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Perpignan : Dans cet ancien couvent, les seniors rompent avec la solitude

Perpignan : Dans cet ancien couvent, les seniors rompent avec la solitude

Article mis à jour le 14 mai 2024 à 16:52

Il y a dix ans, Thierry Predignac décide de transformer en béguinage l’ancien couvent accolé à l’église Saint François d’Assise, à Perpignan. Un lieu unique dans lequel cohabitent des personnes âgées souvent isolées. Focus sur cette « maison de retraite » d’un genre un peu particulier.

Mais qu’est-ce que le béguinage ? La pratique ne date pas d’hier, ce mode de vie tire ses origines de la Belgique et remonte au 13e siècle. « Au départ, il s’agissait principalement de femmes seules, qui se regroupaient pour se défendre », explique le propriétaire du cloître. Alors qu’il s’interroge sur la fin de vie, peu à peu l’idée de créer un béguinage pour les personnes âgées se dessine dans l’esprit de Thierry Predignac, à la tête de la société Vivr’Alliance. Le groupe bâtit des béguinages modernes dans toute la France, sur un modèle d’habitat inclusif pour seniors.

Le béguinage en pleine expansion à Perpignan

« Les personnes âgées sont quand même très exclues de la sphère sociale », admet Thierry Predignac, qui a travaillé pendant un an et demi avec un groupe de seniors, afin d’établir un nouveau projet de vie. « Ce qui émerge du béguinage, c’est le côté relationnel, cela demande un engagement, ce n’est pas une option. Il faut qu’il y ait de la bienveillance, de l’entraide, de la solidarité et du partage. Chacun habite chez soi, mais on peut se reposer sur les autres. » 

Pas question de transformer les personnes âgées en infirmiers, mais simplement en voisins bienveillants. L’entraide est le point le plus important. Si chacun possède son propre logement, les béguins ont une relation privilégiée. « Le but c’est surtout de rapprocher les personnes âgées de la vie sociale. » En 2014, le premier béguinage voit donc le jour au cœur du cloître de Saint François d’Assise. Si le monde du béguinage était au départ très obscur pour Thierry Predignac, l’ancien chargé de communication n’a pas hésité à se lancer dans l’aventure, aux côtés d’un maître d’œuvre. Depuis, une quinzaine de béguinages sont sortis de terre, partout en France.

Un ancien couvent transformé en béguinage

À l’époque, Thierry Predignac est à la recherche de grands locaux situés à proximité d’un espace de prière. « L’ancien couvent accolé à l’église paroissiale était un lieu idéal pour accueillir des personnes en béguinage, qui souhaitent avoir une vie de prière très régulière. »

Situé en plein centre-ville, l’intérieur du couvent perpignanais était complètement vétuste. « Nous avons tout cassé pour créer des logements neufs. Ce couvent appartenait à l’évêché. Nous avons aujourd’hui 14 appartements adaptés aux personnes âgées, qui vont du studio au T3. Il y a un parking privé, un potager, une salle commune pour faire des réunions ou manger tous ensemble. » Le béguinage compte même un petit studio, avec une cuisine et une douche pour accueillir les visiteurs.

Contrairement aux idées reçues, la majorité des béguinages ne sont pas religieux. Chaque résident reste libre de pratiquer sa religion comme il le souhaite. Les locataires sont des personnes actives qui n’ont pas envie que la vie s’arrête. Si l’ancien couvent a conservé tout son charme d’antan, avec un magnifique jardin au centre du cloître, les loyers restent abordables. Comptez entre 400 et 600 euros le mois pour séjourner dans cette « oasis de paix ».

« C’est un cadre privilégié à tout point de vue »

Ce mardi 7 mai, Thierry Predignac nous fait faire le tour du propriétaire. Au premier étage, nous croisons Sylvette. Âgée de 82 ans, c’est le côté spirituel du lieu qui a poussé la senior à venir s’installer ici. « C’est un cadre privilégié à tout point de vue. Si le bonheur est sur terre, c’est ici ! », lance la retraitée, qui profite du soleil sur sa terrasse. Arrivée en décembre dernier, Sylvette n’avait jamais vécu en béguinage. « Même si on ne vit pas les uns chez les autres, c’est rassurant de savoir que l’on n’est pas seul. Si j’ai besoin que quelqu’un m’accompagne pour voir un médecin par exemple, je peux m’adresser à Francine qui habite en bas ! » 

Si l’on a besoin de quelque chose, on peut également faire appel à Marc, qui est toujours prêt à rendre service. « Le matin je sors mes poubelles et je suis sûre que 10 minutes après, elles ne sont plus là », confirme la retraitée. Autre avantage pour Sylvette, la proximité avec le cœur de ville : « Nous avons des bus régulièrement si l’on veut se déplacer. Pour des personnes qui prennent de l’âge, c’est sécurisant. »

L’octogénaire vit dans un trois-pièces de 65 mètres carrés et s’acquitte chaque mois d’un loyer de 650 euros, avec 50 euros d’électricité et 30 euros pour les charges. Un prix « dérisoire » pour celle qui vivait, il y a encore quelques mois à Aix-en-Provence. « Cela me coûtait de plus en plus de me lever le matin pour aller à la messe. Ici, je suis sur place », sourit la nouvelle arrivante.

Un lieu d’entraide à Perpignan

Jean-Marie habite l’appartement voisin. Ce Marseillais recherchait un endroit paisible et une petite ville avec toutes les commodités. « L’emplacement est excellent, on est un peu à la campagne ! », assure Jean-Marie qui nous montre la vue de son salon sur les jardins voisins, le Canigou en toile de fond. « Quand on prend le bus, cinq minutes après, on est en ville. C’est la première fois que je vis en béguinage et je ne le regrette pas. Les gens sont très sympathiques, on se rend des services. »

Si le septuagénaire vient à peine de poser ses valises dans l’ancien couvent, le retraité semble déjà avoir pris ses marques. « Je suis en train d’organiser une petite sortie à l’Abbaye de Lagrasse. L’autre jour, j’ai fait un apéritif pour ma venue et tout le monde a répondu présent ! », se réjouit le sénior.

Nous continuons notre visite un étage en dessous, chez Véronique et Jean-Claude. Cela fait neuf ans que le couple réside en béguinage. « C’est l’âge qui nous a poussés à nous installer ici. Il m’est arrivé de me casser la jambe en perdant l’équilibre », raconte Véronique. « Ici, on peut compter sur les autres résidents. Ce qui m’intéresse c’est d’être avec d’autres personnes, de ne pas être seule, et puis on peut faire des choses ensemble. » Si ces seniors vivent loin de leurs enfants, ils se consolent en profitant des nombreux avantages de vivre en béguinage. « La sécurité, la convivialité, et pour beaucoup, l’aspect chrétien », énumère Jean-Claude.

« Il y a des personnes très autonomes qui ne voulaient pas de cette organisation »

Le béguinage perpignanais est l’un des rares à être chrétien. « L’Église embrasse large, ici, il y a des gens qui vont à la messe tous les jours et d’autres trois fois par an… », explique Thierry Predignac. « La manière de pratiquer est assez libre. » Au fil des années, Jean-Claude a vu le béguinage évoluer. « Il y a de moins en moins de règles, une espèce d’anarchie s’est installée », regrette un peu le retraité. « Quand on est arrivés, nous avions une accompagnatrice, il y avait une réunion et un repas commun chaque mois… Nous faisions des sorties à Cadaques par exemple ou la visite du Belem », se remémore le senior.

« L’accompagnatrice a terminé sa mission, il y avait de grosses contestations de la part de certains béguins et des tensions entre les résidents. Nous avions aussi une structure associative qui a été dissoute… Néanmoins l’esprit d’amitié reste et le béguinage est toujours vivant ! », assure Jean-Claude. Cette personne avait un peu le rôle de coordinateur. Elle réunissait les béguins une fois par mois, afin de recueillir la parole de chacun. Un dispositif qui ne faisait pas l’unanimité chez les résidents. « Il y a des personnes très autonomes qui ne voulaient pas de cette organisation », assure le retraité.

Le béguinage, une solution face à l’isolement ?

Dans le jardin du cloître, nous croisons deux autres locataires. Contrairement à Annie, Teresa n’a pas été attirée par l’aspect religieux de l’endroit. « Je suis catholique mais je ne pratique pas. J’étais surtout intéressée par l’habitat participatif. » Teresa est tombée sur une annonce sur internet. Pour la senior, le béguinage correspond à un besoin actuel. « Aujourd’hui on vit un peu plus vieux, pour certaines personnes isolées cela permet de communiquer. » La retraitée a eu un coup de cœur pour le béguinage de Perpignan, avec son soleil, son jardin et sa proximité avec le centre-ville.

Les deux retraitées semblent avoir des journées bien remplies, entre le potager, les cours de gym, la chorale ou le vitrail. « C’est important d’avoir une activité extérieure au béguinage », lance l’une d’elles. Seul petit bémol pour les deux complices, l’entretien du site. La retraitée désigne un mur lézardé par endroits. Et évoque le jardinage peut-être trop conséquent pour des personnes âgées ou encore l’ascenseur qui tombe en panne occasionnellement.

« Pour réduire les charges, il faut que les locataires réalisent certains services, par exemple, l’entretien du jardin », précise Thierry Predignac. Le propriétaire des lieux assure qu’il s’occupe lui-même de la taille des arbres. Une chose est sûre, les retraités s’accordent tous pour dire que ce cloître a des allures de paradis.

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Célia Lespinasse