Article mis à jour le 14 février 2025 à 10:13
Ce 13 février 2025, se tenait devant le tribunal correctionnel l’affaire de la mairie de Perpignan contre le site d’information Blast. Après les plaidoiries et deux suspensions d’audience, les juges ont annoncé que le verdict serait dévoilé le 3 avril prochain.
Pour mémoire, après une longue enquête en mai 2023, le média indépendant Blast publiait un article et une vidéo (vue plus de 141 000 fois) intitulée : « Contrôles au faciès, interpellations violentes, menaces : À Perpignan, la sale besogne de la « milice municipale » de Louis Aliot. » À l’issue de la publication, le maire et vice-président du Rassemblement National a immédiatement porté plainte en diffamation et injure publique.
C’est donc ce jeudi 13 février que les avocats des parties ont plaidé leur cause devant trois juges perpignanais. Au programme de l’audience, droit de la presse, définition de l’injure et de la diffamation, et pratiques de la police municipale de Perpignan
Quand Louis Aliot veut défendre « la considération » et « l’honneur » de la police municipale de Perpignan
Selon l’avocat de la défense, qui se base sur un arrêt de la Cour de cassation, la police municipale est sous l’autorité du maire, c’est donc ce dernier qui doit défendre les intérêts des agents, et non la collectivité. À ce titre, Maître Julien Khan demande dans un premier temps la nullité de la procédure.
Si les deux avocats ont chacun défendu leur position, le représentant de la ville de Perpignan persifle : « la Cour de cassation n’est pas parole d’évangile ! ».
Après ce premier échange particulièrement technique sur le droit de la presse et les prérogatives de chacun, le tribunal s’est retiré durant une trentaine de minutes. Avant d’entendre les plaidoiries sur le fond, les juges devaient décider si oui ou non, la plainte déposée par la mairie, et non par le maire, était recevable. Après délibération, la Cour décide de joindre « la question au fond », autrement dit, de laisser les parties plaider l’affaire avant de se prononcer sur l’ensemble du dossier.
L’audience s’est tenue ce 13 février dans le tribunal correctionnel de Perpignan
« Pamphlet, brûlot » ou « article de presse » les plaidoiries s’affrontent
Au tribunal ce jeudi de février, on s’interroge sur la définition des mots : « sale besogne », « milice municipale », ou « contrôle au faciès ». Ces expressions qualifiées d’injurieuses et ou diffamatoires le sont-elles au regard des actions menées par la police municipale de Perpignan ? C’est là que s’est ouvert un long débat…
Denis Robert, directeur du pureplayer Blast, est poursuivi pour injures et propos diffamatoires. Maître Harald Knoepffler, avocat pour la mairie de Perpignan, précise : La police municipale s’est vue qualifiée de milice appartenant à Louis Aliot. « Nous considérons que ce terme est injurieux au sens de la loi de 1881. Pourquoi ? Quand on utilise le mot ‘milice’, c’est pour faire référence aux heures les plus sombres de notre histoire. On parle de la milice française qui a raflé, torturé et envoyé des personnes dans les camps de concentration. »
Pour les faits diffamatoires, l’avocat de la mairie s’emporte. Il qualifie l’article de « pamphlet, de brûlot » et s’interroge sur les preuves qui justifieraient les propos de l’auteur. « Le journaliste dit qu’il a des preuves, il aurait pu les apporter. Où sont-elles ? » Selon Maître Harald Knoepffler, le seul but de l’article de Blast serait « d’injurier et d’accuser sans preuves la police municipale. » L’avocat remet en cause le sérieux de l’enquête. « Un journaliste digne de ce nom aurait dû contacter le chef de la police municipale ou Monsieur Aliot. Mais non ! » Au titre du préjudice moral, l’avocat de la mairie demande aux juges de condamner Blast à verser la somme de 5 000 euros à la mairie.
À l’issue de l’audience, plusieurs jeunes s’épanchent en aparté sur les pratiques de la police municipale
Après avoir pointé du doigt la méconnaissance totale du droit de la presse de son confrère, Maître Julien Khan qualifie la procédure de « cynique et profondément injustifiée. » Il démonte un à un les arguments avancés par l’avocat de la mairie. « Vous avez un article particulièrement modéré, illustré par une douzaine de vidéos. Elles établissent le comportement intolérable de la police municipale. Violence, humiliation, menaces… des comportements qui devraient inspirer de la retenue et du repentir de la part de l’équipe municipale. »
Au contraire, selon l’avocat, au lieu d’une remise en question, la municipalité attaque sur la ligne éditoriale du journal, trop à gauche selon elle. « Non seulement on légitimise ces comportements, mais de surcroît, ils répondent à une information d’intérêt général, par la calomnie et la provocation teintée par des considérations politiques. »
À la fin de son plaidoyer, Maître Khan demande à la Cour de condamner la mairie aux dépens, c’est-à-dire à régler une partie des honoraires d’avocats de la procédure. Outre cette éventuelle condamnation, les frais d’avocats, estimés entre 3 000 et 5 000 euros pour ce type de procédure, sont bien à la charge du budget de la ville de Perpignan.
À l’issue de l’audience où le public présent semble ne s’être que peu intéressé à l’affaire, plusieurs jeunes se dirigent vers l’avocat de Blast et s’épanchent sur leurs relations avec la police municipale de Perpignan.
La police municipale de Perpignan au cœur de plusieurs affaires depuis l’article de Blast
Quelques heures après ces débats sur ces faits datant de 2023, lors du conseil municipal, Louis Aliot lisait un courrier du syndicat FO dévoilant la mise en garde à vue de plusieurs policiers municipaux pour agression sexuelle et violence par personne dépositaire de l’autorité.
Pour mémoire, en juillet 2024, un policier municipal de Perpignan avait déjà été condamné à six mois de prison avec sursis pour violence par personne dépositaire de l’autorité à l’encontre d’un mineur.
En 2023, une vidéo, filmée à Saint-Mathieu, diffusée d’abord sur le réseau social Snapchat et reprise dans un article de Médiapart mettait en lumière un policier municipal assenant un violent coup à un jeune homme qui se cogne ensuite contre un barreau de fenêtre. Objectif, interpeller le mineur, qui selon l’agent, avait été vu en flagrant délit de vente de stupéfiant.
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