Article mis à jour le 27 juin 2025 à 19:35
Depuis le jeudi 26 juin 2025, les salariés de France 3 Pays Catalan et d’Ici Roussillon (ex France Bleu Roussillon) sont en grève illimitée. Les journalistes protestent contre la création d’une holding* de l’audiovisuel public portée par la ministre de la culture, Rachida Dati.
Le projet de loi à l’origine de cette réforme a été déposé au parlement en avril 2023 par des sénateurs du groupe Union Centriste et du parti Les Républicains. Débattue en 2024, la dissolution de l’Assemblée nationale avait stoppé net l’avancée du dossier. Ce 30 juin 2025, la ministre de la Culture présentera sa réforme de l’audiovisuel public aux députés.
Pour les salariés, la BBC à la française serait synonyme de coupes budgétaires
La réforme de l’audiovisuel public prévoit la création au 1er janvier 2026 d’une holding baptisée France Médias. Une entité qui regrouperait France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l’INA. Ni ARTE ni TV5 Monde ne seraient concernés. Pour le gouvernement, l’objectif affiché est de créer une « BBC à la française », capable de faire face aux mutations du paysage médiatique.
« Les usages ont changé. 62% des Français s’informent sur les réseaux sociaux. La concurrence, ce n’est plus les chaînes traditionnelles. Ce sont les plateformes et les réseaux sociaux. Aujourd’hui, il faut regrouper ses forces, notamment celles de l’audiovisuel public et il faut évidemment une organisation cohérente », expliquait la ministre de la Culture, Rachida Dati, sur l’antenne d’Europe 1 le 17 juin 2025.
Mais devant les locaux fermés d’Ici Roussillon à Perpignan, le message ne passe pas. Lors d’une conférence de presse, les journalistes se disent déterminés à conduire une grève illimitée.
Tanguy Bocconi, représentant du personnel et de la CGT résume la situation. « Le projet est simple : faire des économies d’échelle. Et qui dit économies, dit moins de moyens. Moins de moyens, c’est moins de reportages, moins de journalistes, moins de techniciens, moins d’animateurs. Cela signifie un éloignement des territoires. »
Le journaliste rappelle également que ce type de réforme a déjà été appliqué ailleurs. « Ce genre de fusion a déjà eu lieu à l’étranger, notamment en Angleterre avec la BBC. Résultat : un tiers de son budget a été perdu depuis 2010. »
« La première grève illimitée de l’histoire de Radio France » aux conséquences directes dans les Pyrénées-Orientales
Tanguy Bocconi était aux côtés de Céline Llambrich, journaliste à France 3 Pays Catalan, également syndiquée à la CGT. Tous deux préviennent : la future holding conduira à la mutualisation des rédactions entre Ici Roussillon et France 3 Pays Catalan.
« La radio et la télé sont complémentaires. On peut traiter le même sujet sous deux angles différents. Si tout est fusionné on ne pourra plus couvrir autant. »
Si cette loi passe, les journalistes évoquent aussi un affaiblissement de la couverture locale, surtout dans les zones les plus reculées comme la Cerdagne. À l’adresse des auditeurs et des spectateurs, les journalistes lancent : « Vous aurez moins de porte-voix pour relayer vos problématiques, vos enjeux, vos événements et ce qui se passe chez vous ».
Autre sujet de préoccupation : la logique de redécoupage. Aujourd’hui, France 3 compte une vingtaine de locales, contre 44 pour les stations Ici . Un écart qui pourrait aussi conduire à une réduction de la présence sur le terrain.
Enfin, les journalistes syndiqués évoquent les spécificités du territoire avec le possible abandon des programmes en catalan. « Quand tout sera centralisé à Toulouse, à Montpellier et à Nîmes, comment pourra- t-on faire des programmes en catalan ? », s’interrogent-ils.
« Les Pyrénées-Orientales, ce n’est pas un département comme les autres. Le Général de Gaulle disait : « Certaines régions n’existent pas assez, d’autres existent trop. » Nous, on existe trop. Et la catalanité ici, ça veut encore dire quelque chose. »
Une lutte aussi pour l’indépendance des médias et un appel à la mobilisation citoyenne
La mobilisation est aussi un combat pour la démocratie locale. « Cette réforme remet aussi en question notre indépendance éditoriale. Si elle est adoptée, on vivra une crise jamais vécue dans l’audiovisuel public », estime Céline Llambrich.
Et Tanguy Bocconi de conclure : « Le combat pour défendre nos privilèges, nos statuts, nos métiers, viendra après. Nous sommes là pour des enjeux démocratiques de pluralité d’expression, d’indépendance et de proximité. » Le service public appartient à tous, insistent les grévistes. « C’est vous qui le financez. Vous avez votre mot à dire ».
Un appel à la mobilisation est lancé : rendez-vous lundi 30 juin à 18h00 au pied du Castillet. La date n’a pas été choisie par hasard. Il s’agit du premier jour où les députés vont plancher sur la loi à l’Assemblée nationale.
« Venez nombreux si vous aimez votre radio, si vous aimez votre télé, si vous voulez encore avoir une radio de proximité, animée par des journalistes qui vivent avec vous, sur le territoire. »
*Une holding est une entreprise dont l’activité principale consiste à posséder des parts ou des actions dans d’autres entreprises. Elle ne produit pas forcément elle-même mais détient et contrôle d’autres sociétés.
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