trois ans, nous avons demandé aux caissières de recruter aux caisses. De cette manière, un tiers des bénévoles ont été trouvés. Si on avait dû payer des bureaux de recrutement partout en France, on n’aurait jamais eu l’argent. Quand on intègre le monde économique, on obtient des résultats spectaculaires.

MiP : Vous avez aussi travaillé avec McDonald’s pour sensibiliser à la lecture

A.J : Oui avec des albums jeunesse dans les Happy Meal. En réalité, McDonald’s n’est pas tellement éloigné des livres. C’est par là qu’une grande majorité des familles françaises passent, et dans certains quartiers où il n’y aura jamais de libraires, vous avez des McDo. S’il n’y a pas de livres dans le fast-food, il n’y en aura nulle part. En plus, l’introduction des albums jeunesse dans les menus enfants a permis de distribuer 70 millions d’exemplaires.

Made in Perpignan : En tant qu’auteur, pourquoi vouloir faire des Français une nation de lecteurs ?

A.J : Nous avons des problèmes d’échec scolaire, des problèmes d’intégration, d’immigrations, de violences et d’exclusions sociales. Ces maux se réparent par l’écriture et la lecture. D’où la création de l’association «Lire c’est partir» qui vend des albums jeunesse à 0.80 €. Elle se rend dans les écoles, les petites communes, dans les banlieues et zones rurales. Chaque année, les ventes montent à trois millions, là où il n’y avait pas de marché du livre. Le tout en ayant réinventé un système économique extraordinaire, en montant un partenariat avec Cultura, et en faisant des ventes sur les parkings du magasin. Cette année, «Lire c’est partir» va passer de 3 à 5 millions de ventes de livres grâce à ce partenariat. Donc soit on laisse les associations dans leur coin, le commerce dans le sien et on meurt tous ! Soit on imagine des accélérateurs en les faisant coopérer. On ne pourra pas faire de nation de lecteurs seulement avec les acteurs traditionnels ; ça ne veut pas dire qu’ils ne sont pas fondamentaux, mais il faut arriver à créer des synergies spectaculaires.

MiP : C’est le rôle d’un romancier ?

C’est le rôle d’un citoyen. Dans l’idée que je me fais de la citoyenneté, cela ne consiste pas à aller mettre un bulletin de vote tous les cinq ans, ça consiste à agir. Je suis sensible à ce sujet parce que je suis écrivain. Mais nous sommes aujourd’hui dans une telle crise générale dans notre pays, que si on attend tout des systèmes traditionnels, on ira tous dans le mur. Si nous sommes capables de trouver des solutions, nous n’avons pas le besoin d’être au gouvernement pour le faire, il suffit de faire. La Maif a travaillé, téléphoné aux uns et autres et réunit tout le monde, aujourd’hui nous sommes tous rassemblés pour la cause de la lecture.

MiP : La lecture a d’ailleurs été déclarée grande cause nationale…

A.J : Oui mais ça ne veut rien dire, c’est joli sur le papier, mais il ne se passe rien. Là où il se passe quelque chose c’est quand on augmente le nombre de livres de «Lire c’est partir» de trois millions à cinq millions ou quand on fait une opération avec McDonald’s. C’est beaucoup plus important de prendre des initiatives que d’attendre un gouvernement. Surtout qu’ils ne savent pas faire. Vous imaginez un gouvernement aller voir McDonald’s et lui demander de mettre des bouquins dans les Happy Meals ?

MiP : Pourtant la «Faites de la lecture» est aussi un partenariat avec l’Éducation nationale.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas coopérer avec les acteurs traditionnels, il le faut ! On ne va pas tout réinventer à l’extérieur, mais il faut les faire participer. Il y a plein de gens dans les systèmes publics qui ne demandent qu’à coopérer avec la société.

Made in Perpignan : Pensez-vous qu’il y a un manque d’engouement chez les jeunes pour la lecture ?

A.J : Pas du tout, pas si on raisonne autrement. En ce moment, je discute avec des booktokeuses de TikTok, leur influence est phénoménale. D’ailleurs, l’application a une volonté de chroniquer la totalité de la rentrée littéraire prochaine. C’est une décision politique très importante. Il faut aller chercher la population là où elle est, avec ses mœurs et ses modes de communication. Le milieu auquel j’appartiens à Paris, le milieu littéraire, rêverait de grandes librairies Gallimard partout sur le territoire ; surtout en centre-ville en oubliant les banlieues. Cela ne peut pas marcher, cet entre-soi peut vraiment coûter le destin du pays. C’est très dangereux pour le développement économique, la violence, l’insertion de tous… Toutes les études montrent qu’il y a une corrélation au niveau du vocabulaire et la violence.

MiP : L’influence de TikTok à travers les booktokeuses, c’est surtout une grande campagne de communication pour la Chine ?

A.J : Non vraiment pas. En réalité, ces grandes world compagnies, si elles sont très efficaces, c’est parce qu’elles sont décentralisées. Il n’y a que les vieux États qui restent centralisés ! Évidemment que tout le monde a des intérêts, les entreprises ont des intérêts, sinon ça ne serait pas des entreprises. Mais il y a quand même des zones d’actions communes possibles. Souvent les gens comprennent qu’il est dans leur intérêt de coopérer avec les sociétés.

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Maëlle Beaucourt