Article mis à jour le 13 mars 2025 à 12:38
À l’occasion de ses dix ans, le Mémorial du Camp de Rivesaltes propose au public l’exposition citoyenne et participative « Objets de Mémoires » à partir de ce vendredi 14 mars et jusqu’en février 2026.
Joan, Mélanie, Anna, Nouria ou André, ils sont dix à avoir choisi dans les réserves du mémorial les objets qui dessinent le mieux les dix ans du lieu. Claire Muchir est la commissaire de l’exposition « Objets de Mémoires » .
« L’expérience était incroyable », s’enthousiasme Mélanie Minhonnac. C’est le même constat fait par Joan Chillon : « Je trouvais que c’était une telle bonne occasion de pouvoir déjà m’impliquer dans la vie citoyenne du département où j’ai grandi ». La première freelance en communication de 45 ans, et le second, étudiant de 19 ans, ainsi que huit autres personnes ont eu l’opportunité de participer à une expérience inédite à Rivesaltes. Le Mémorial du Camp de Rivesaltes les a sélectionnées après un appel à candidature pour façonner l’exposition. « Objets de Mémoires » sera dévoilée au grand public le vendredi 14 mars 2025 et restera accessible jusqu’en février 2026.
« On a voulu à cette occasion proposer une exposition un peu originale, voire atypique », relate Nicolas Serpette, responsable de la communication du Mémorial. L’objectif de l’expérience était d’avoir un regard neuf sur les collections du camp. Pour cela, les participants ont été sélectionnés suivant plusieurs critères. Il fallait avoir plus de 18 ans et surtout ne pas avoir de lien avec le Mémorial. « On a souhaité concevoir cette exposition avec un groupe de citoyens du territoire, qui ne soient ni des professionnels de la muséographie, ni même des personnes liées à l’histoire du lieu », explique Nicolas Serpette.
Des ateliers d’élaboration étalés sur six mois
Ce sont au total six ateliers qui ont été organisés en six mois. Ces temps d’échanges ont été encadrés par des professionnels. « Proposer une exposition à vocation artistique n’empêche pas, au contraire, d’être dans la rigueur scientifique et historique », affirme Nicolas Serpette. C’est d’ailleurs, Claire Muchir, commissaire de l’exposition qui les a suivis durant tout ce travail.
La première phase de l’expérience a été purement de l’enseignement. « On nous fait une grosse piqûre de rappel sur ce qui s’est passé au camp de Rivesaltes. Moi-même, je ne savais pas tout », confie Mélanie. L’étape suivante a été la découverte des objets. « On a posé sur la table toutes nos collections et on leur a demandé de sélectionner des objets », explique Nicolas Serpette. En effet, la notion « d’objets » a une place centrale. Il a donc fallu que les dix participants travaillent sur les différentes familles d’objets reliés au camp. Mélanie explique « Il y a les objets de surface, ceux qui ont été trouvés en archéologie et ceux qui sont associés à l’histoire du Mémorial ; des dons, des dessins, … ». Après discussions, les participants se sont mis d’accord sur une quarantaine de pièces.
En collaboration avec l’écrivain Claude Faber, des ateliers d’écriture ont également été menés. « On a pu individuellement faire transparaître notre vision, notre ressenti », confie Mélanie. En prenant des extraits de textes de chaque participant, l’écrivain a formé un écrit global. « Il a réussi à faire quelque chose qui est profondément représentatif du travail commun », souligne Mélanie. D’autres ateliers ont été mis en place. Notamment autour de la scénographie et du parcours du spectateur.
Pourquoi ces citoyens se sont impliqués dans l’exposition « Objets de Mémoires » ?
« Malgré nos différences d’âge, de générations, malgré nos parcours, nos conditions socioculturelles différentes, on a tous un dénominateur commun », indique Mélanie. La diversité au sein du groupe de travail a également été un avantage selon Joan. « L’intergénérationnel, je pense que ça a été important ». Après cette expérience, Mélanie fait le bilan : « On était vraiment tous animés par cette sensibilité, cette émotion, que l’être humain n’arrive pas à avancer, à évoluer dans le sens positif, et que la paix n’est jamais acquise ».
Chaque bénévole possède ses propres raisons qui l’ont poussé à participer à l’élaboration de l’exposition. Pour Mélanie, le déclic a été le contexte politique. « Quand l’appel à candidature a été lancé, c’était juste après les élections législatives. Pour ma part, c’était un climat politique plutôt anxiogène ». Travailler sur l’histoire du camp de Rivesaltes a également, chez Mélanie, fait écho aux événements d’actualité. Le camp a été témoin du passage de ceux qui étaient considérés comme les « indésirables » à différentes époques : les réfugiés espagnols durant la Retirada, les juifs sous l’occupation allemande et les harkis durant la guerre d’Algérie. « Il y avait quand même un effet miroir avec ce que l’on peut voir avec les réfugiés de Gaza », déplore Mélanie. D’autre part, en tant que photographe, participer à un devoir de mémoire sous le prisme artistique était une occasion rêvée.
De son côté, pour Joan, l’exposition s’ancre dans son parcours scolaire. « Ça complète totalement ma licence d’histoire et de géographie. » Passionné d’histoire, l’étudiant en a appris davantage sur les moyens de conservation des archives. Cette expérience lui a aussi permis de mieux comprendre l’envers du décor d’une exposition, et comment elle se construit. « Jamais de ma vie, je n’aurais pensé pouvoir en apprendre autant », assure-t-il. Joan est également président de l’association Les Engagés qui œuvre à promouvoir l’engagement citoyen des jeunes. Il était donc tout naturel pour lui de candidater.
L’exposition donne aussi la part belle aux travaux de la plasticienne Nicole Bergé
« Elle a procédé à de nombreuses collectes d’objets du quotidien qu’elle a retrouvés sur le site du camp », explique Nicolas Serpette. Cela peut être des culs-de-bouteilles, des boîtes de conserve ou des morceaux de métal. « Elle les a ensuite massifiés et constitués en installations artistiques », ajoute le responsable de la communication.
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