Article mis à jour le 26 septembre 2024 à 18:50
Depuis plusieurs mois, Perpignan est sous la surveillance de la Chambre régionale des comptes. Si les juges n’ont pas encore rendu leur verdict quant à la gestion financière globale de la ville, un premier rapport vient de tomber.
La Chambre régionale des comptes d’Occitanie a examiné les 122 prestations de cabinets de conseil commandées entre 2018 et 2023. Résultat, plusieurs audits demandés par l’actuelle majorité de Louis Aliot posent problème.
Selon la Chambre régionale des comptes, plusieurs audits posent problème
Le contrôle lancé en octobre 2023 des audits financés par la ville de Perpignan s’inscrit dans le cadre d’une enquête inter-régionale plus large. Néanmoins le rapport définitif, et qui sera discuté lors du conseil municipal du 26 septembre 2024, pointe plusieurs manquements ou irrégularités dans les appels d’offres mais surtout dans les attendus des audits pour certains chèrement acquis.
« Les principales faiblesses des études en cause tiennent à la faible part occupée par les recommandations et les propositions opérationnelles (…) Certaines études reprennent des données revêtant un caractère public ou des diagnostics déjà connus, (…) sans l’assortir de propositions ou recommandations nouvelles. »
Pour illustrer son propos, la Chambre cite l’audit financier commandé auprès du cabinet indépendant SPQR pour un montant de 21 840 euros et remise à l’équipe de Louis Aliot le 30 mars 2021. Dans sa réponse, Louis Aliot souligne pourtant « la qualité » et « l’utilité » de ce document.
L’audit sécurité livre « un catalogue des activités criminelles sans recommandations adaptées à Perpignan »
Autre exemple, la juridiction financière s’arrête également sur l’audit payé de 44 400 euros. Dans cette étude sur la sécurité commandée en 2021, le sommaire occupe 9 pages des 37 que compte le rapport. Selon la Chambre, le document est émaillé de références, de théories datées et d’une liste d’articles de presse sans lien avec Perpignan. La Chambre précise que ce document ne comporte « aucune cartographie précise et actualisée de la délinquance à Perpignan, ni de plan pour un retour durable à la paix publique ».
Au final, selon les juges, cet audit sur la sécurité livre « un catalogue des activités criminelles sans recommandations adaptées à Perpignan et qui pourrait être produit dans des termes similaires auprès d’autres collectivités. »
En clair, l’audit qui devait aider Louis Aliot, en tant que maire et adjoint à la sécurité, à réduire l’insécurité à Perpignan est truffé de lieux communs et n’apporte aucune réponse à la délinquance perpignanaise. Là encore, Louis Aliot conteste l’analyse faite par la Chambre régionale des comptes. Selon la mairie, le travail de ce prestataire ne se résume pas qu’à la seule restitution écrite. Les échanges auraient permis au maire de lutter contre la délinquance liée au trafic de stupéfiants et « d’enrichi(r) sa stratégie d’action ».
Un CDD ou un audit, la Chambre tacle le choix de Perpignan
De septembre 2020 à juin 2023, la mairie de Perpignan a fait appel à une auto-entreprise pour la réalisation d’une mission de valorisation du patrimoine. La personne en charge de cette mission était membre de l’ancienne municipalité, colistière du candidat « En Marche » lors des municipales de 2020 et avait finalement appelé à voter Louis Aliot dans l’entre-deux tours. L’auto-entrepreneuse devait étudier les mesures pour mettre en valeur le site archéologique de Ruscino.
Or, contrairement aux cabinets d’audit, la mission n’a pas donné lieu à une restitution formelle, mais seulement à des comptes rendus réguliers assortis de factures. « Compte tenu de la nature des restitutions et de la durée de la mission associée à un mode de rémunération échelonné en 26 versements, d’un montant moyen de 900€, le recours à un contrat de travail semblait plus approprié », estime la Chambre régionale des comptes.
Quant à l’étude marketing commandée en 2021 par le service communication, la Chambre régionale des comptes l’a également vérifiée. L’enquête d’opinion au coût de 26 400 euros figure bien parmi l’échantillon des marchés contrôlés, et la Chambre ne fait aucune remarque sur cette étude qui a pourtant fait polémique.
Absence de pilotage, recours à des cabinets pour la stratégie, la Chambre fait des « recommandations »
Dans son rapport, la Chambre régionale des comptes rappelle que le recours aux cabinets d’expertise extérieur s’entend dès lors que la collectivité ne compte pas dans ses effectifs les compétences nécessaires pour mener à bien ces analyses. Et même si Perpignan fait peu appel à des cabinets extérieurs pour ses études techniques, le faible taux de personnels de catégorie A explique les audits. En effet, selon les juges, la ville de Perpignan compte seulement 7,1% de fonctionnaires de catégorie A, contre 12% dans des collectivités comparables. Selon l’équipe municipale de Louis Aliot, ce déficit est lié à un manque d’attractivité de la ville qu’il gère depuis quatre ans.
Si la cour entend que la ville puisse faire appel à des compétences externes quand il s’agit de dossiers techniques, en matière d’urbanisme par exemple, il est plus difficile de justifier l’appel à un auditeur quand il s’agit de stratégie. La commune « a mobilisé des conseils extérieurs sur des sujets qui relèvent du cœur de compétence des directions de l’administration. Cette circonstance aurait rendu nécessaire une motivation plus forte afin d’apporter la démonstration que les compétences en interne ne pouvaient répondre aux besoins exprimés. » La mairie rétorque que l’embauche de certaines compétences est parfois plus onéreuse pour les finances publiques que l’appel à un cabinet indépendant.
Dans ses conclusions, la Chambre pointe plusieurs dysfonctionnements, dont une offre reçue avant même que l’appel n’ait été lancé. Ou des prestations acceptées sans « note de traçabilité » ou des critères peu ou mal définis en amont de la signature du contrat avec un prestataire. En clair, dans ses conclusions, la Chambre évoque un certain nombre de dossiers non conformes aux règles. Elle recommande, entre autres, à la ville de « justifier l’attribution d’un marché par une analyse formalisée des offres ».
Des problèmes pointés dans les appels d’offres, mais aussi dans le pilotage des cabinets d’expertise. « Les modalités de pilotage des consultants ne sont pas systématiquement décrites dans les pièces du marché alors même qu’elles constituent des éléments essentiels pour la réussite de la mission. Dans la conduite des missions de conseil, l’absence de pilotage efficace peut aboutir à des productions livrables qui correspondent peu ou mal aux attentes. »
Des dépenses plus importantes depuis 2021
Finalement, si le recours de la mairie de Perpignan aux cabinets extérieurs n’est pas supérieur à la moyenne, la Chambre régionale des comptes note néanmoins une accélération de la pratique depuis l’élection de Louis Aliot. « En 2021, avec l’arrivée aux responsabilités d’une nouvelle équipe, les dépenses de conseil ont été plus importantes ». La mairie rétorque que son élection s’inscrivait dans une alternance politique inédite depuis plus de 60 ans. Et qu’une analyse des capacités d’action était nécessaire.
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