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À Perpignan, Joël se bat contre vents et marées pour sa poissonnerie

Joel commercant poissonnerie Cassanyes Perpignan

Combat écologique, concurrence des grandes surfaces et perte de clients, Joël Cairat se confronte à des problématiques persistantes. Mais dans sa poissonnerie place Cassanyes, au cœur du quartier Saint-Jacques, Joël réussi toujours à attirer le chaland. Proche de la retraite, Joël cherche à céder son affaire, en vain. Implantée depuis plus de 65 ans dans le quartier, la poissonnerie fermera-t-elle boutique ?

Aux abords de la place Cassanyes, Joël Cairat est poissonnier depuis dix ans. Dans son échoppe, les clients affluent en nombre ce jeudi matin. Il faut dire que les étals achalandés éveillent les sens et stimulent les papilles. «C’est une poissonnerie où on trouve de tout, pour tout le monde et à tous les prix. Je trouve ça épatant !», s’ébaudit Denise, une cliente coutumière des lieux. Malgré ce flot et l’enthousiasme de ses clients, souvent habitués de la poissonnerie, Joël ne cache pas ses difficultés. Derrière son sourire et son professionnalisme, à 56 ans, le poissonnier de la place Cassanyes craint pour l’avenir de sa «peixateria».

À quelques années de la retraite, il ne trouve pas de successeur. Même son employée, Fatou, ne souhaite pas reprendre le flambeau. En cause : un manque de moyens et de formation dans le territoire de la Catalogne du Nord. «Il n’y a aucun centre de formation pour les poissonniers ici ! Le plus proche est à Sète», s’agace Joël. Et confie : «Un temps, j’avais un apprenti qui était formé à Toulouse… Mais par des bouchers et des charcutiers». Une situation que le poissonnier déplore. «Malheureusement, je pense que toutes les poissonneries vont fermer ici», maugrée-t-il.

La poissonnerie à l’asphyxie : entre dettes et vente compromise

Joël ne le cache pas, il préférerait vendre son commerce plutôt que de rester à Cassanyes. «Il me reste deux ans», lâche-t-il dans un soupir. Il faut dire que depuis le Covid, Joël et Fatou vivent au rythme de la poissonnerie. «On dégage trop peu de marge pour faire des journées normales de 7 ou 8h». Ces derniers temps, les journées sont à rallonge, du mercredi au dimanche. Fut un temps, l’équipe était composée de quatre salariés. Mais depuis quelques années, Joël et Fatou ne travaillent plus qu’à deux. Une baisse d’équipiers due à une reconsidération financière. En effet, depuis la crise sanitaire, la boutique enregistre une baisse des ventes à hauteur de 25 %, «voire 30%», ajoute Joël.

«Je suis fatigué», en plus de courir après le temps, Joël doit suppléer les dettes accumulées depuis la pandémie. Au total, ce sont 34.000 € de dettes que l’entreprise Peixmed doit rembourser à l’Urssaf. Empêché par cette ardoise salée, depuis la mesure du «quoi qu’il en coûte», Joël fait face à un retour de bâton qui l’empêche de se projeter sur son avenir. «Je ne peux pas partir en laissant une dette», souffle-t-il. Pur produit catalan, Joël craint que la poissonnerie ne disparaisse avec lui. Seul point de vente de poisson frais aux alentours du quartier Saint-Jacques, la poissonnerie avait déjà bien failli disparaître en 2013. C’est en héros et avec un brin d’impétuosité que Joël avait repris l’affaire. Mais dix ans plus tard, transmettre son savoir semble presque illusoire aux vues du manque de formation et des contraintes du métier.

Le poissonnier de Cassanyes lance une bouteille à la mer : qui veut sauver Peixmed ?

La poissonnerie sédentaire de la place Cassanyes subit les aléas du marché éponyme. Depuis son étal, il l’a constaté, le marché périclite et les consommateurs sont moins nombreux à se déplacer. Un phénomène qui se répercute inévitablement sur la fréquentation de la poissonnerie de Joël. «Avant, nous avions des clients de Céret, de Cabestany ou de Canet. On ne les voit plus», regrette-t-il. Pour Joël, le problème principal reste le manque criant de places de stationnement. En plus de la perte des consommateurs, une grande partie des commerçants sédentaires de Cassanyes désire vendre leur commerce. Comme 80%* d’entre eux, Joël met, lui aussi, en vente son commerce.

Sur le marché des ventes depuis deux ans, la boutique ne trouve aucun repreneur. Personne ne semble mordre à l’hameçon au 10 place Joseph Cassanyes. Les propriétaires des murs laissent pourtant la possibilité à Joël de requalifier le bail autrement que par «poissonnerie». «C’est quand même dommage, elle existe depuis 1957 cette poissonnerie», confie Joël, navré de voir son affaire couler en eau trouble.

Joël, un poissonnier engagé pour l’écologie

À côté de son activité, le quinquagénaire est engagé pour l’écologie. «J’étais engagé politiquement lors de la campagne municipale de 2020 auprès d’Agnès Langevine, sous les couleurs d’Europe Écologie Les Verts», glisse-t-il. Cet engagement en faveur de l’écologie se ressent aussi dans son activité professionnelle. «C’est la raison pour laquelle je vais à Llançà, il y a un respect pour le poisson et sur les arrêts biologiques. Ils font très attention», assure-t-il. Joël dénonce aussi certaines pratiques en France, et notamment sur les arrêts biologiques qui, selon lui, ne seraient pas correctement respectés.

L’arrêt biologique permet entre autres la reproduction des espèces. Cette année, de février jusqu’à mi-avril, depuis Llançà jusqu’à Barcelone, les chalutiers ne sont pas sortis en mer. En dehors de cette période de pause, 98 % des poissons de chez Joël proviennent de la Méditerranée. «Les crevettes, le dos de cabillaud, le saumon et les moules sont les quatre produits qui ne viennent pas d’ici», avoue-t-il.

La charge du poissonnier de la Place Cassanyes contre des grandes surfaces

«Dans les grandes surfaces, on ne trouve presque que des poissons de l’Atlantique», regrette Joël, «vous ne trouvez pas de petits poissons comme ici». Pour le poissonnier de Cassanyes, les grandes surfaces sont une «honte». Il s’interroge sur certaines de leurs pratiques, «décongélation, saumure ?»Selon lui, il n’est pas normal que les rayons de poissonnerie, de ces grandes surfaces, soient aussi bien achalandés et particulièrement le lundi. «Les pêcheurs ne débarquent pas le samedi et le dimanche, ce n’est pas normal», poursuit le poissonnier, agacé. Sur le même ton, il confie que ses calamars frais sont au même prix que dans les grandes surfaces. Selon Joel, la qualité serait moins bonne en grande surface, et ce malgré un prix quasi-identique.

Mais toujours derrière son comptoir, Joël n’hésite pas à jouer de la voix pour vanter la qualité de ses sardines et autres calamars. «Denise, regardez mes calamars comme ils sont beaux !»

*Selon les chiffres de l’association des commerçants de la place Cassanyes.

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Maëlle Beaucourt