Article mis à jour le 1 juillet 2019 à 19:03
Jane Birkin se produisait en mars au théâtre de l’Archipel dans le cadre de la tournée « Gainsbourg Le Symphonique » programmée à Perpignan par le Mediator. L’occasion de revenir sur la carrière et le parcours de ce couple mythique des années 70. Mais aussi sur le goût immodéré de Serge Gainsbourg pour la féminité et l’influence de la musique classique sur son œuvre.
De retour après guerre dans le Paris qu’il a fuit, Serge Gainsbourg délaisse au fil des années ses ambitions de peintre pour suivre les pas de son père. Il écume les casinos et les piano-bars comme crooner quand il rencontre Boris Vian au cabaret Milord l’Arsouille. Vian lui ouvre les portes de la composition et le conforte dans ses penchants pour « des textes provocateurs, drôles, cyniques, loin du répertoire des vedettes du moment* ».
♦ Gainsbourg et ses muses
Dans un coin de la tête de Serge demeure Lucien**, ce petit garçon fasciné par les modèles féminins de l’Académie de peinture Montmartre qu’il fréquentait. Sensible et complexé par son physique, Serge Gainsbourg est inspiré par les muses de la féminité. Séducteur, Gainsbourg joue sa musique pour et surtout avec les femmes, et donc des mélodies qu’elles aiment. Sa première interprète sera Michèle Arnaud en 1958 puis Juliette Greco qui incarnera la toute première « Javanaise » en 1962.
Avec l’arrivée des yéyés, au milieu des années 60, Serge Gainsbourg change son violon d’épaule. Il compose, écrit, ou adapte quelques succès américains comme « Comment te dire Adieu » pour Françoise Hardy. Les idoles de la jeunesse comme France Gall surfent sur le succès des paroles sulfureuses de Serge. Gainsbourg qui sera présent à leurs côtés sur la mythique « photo du siècle » de « Salut les Copains ». Sa brève, mais intense, relation avec Brigitte Bardot pendant trois mois fin 1967 lui inspirera des titres cultes tels « Initials BB », « Comic Strip », « Harley Davidson », « Bonnie and Clyde » mais aussi « Je t’aime… moi non plus ».
Ce dernier titre fera d’ailleurs l’objet d’une version symphonique qui ne sera révélée que 20 ans plus tard au grand public. Il sera finalement interprété en duo avec Jane Birkin que Serge rencontre en 1968 sur le tournage du film « Slogan ». Jane qui partagera sa vie pendant plus d’une décennie et pour laquelle il composera d’immenses succès comme « 69 année érotique » ou « Les dessous chics ».
♦ Des violons dans la tête
Fils d’immigrants russes juifs, le jeune Lucien baigne dans des influences classiques. Tout d’abord, celle de la musique traditionnelle Yiddish, comme une impression sur le tissu familial incarné par un père pianiste et une mère mezzo-soprano exilés de Crimée en 1919. Puis celle de la musique classique et des gammes au piano que lui impose de répéter inlassablement son père. Ce ne sera que lors de son service militaire, qu’il s’initiera à la guitare, mais aussi à l’enivrement qui permet de s’évader « du trou » où l’irrévérencieux Lucien est envoyé.
Les symphonies, sonates, études et préludes se bousculent dans l’esprit de Serge Gainsbourg quand il compose autour ses textes. Chaque femme et chaque sentiment lui suggèrent un mouvement unique, lui évoquent l’œuvre d’un compositeur. On retrouve donc les trames des plus grands dans certains morceaux de Gainsbourg à l’instar de Dvorák et sa symphonie du Nouveau-Monde dans « Initials BB ». Mais aussi une des préludes de Chopin (Jane B), la 3e symphonie de Brahms (Baby alone in Babylone), ou encore une sonate pour piano de Beethoven au détour de « Poupée de Cire, poupée de Son ».
Hommage, simple citation ou provocation ? Serge Gainsbourg déclare amusé sur Radio Classique: « On pourrait aller jusqu’à la profanation (rires). Hugo disait : “Il est interdit de déposer de la musique le long de mes vers.” Brahms n’aurait pas aimé que je dépose des paroles le long de sa musique. Mais je ne fais qu’emprunter. Mes essais — qui ne sont que des essais — s’effaceront d’eux-mêmes et Brahms sera restitué. Je l’ai à peine effleuré. »
♦ Jane et la génèse de l’album symphonique
« Une chose entre autres que tu n’sais pas, tu as plus qu’un autre l’meilleur de moi »… Les paroles de Serge pour moi… et j’ai compris des années après qu’il avait raison… Il m’a donné le meilleur de lui… Trente ans que Jane chante le répertoire ou lit les poèmes de Serge. Et le meilleur des deux s’est retrouvé au théâtre de l’Archipel ce mercredi soir-là. Des arrangements et un orchestre national Montpellier Occitanie qui parachèvent la version studio réalisée en 2017 d’un projet né quelques mois plus tôt.
« Un jour j’ai évoqué à quelqu’un le fait que Serge s’inspirait beaucoup de la musique classique. Et à quel point il aurait été beau que ses textes soient interprétés avec un orchestre symphonique. Très vite, le projet a pris forme. Les Francofolies de Montréal m’ont proposé d’ouvrir le festival 2016 par deux concerts avec l’Orchestre Symphonique de Montréal. »
Pour le disque enregistré à Varsovie, le choix de Jane se portera sur le pianiste japonais Nobuyuki Nakajima rencontré lors de la précédente tournée à Tokyo. « Ses arrangements sont d’une beauté inouïe, avec une magie à la Mendelssohn, Messiaen… des airs de jazz, de fantaisie et de charme… J’ai pris des chansons de Serge, les idées de Philippe (NDLR Philippe Lerichomme) et la magie de Nobu… Et aujourd’hui naît Gainsbourg Symphonique !
*Source wikipédia
**Serge Gainsbourg est né Lucien Ginsburg
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