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« Un docteur à l’ancienne » : avec le Médicobus, la médecine itinérante soulage les territoires isolés

Alors que 7 % de la population des Pyrénées-Orientales n’a pas de médecin traitant, le dispositif du Médicobus va à la rencontre des patients. Lancé par la Communauté professionnelle territoriale de santé  « Vallée du Tech », ce cabinet médical sur roues sillonne les routes d’une vingtaine de communes depuis le début du mois de novembre. Made In Perpignan a suivi une matinée de consultations dans les Aspres, où le soulagement se lisait sur le visage des patients.

La manœuvre est encore délicate pour Corinne. L’infirmière doit garer un cabinet médical ambulant. Cela fait maintenant près d’un mois que le Médicobus parcourt le Haut Vallespir et les Aspres trois jours par semaine. Aujourd’hui, le 19 novembre, il pose sa mallette à Villemolaque, directement confronté à l’urgence du manque de médecins généraux.

À son bord, Corinne Brière et Yassin Uezagti, « infirmière et médecin du jour ». Une fois garés, ils branchent le bus à la prise mise à disposition par la mairie et déploient leur cabinet. Les feuilles de soins sanglées dans les placards, la table de consultation, le robinet sur réservoir : le minibus coche toutes les cases. « On est quand même un peu à l’étroit, remarque Corinne, quand on a des enfants en consultation, ça remue. » Constat partagé par Marie-Laure, première patiente de la journée, dans l’enchevêtrement des espaces du cabinet : « il faut se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre le lit de consultation. »

Un bus en guise de médecin traitant

Mais le manque de place n’a pas terni son enthousiasme. « C’est un docteur à l’ancienne. Il cherche à comprendre ce qu’on a. Ce n’est pas un médicament et au revoir. » Tout juste retraitée, elle est arrivée à Villemolaque il y a un mois et demi. « S’il n’y avait pas de médicobus, je serais allée me faire soigner à Perpignan. Et encore, pas sûr de trouver un médecin traitant. » Fini les recherches interminables. L’association Mobil’Tech Santé, qui gère le dispositif, peut devenir le médecin traitant des patients qui se présentent s’ils vivent dans un désert médical. Ainsi, peu importe l’équipe qui le conduit, le suivi est assuré. « Je sais qu’il passe au moins toutes les 5 semaines et que je peux prendre rendez-vous. Ils ont mon dossier. »

En 15 ans, le département a perdu 30% de ses médecins généralistes. 36% des praticiens actuels ont plus de 60 ans, annonçant de nombreux départs à la retraite dans les prochaines années. Malgré la fin du numerus clausus, la situation pourrait rester tendue pendant encore 10 ans.

« On voit vraiment un médecin. Les mêmes que quand on était petites. »

Agathe a pris rendez-vous avec sa femme et son fils de 15 mois. Arrivé en décembre dernier, le couple cherchait un médecin depuis des mois. « Ça a été un vrai soulagement. On s’est dit : ‘fini les rendez-vous chez SOS Médecins pour le petit. Il aura un repère. » Un suivi régulier essentiel aussi pour son épouse en situation de handicap. « On avait juste besoin de quelqu’un pour son traitement et son accompagnement. »

30 min de consultation : « Il faut que les patients voient qu’ils ont de la place »

En moyenne, selon Ameli, un médecin voit entre 25 et 30 personnes par jour, avec une consultation qui avoisine les 15 minutes. Dans le cabinet étroit du Médicobus, les patients ont la garantie d’un rendez-vous d’au moins 30 minutes. « C’est royal, se réjouit Yassin, médecin, indispensable pour le premier rendez-vous, mais je suis encore plus curieux de voir ce qu’on aura le temps de faire tout au long du suivi. Un vrai travail de prévention et d’éducation. Il faut que les patients voient qu’ils ont de la place. » Yassin Uezegti a été séduit par un projet « fait par les soignants », avec les infirmiers et infirmières.

« Ce sont les paramédicaux qui connaissent les problématiques du territoire. Ils créent le lien avec les patients. Si on arrive sans eux, on n’a pas la même relation de confiance. »

Le Médicobus se rend dans 22 communes des Pyrénées-Orientales, avec un roulement sur 5 semaines. Des collectivités qui ont été sélectionnées en fonction du manque de médecins sur place et des personnes concernées par des affections de longue durée. Infirmiers et médecins sont salariés de l’association. Pour l’instant, ils donnent un jour par semaine au dispositif, sans fermer la porte à un engagement plus fréquent.

Avant chaque consultation, Corinne effectue un entretien avec les patients

« On va voir si on ouvre de nouvelles journées de tournée, si on va dans d’autres communes », explique Corine Brière. L’expérience est prévue pour 3 ans, un premier point avec les équipes sera fait après trois mois de tournées, en janvier 2026.

Face aux besoins, le risque que la demande explose

« Il faut garder en tête que ces conditions de soins ne sont pas les meilleures, tempère Yassin, on comble de gros trous. C’est génial ce dispositif, mais ce n’est pas normal qu’on en arrive là. » Le binôme espère voir arriver des publics isolés. « Pour le moment, on a les candidats les plus simples. Il faut se faire voir. C’est vrai qu’on se rapproche des patients, mais ils doivent encore venir vers nous. » La mairie de Villemolaque elle-même reconnaît les difficultés à communiquer auprès des publics les plus fragiles.

Reste aussi la question de la capacité d’absorption de ce nouveau médecin sur roues. Si les vannes sont pour l’instant ouvertes, combien de patients pourra-t-il suivre sur le département en garantissant la même qualité de suivi ? Alors que 27 000 personnes n’ont pas de médecins traitants dans les Pyrénées-Orientales, la demande risque d’exploser. Le Médicobus a réveillé l’espoir d’un territoire sans errance médicale, ses premiers mois sur les routes départementales devront faire le poids.

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