Article mis à jour le 16 décembre 2023 à 12:10
Le militant naturaliste Serge Briez, fondateur de l’ONG les Peuples de la mer à Leucate, qui mène toute l’année des missions d’observation et de recensement de la faune marine dans le golfe du Lion, expose une vingtaine de ses œuvres, retraçant 42 ans de photographies naturalistes. Photos © Serge Briez.
Quarante ans de photographie naturaliste, ça valait bien un livre ! Serge Briez a trié ses 30.000 clichés, ceux d’une vie consacrée à l’observation de la nature marine, pour en sélectionner près de 200 dans son ouvrage Bleue sauvage. Vingt œuvres de cette sélection sont exposées depuis ce vendredi 15 décembre et jusqu’au 29 février à la Maison Bleue au centre-ville de Perpignan.
Son quotidien, Serge Briez le dédie à la mer et surtout à ceux qui l’habitent et la traversent
Celui qui a fondé il y a plusieurs années l’ONG Les Peuples de la Mer à Leucate, association qui recense et observe toute l’année de nombreuses espèces de mammifères marins, de poissons, de tortues mais aussi d’oiseaux dans le Golfe du Lion a voyagé dans le monde entier. Sa carrière photo démarre au sein de l’archipel de la Terre de feu, au bout du bout de l’Amérique latine, il y a plus de quarante ans.
« C’est la photo la plus forte dans ma carrière, la deuxième photo du livre, prise au Cap Horn. On y voit un énorme ciel de dépression qui arrive sur nous. C’est la photo qui a ouvert mon champ artistique et qui nous a menés au naufrage. » Une aventure si incroyable qu’Hollywood a même approché l’homme de mer pour l’adapter en film.
Cette exposition montre l’évolution de « la maturité professionnelle » de Serge Briez, de son œil, résolument tourné vers la mer et les créatures qui la peuplent. Au cours de ces longues années de pratique, il a appris à les observer. « Il y a des sujets qui ne pouvaient pas être faits il y a quarante ans, comme les baleines et dauphins, il faut avoir le sens de la nature pour prendre certaines photos. »
Ce « sixième sens » comme il l’appelle, Serge l’a acquis au prix de nombreuses heures de frustration
L’œil fixé dans son viseur sans parvenir à capturer la seconde durant laquelle le dauphin virevolte hors de l’eau… Comme cette fois, à Gibraltar : « il y a sept ans, j’étais dans la photo mais j’étais médiocre, pas encore assez éveillé. On passe Gibraltar, et là on voit une dizaine de groupes de dauphins différents. J’ai passé huit heures sur le pont et j’ai fait 2500 photos… et ce n’était que de la merde. Je me suis dit que j’aurais mieux fait de les regarder. Dépité, j’ai posé mon boîtier sur le pont. Et les dauphins continuaient, certains ont répété le même ballet à la seconde près, comme un opéra, la même trajectoire. J’ai eu en moi un déclic, je me suis dit que je ne voyais rien du tout. J’ai repris mon boîtier, j’ai fait du shoot d’instinct, simplement en regardant ce qu’il se passait, appareil sur la poitrine. »
L’homme a un lien spécial avec les dauphins, qu’il reconnaît aisément lors de ses missions d’observation au large de Leucate. Mais sa vision de ces mammifères a changé quand il a passé quinze jours en Norvège, à suivre et photographier baleines à bosse, orques et rorquals. « J’ai beaucoup appris d’eux. Quand je suis revenu vers les dauphins ce n’était plus pareil. Ma vision est devenue plus globale grâce à ma compréhension des autres espèces beaucoup plus grosses et voyageuses. Les baleines que j’ai rencontrées font 15 à 16.000 km par an. Les dauphins du Golfe du lion restent surtout entre le Cap Creus et Leucate pour leurs activités quotidiennes. »
S’il avait un conseil à donner à ceux qui souhaitent s’y mettre ?
Ce serait «apprendre à regarder. Apprendre le vent, l’air, analyser les signes autour de soi… c’est comme un oignon qu’on épluche, quand tu enlèves la peau tu te mets à voir des choses que tu n’imaginais pas.»
Depuis peu, le naturaliste s’est aussi mis à lever les yeux vers le ciel, et à prendre les oiseaux en photo. Là aussi c’est une histoire de déclic, un jour de 2020, pendant le confinement. Il assiste au vol d’une trentaine de milans noir qui passent juste devant sa terrasse. « Je suis allé chercher mon boîtier, mais je les ai ratés. Et puis vers 17h30, la lune s’est levée, trois milans sont passés de nouveau et là j’ai vu l’image du milan et de la lune… et j’ai pris cette photo ». Photo à retrouver dans cette exposition où quatre autres artistes, Malvina Berguglian, Dominik Chaudoir, Sylvère Sarbathes et Arman Hovnanyan exposent aussi leur travail à la Maison Bleue, 26 rue Rempart Villeneuve à Perpignan.
Plus d’infos : https://serge-briez.com/2023/12/14/bleue-sauvage/