Article mis à jour le 18 avril 2023 à 13:58
Le premier méga-feu de l’année en France s’est déclaré dimanche 16 avril au matin entre Banyuls-sur-Mer et Cerbère. Détruisant mille hectares environ, en comptant la partie espagnole, cet incendie de végétations mobilise plus de cinq cents pompiers, venus de plusieurs Sdis du sud de la France. Retour en photos et en témoignages sur 24 heures de flammes et de cendres.
Aucun blessé n’a été recensé, ni aucune maison totalement détruite, mais le monstre de feu a traumatisé Cerbère et ses habitants (300 évacuations). Il a réussi à s’infiltrer dans les quartiers du village, en marquant, de son passage, des jardins et des terrasses. Cerbère était isolée du reste du monde plusieurs heures, avec le feu qui sautait toutes les départementales qui la relient.
Si l’incendie a été maîtrisé à deux heures dans la nuit de lundi, le personnel des Sdis a encore plusieurs jours de chantier avant de quitter le site.
Tôt lundi matin, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin leur a rendu visite au poste de commandement basé à Banyuls-sur-Mer. Il a rappelé l’aspect anormal de cet événement si tôt dans l’année : « Nous allons connaître un été 2023 très dur, sans doute au moins autant que celui de 2022 ».
Le ministre a cité « le désastre écologique » que cela représente, avec la sécheresse historique présente dans les Pyrénées-Orientales; et il a incité les Français « à la vigilance, alors que neuf départs d’incendie sur dix sont d’origines humaines ».
Ce joyau naturel du département – que sont ces paysages du sud de la Côte Vermeille – est changé pour un moment.
Les terrasses de vignes noircies et une vue à l’ambiance lunaire. À Cerbère, certains habitants ont eu très chaud, comme l’ancien maire du village pendant vingt-cinq ans Jean-Claude Portella. Le septuagénaire mangeait tranquillement vers 13h30 dans sa maison du chemin des vignes avec son épouse quand il a dû évacuer, alerté par ses petits enfants. Ils sont partis chez des amis et ont pu regagner leur habitation aux alentours de 15h15.
De retour vers 17h dans son jardin totalement détruit, on lit le dépit sur le visage de l’ancien élu. Jean-Claude Portella et sa famille, déboussolés, regardent trois pompiers noyer les derniers foyers de braises, entre ses fruitiers et le garage carbonisés de son fils juste en bas. « J’ai construit de mes mains la maison. J’ai continué de planter au fil des années ces arbres. »
L’un de ses fils fait le tour de la propriété. Les images témoignent de la bataille menée quelques heures plus tôt, par les pompiers contre les flammes attisées par le vent : des murs noircis, avec des canalisations et des remises brûlées, la terrasse et la voiture détruites.
Le quartier sur les hauteurs de Cerbère a été le plus impacté du village.
En toute fin d’après-midi, les habitants exténués appelaient encore à la rescousse les pompiers pour éteindre les reprises de feu – excité par des rafales dépassant les 100 km/h – dans des jardins de maisons vides. Des cendres plein les yeux, Annick, Monique et Adrien décrivent « une angoisse absolue » vécue plus tôt dans la journée. Leurs maisons donnant sur un ravin rempli de végétations, ils y voyaient un feu monter en puissance.
« Avec tous les voisins, on s’est mis à l’arrêter avec nos tuyaux. On a déplacé toutes les voitures à temps. Jamais en plus de cinquante de vie ici nous n’avons observé un feu pareil, dans le quartier, aussi près des maisons ».
Ce dernier argument, au sujet de l’incendie, confirme son qualificatif de méga-feu. Hors de contrôle, atteignant les habitations, et détruisant une surface exceptionnelle à une très grande vitesse de déplacement.
Cerbère coupée du monde pendant plusieurs heures.
Le feu sautait facilement entre les deux bords de la RD914 – prenant de cours les pompiers. La typographie et le vent n’aidant pas. Les quatre Canadairs ont dû abandonner après seulement quelques largages, vu les risques encourus. Seuls deux Dash, encore dans les airs dans la journée de lundi, ont pu mener à bien leur mission avec du produit retardant.
La plupart des quelque trois cents personnes évacuées dans le gymnase ou regroupées au niveau du port ont pu regagner leur domicile en soirée.
« Il s’agit du plus grand feu de l’année 2023 », pour reprendre les paroles de Gérald Darmanin. Pour mémoire, les Pyrénées-Orientales étaient également le théâtre du premier d’une série d’incendies inédits par leur ampleur avec plus de mille cent hectares partis en fumée à Opoul-Périllos fin juin.
Un incendie estival au printemps – FranceInfo de confirmer : « Le programme Prométhée recense les incendies survenus depuis 1973 dans la zone méditerranéenne. D’après ses données, l’incendie de Cerbère est le plus étendu jamais enregistré pour les mois de mars, avril et mai. »