Article mis à jour le 16 décembre 2016 à 21:24
Olivier, de son nom de scène Mr Blackstone, faisait la première partie des Ten Years After au Médiator, l’occasion pour MiP de faire un portrait de ce rockeur à la voie chaude et profonde. Un style musical saupoudré de soul, folk et rock qui nous invite au voyage et dans un univers tout comme Eddie Vedder nous avait fait découvrir les contrées lointaines d »Into the Wild ». Nous avons abordé avec lui son parcours, le prix Nobel de Bob Dylan, The Voice et l’univers de la musique en 2016.
♦ Vous avez auto-produit votre premier album. Pour le 2ème album, en 2013, vous avez opté pour une collecte sur kisskissbankbank. Quel est votre retour sur ce système participatif ? Expérience positive ?
Oui l’expérience est très positive ! Tu mets ta musique sur internet et tu te demandes si les gens vont suivre. Et tu es surpris par l’engouement… J’ai eu un bon retour mais ça m’a mis la pression car, tout d’un coup, je me suis aperçu que pas mal de gens attendaient l’album. On est arrivé au target et il y avait plus de 100 ou 150 albums vendus. Je me suis dit, bon là, il faut vraiment le finir ! Ce n’est pas que je ne voulais pas le finir avant, mais voilà… Il y a des gens qui l’attendent alors on a essayé de faire les choses au mieux et au plus rapide.
♦ …. Mais
« Je ne suis pas certain de refaire encore un album ainsi … Je trouve ça chiant de faire un album en auto-production, c’est très long, trop coûteux quand tu n’es pas signé dans une maison de disque particulièrement quand personne ne t’attend. Les 4 titres ou des EP c’est plutôt pas mal. C’est pas que je ne veuille plus jamais enregistrer de ma vie, c’est plutôt le format album qui me convient moins. Car un album, c’est vraiment long à mettre en place. Il faut trouver des titres qui vont ensemble, créent quelque chose de cohérent. Si tu es avec des producteurs ou accompagné par une équipe pourquoi pas, mais tout seul c’est chiant ! »
♦ Êtes-vous autodidacte ? Quel est votre processus de création ? Vos Inspirations ?
« J’ai commencé la musique assez tard, la guitare à 15 ans, en autodidacte, j’ai pris quelques cours, une petite année de cours de musiques actuelles en conservatoire. Après, je me suis mis à chanter par nécessité, car quand tu rentres dans un groupe, personne ne veut jamais chanter, alors je me suis lancé ! Je me suis dit que j’avais créé les morceaux, que je devais écrive les paroles et les assumer jusqu’au bout en les interprétant ».
Pour l’inspiration, « je ne sais pas vraiment. Des fois, tu as une idée qui vient comme ça, sur un morceau, une phrase qui te fait penser à quelque chose que tu viens de vivre, des fois ça peut être ton histoire personnelle que tu extrapoles, que tu accentues. Oui, c’est surtout ta vie… L’album n’est pas une autobiographie, mais il y a forcément beaucoup de moments et de choses que tu as vécu, ou que d’autres ont vécu ou que tu aurais aimé vivre. Tu es inspiré par ta vie dans son ensemble je pense ».
♦ Une grande ressemblance avec Eddie Vedder l’auteur de la BO de Into the Wild ?!
« On me le dit souvent. J’écris mais je ne suis pas capable d’écrire un morceau en français qui tient la route du début à la fin. Peut-être si je trouve un auteur capable de mettre en résonance parole et musique mais pour le moment je ne l’ai pas trouvé« .
♦ Le Prix Nobel de littérature de Bob Dylan et la poésie musicale ?
« Je trouve ça génial, c’est le premier songwriter qui reçoit un prix Nobel de littérature et il faut avouer que ses textes sont juste énormissimes ! Il n’y a pas grand monde qui est arrivé à toucher même à la cheville de Bob Dylan au niveau texte. C’est fantastique qu’il ait gagné le prix Nobel de littérature parce que c’est de l’écriture ! On n’est pas obligé d’écrire des livres pour être fort en littérature et lui l’a bien montré. J’espère que ça ouvrira la voie pour d’autres ».
De la poésie musicale ?
« Non, même Bob Dylan je ne suis pas certain qu’il fasse de la poésie. Dans la poésie, il y a un côté très codifié. Sur une chanson, tu peux très bien faire une phrase de 10 pieds et celle d’après de 7 et celle d’après de 9 … Pourtant, cela sonne quand même bien parce que rythmiquement tu la dis différemment. Alors que la poésie, tu es obligé d’avoir une espèce de rythmique poétique que je n’ai pas. Je ne me sens pas poète, j’aimerai bien ! J’adorerai que tous mes morceaux soient des poèmes mais je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’artistes qui écrivent des poèmes et qui les chantent. Je pense qu’il y en a qui écrivent de magnifiques textes, en français ou en anglais, mais est-ce que ce sont des poèmes ? Ce n’est peut-être pas à moi de répondre, je suis juste un musicien. Non je ne me considère pas comme un poète ».
♦ Le système des télé-crochets et l’univers de la musique aujourd’hui ?
« Je ne sais pas si un artiste peut y arriver sans ce coup de pouce, qu’il soit télévisuel ou radio-crochet. Je pense que ça existe depuis très longtemps en France et que toutes les Françoise Hardy sont sorties du lot grâce à ce type de tremplin médiatique. On l’a forcément oublié parce qu’ils sont rentrés dans le haut du panier.
Je crois que c’est l’ancien directeur d’universal, Pascal Negre qui disait « Le plus dur quand tu signes un artiste, c’est de le travailler pour le faire connaître » et avec ces émissions là il est connu avant d’avoir fait quoique ce soit. Donc le travail est déjà au ¾ fait. Aujourd’hui, il faut s’accrocher pour être découvert sans cette exposition. De mon côté, je suis intermittent et je suis obligé de faire d’autres choses à côté pour y arriver ».
Tenté par « The Voice » ?
« On me l’a proposé déjà, j’ai dit non, parce que j’étais dans mes trucs. Ça fait 4 ans qu’on me propose des choses. Je pense que toutes les émissions ne sont pas les mêmes. Je n’avais jamais regardé The Voice jusque là et ça n’a rien à voir avec d’autres émissions ».
« À la Nouvelle Star, tu te fais lyncher, l’autre il te dit c’est nul c’est de la merde rentre chez toi. Je t’emmerde connard ! (pardon avec un sourire gêné). Alors que dans The Voice, même s’ils ne se retournent pas, ils te disent c’est bien continue. Aujourd’hui, je dis pourquoi pas moi car il ne faut pas avoir peur. C’est une carte de visite comme une autre. J’hésite car ça me ferait rentrer dans la grande machine et je me demande à quelle sauce je vais être mangé. Je ne dis pas que je me sens tenté, mais sans cela, il faut avoir beaucoup de chance, d’argent et des connaissances haut placées pour te mettre le pied à l’étrier !
« Un artiste ne peut pas y arriver seul ! »
« Cali m’a dit un jour « un artiste sans manager, c’est pas faisable !». Tu appelles une maison de disque ou un tourneur et le mec il te dit : « Ton truc me plait pas, c’est de la merde ! » En tant qu’artiste, après avoir raccroché, tu mets 3 semaines à t’en remettre. Même s’il faut pas le prendre pour soi, c’est juste pas son style. Alors qu’un manager te dit : « bon écoute … C’est pas leur genre en ce moment, ils sont dans le hip-hop ». Tu te sens plus protégé. Pour un artiste seul, y arriver c’est presque de la folie ! Faut être malade pour passer ses journées à passer des coups de fil, jamais se vexer, ne pas se laisser démoraliser ».
« Les gens aiment bien dire qu’ils aiment les choses non formatées, mais ils ne les achètent pas ! »
« C’est bien d’aimer des trucs un peu underground avec des 4,5 minutes d’intro mais personne n’achète ! Notre oreille s’est aussi habituée à un morceau de 3,30 minutes, c’est comme ça. Moi le premier, si tu me sors un morceau qui dure 7 minutes et qui est que couplet-refrain, couplet refrain, au bout de 4 min j’en ai marre.
C’est bien quelque part qu’on soit formaté et en même temps malheureusement on ne laisse plus passer des Bohémien Rapsodie, Starway to Heaven. Ca empêche ces créations d’émerger ou alors on ne les connaît pas. Il y du bien et du pas bien. Idem pour le fait de pouvoir enregistrer chez soi. Dans les 60’s, si tu voulais faire un album, il fallait hypothéquer ta maison. Aujourd’hui, tu t’achètes un petit ordi’, une carte son, un logiciel et roulez jeunesse ! »
« Aujourd’hui tu peux faire comme à l’époque de la Motown… »
« On parle souvent de la motown. C’est ce qu’il faisait les mecs ! Ils écrivaient tôt le matin, ils enregistraient dans l’après-midi et le soir même c’était sur les ondes radios. C’était certes la belle époque mais aujourd’hui tu peux faire pareil ! Tu te lèves, tu écris, tu mixes et le soir c’est sur youtube et tu peux être écouté par 40.000 personnes. La difficulté, c’est le modèle économique : faire un album coûte beaucoup d’argent et quand tu vois le nombre d’albums que tu vends, tu te dis le business n’est pas cohérent. La scène c’est aussi très compliqué : obtenir des dates, être payé à sa juste valeur, c’est la réalité d’aujourd’hui et je m’en accommode ».