Article mis à jour le 6 février 2025 à 13:56
Ce mercredi 29 janvier 2025, sous l’impulsion de Fabien Benoit, professeur d’économie, le lycée Notre-Dame de Bon Secours accueillait l’économiste français Jacques Delpla. Face à 220 étudiants, celui qui fut conseiller de plusieurs ministres des finances présentait une conférence sur « l’économie du climat ». Photo © Charlie Richard.
D’après Jacques Delpla, c’est la signature des accords de Paris 2015 qui l’ont « poussé à faire quelque chose ». Mais c’est seulement trois ans plus tard que l’économiste a débuté son travail sur le climat, pour « essayer de comprendre », dit-il. Pourtant favorable au traité international, il juge que prôner la décroissance n’est plus adapté surtout depuis le retour de Donald Trump au Capitole. « Il faut trouver autre chose, et à part la science je n’ai rien trouvé de mieux », déclare Jacques Delpla.
Le climat, un thème cher aux yeux de la jeunesse
Le sujet est au cœur des préoccupations d’une majorité de jeunes. Selon une étude publiée par l’Ademe* en 2023, 79% des 15-25 ans déclarent apporter « une grande importance » à la crise environnementale. « C’est existentiel pour les jeunes. C’est normal que ce sujet les intéresse, c’est palpitant et c’est leur avenir », souligne Jacques Delpla.
Un thème qui inquiète aussi de manière générale les français. En effet, ils sont 82% à partager cette crainte, selon une enquête menée par l’institut de sondage Ifop en 2023. Cependant, ils seraient moins motivés pour agir en conséquence, selon l’économiste. « Avec les feux de forêt ou les inondations, les gens voient et croient qu’il y a un réchauffement climatique. Mais ils se posent la question : pourquoi faire quelque chose si les Chinois continuent de polluer 30 fois plus que nous ? ».
Des chiffres exacts mais qui ne tiennent compte que des émissions de CO2 territoriales, c’est-à-dire des biens et services produits en France. Or, dans un époque mondialisée, notre consommation contribue aux émissions de CO2 des pays producteurs, tels que la Chine. Quelque soit le mode de calcul, ces chiffres doivent-ils pour autant exonérer les Français de leur responsabilité ?
« La vitesse du progrès technique est extraordinaire »
Les sujets qui touchent au climat nous ramènent aux actions individuelles de chacun pour éviter de polluer davantage, comme essayer de moins prendre la voiture ou l’avion. Mais pour l’économiste, rien de tout ça ne serait vraiment utile. Jacques Delpla se justifie : « la vitesse du progrès technique est extraordinaire. Ce sont les technologies, le savoir et la recherche qui vont nous sauver. Alors oui, j’encourage les gens à ne pas prendre l’avion mais ça ne sert pas à grand chose. La décroissance, ça ne marche pas ».
Un message qui, dans les oreilles du jeune auditoire suspendu à ses lèvres, balaie d’un revers de la main les gestes simples du quotidien. Exit les recommandations du GIEC réduites à des symboles de l’anticonsumérisme. Rénover son logement, consommer moins d’eau, changer ses habitudes alimentaires ou ses moyens de transport ? À quoi bon finalement ?
Une partie de la solution se trouverait entre autres dans le nucléaire, selon l’économiste. Une énergie qui pose d’autres problèmes. Et notamment des dangers pour la population en cas d’accident nucléaire. Dont les plus importants furent celui de Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011.
« La sécurité depuis cet incident a été énormément renforcée », rétorque l’économiste. « Puis leur centrale, ils devaient la construire en haut de la falaise mais pour des questions d’argent ils l’ont mis en bas. En Europe, personne n’aurait jamais fait ça », estime-t-il. Il poursuit, « à Fukushima, ce n’est pas l’explosion nucléaire qui a causé la mort des [15 899] Japonais, c’est le tsunami. Les morts liées à cette catastrophe, ça a été zéro pendant longtemps. Une personne est morte il n’y a pas longtemps et on pense que c’est lié. Mais ça reste une seule personne ».
Si ces propos sont ceux avancés par les autorités japonaises, d’autres voix parmi les scientifiques s’élèvent contre ces conclusions qui minimiseraient les conséquences de l’accident nucléaire.
« Je ne vois pas où est le problème »
Le nucléaire serait donc l’un des piliers du combat contre le changement climatique, selon Jacques Delpla. Une énergie pourtant contestée par les mouvements écologistes du monde entier, et pas seulement. Selon l’ONG de protection de l’environnement Greenpeace, « pour lutter efficacement contre le changement climatique et réduire ses émissions de gaz à effet de serre, ce sont des énergies renouvelables dont la France a besoin ». Plus loin, Greenpeace qualifie le nucléaire « d’excessivement dangereux » en citant plusieurs catastrophes en exemple.
Mais pour l’économiste, ce raisonnement ne tient pas la route. « Tous les écologistes sont contre (le nucléaire), parce qu’ils n’ont plus les arguments. C’est une religion, l’antinucléaire. Les écologistes, en tout cas en France et en partie en Allemagne, sont radicalement contre le progrès », estime Jacques Delpla avant de conclure : « Je ne vois pas où est le problème. »
« Avec dix Elon Musk, les problèmes seraient réglés »
Jacques Delpla est convaincu qu’une seule solution, pour le moins surprenante, pourrait résoudre les problèmes actuels. « S’il n’existait que des Elon Musk, du point de vue de l’ingénierie, de la science et de l’innovation, alors il n’y aurait plus de difficultés », affirme l’économiste. Il nuance toutefois son propos en ajoutant : « concernant ses prises de position, notamment son soutien à l’AfD [parti d’extrême droite allemand], c’est inacceptable. Mais en tant qu’ingénieur, c’est un génie. S’il y en avait une dizaine comme lui, les problèmes seraient réglés ».
Un peu comme si, dans un autre contexte, il suffisait de séparer l’homme de l’œuvre. Des propos qui n’engagent que cet économiste, ancien conseiller du ministre des finances de 2004, Nicolas Sarkozy, qu’aucun lycéen présent ce jour-là n’aura osé contester.
*Ademe : Agence de la transition écologique
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