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Au large de Leucate, des frissons et des étincelles dans les yeux des enfants

Sortie pedagogique en mer Leucate © Alice Fabre

Article mis à jour le 27 juin 2023 à 16:13

75 enfants de Leucate et Port-Leucate, du CM1 à la sixième, ont embarqué pour une journée d’observation de la faune au large de la côte sableuse avec l’association Les Peuples de la mer. Une sortie en mer dans le cadre de l’aire marine éducative, pour sensibiliser les élèves à la préservation du vivant.

« Une sterne à 9h ! », « un goéland à midi ! »…

Bien installés à l’avant du bateau, armés de leurs petites jumelles, les 75 élèves signalent consciencieusement les oiseaux qu’ils repèrent au-dessus de leurs têtes. En cas de doute sur l’espèce, on se tourne vers Daniel pour confirmation. Cet expert en ornithologie est bénévole au sein de l’ONG les Peuples de la mer qui promeut la protection des espèces marines et des oiseaux dans le Golfe du Lion.

Quand l’espèce observée est validée, Célia, une autre bénévole, l’ajoute sur sa tablette. Un logiciel lui permet ainsi de fixer les coordonnées GPS de chaque animal rencontré. « C’est de la science participative », souligne la jeune femme. Les membres de l’association effectuent ces repérages toute l’année, lors de sorties qui durent parfois jusqu’à huit heures. Pour aujourd’hui, le tour en mer ne durera « que » 4h30. « C’est déjà beaucoup pour des enfants », reconnaît Serge Briez, énergique représentant de l’association, et passionné de mammifères marins.

Toutes les coordonnées recueillies permettront de cartographier la présence de près de 31 espèces d’oiseaux, de tortues, de mammifères et de poissons. Des espèces que les élèves de Leucate et Port-Leucate ont appris à reconnaître au cours de ces derniers mois, grâce à un jeu créé par l’association : « Cette sortie, c’est l’occasion pour eux de connecter le jeu à la réalité », explique Serge. Les enfants doivent aussi signaler les déchets qu’ils croisent, « ça nous permet de faire de la pédagogie sur les trajets des déchets qui finissent souvent à la mer », mais aussi les bateaux et les jet-skis. Serge explique qu’en pleine saison, l’été, il peut en compter jusqu’à 60 par jour à la sortie du port. Par la suite, le protocole de récolte de ces données ayant été validé, des chercheurs et scientifiques pourront ensuite s’appuyer sur ces informations pour leurs travaux.

Un projet autour de la biodiversité marine dans le cadre de la nouvelle aire marine éducative (AME) de Leucate, portée par l’association Label Bleu

Présentes dans 261 lieux en France, ces AME ont pour ambition de développer la connaissance du littoral marin chez les élèves de fin de primaire et de collège. Eva, en CM2, assure qu’elle a beaucoup aimé apprendre de nouvelles espèces. « Le week-end, je les observe avec ma famille. »

Patricia, institutrice à Leucate, salue ces interventions : « Ça affine leur sens de l’observation. La détermination de certaines espèces a été difficile et il y a une réelle émotion de les voir dans leur contexte de vie. Les enfants s’approprient leur environnement, on leur transmet une certaine rigueur, une exigence. Ce n’est pas un oiseau, c’est un cormoran, un goéland. Ce n’est pas juste un poisson mais un poisson-lune. »

L’émotion est en effet palpable, chaque fois que l’un d’entre eux pense avoir identifié un fou de bassan ou un pingouin torda, des oiseaux qui l’on croise plutôt au large. Mais aujourd’hui, c’est surtout des dauphins que cette joyeuse équipe espère croiser (autant les petits que les grands d’ailleurs). Alors à chaque forme qui ressemble à une nageoire dorsale, le coeur s’emballe.

Au bout d’une heure et demie de navigation, un chalutier entre dans notre champ de vision

Le bateau de pêche est suivi par des puffins, des goélands, des cormorans, de quoi déjà enthousiasmer les enfants qui continuent de noter tous les oiseaux avec précision. Baptiste, le capitaine, prend sa direction. Qui dit chalutier, dit poissons, et donc possiblement des mammifères qui le suivraient. Et il voit juste.

Entre deux vagues, une nageoire émerge, à peine visible pour un œil novice. Pourtant, à bord l’excitation monte d’un cran. Le bateau ralenti les moteurs et tente une approche « non agressive, on laisse venir les dauphins », commente Serge. Ces derniers se rapprochent progressivement. On pense en voir deux, il y en a finalement six ou sept, dont un ou deux jeunes qui « marsouinent » selon Serge, s’amusent à faire quelques pirouettes, pour le plus grand plaisir des élèves, fou de joie. À mesure qu’ils nagent vers nous, le silence se fait. Serge rappelle les consignes : « observez bien, concentrez-vous, vous êtes en mission d’observation ».

Puis, il décrit leurs attitudes, explique leurs habitudes, lui qui les connaît si bien. « Vous voyez leurs nageoires qui sont marquées, comme blessées. C’est ce qui nous permet de les identifier et les reconnaître. » Plus tard, il nous racontera qu’il croise certains dauphins depuis vingt ans. « J’ai la chair de poule », souffle Julien, un parent d’élève accompagnateur. Une petite fille fond en larme de joie. Le temps se suspend un instant lorsque, serrés les uns contre les autres, enfants et adultes se pressent silencieusement pour admirer les mammifères qui les font tant rêver.

Plusieurs minutes après, les dauphins s’éloignent, et l’excitation redescend progressivement

L’attention se reporte sur les oiseaux. Dans l’eau, un bénévole pense avoir aperçu un mola-mola, ou poisson-lune. Ou peut-être était-ce un requin, une photo a été prise pour vérifier plus tard. Pendant la pause déjeuner, Serge revient sur cette belle rencontre : « C’est pour ça qu’on fait ça, pour ces instants… On avait besoin de ce cadeau qu’ils nous ont fait. Une fois que les enfants ont fait silence ils ont pu se mettre à observer, c’est important qu’ils voient que c’est la clé. Dans le silence, on voit des choses qu’on ne verrait pas autrement. »

Marie-Ange, chargée de mission déchets au sein de l’association, ajoute : « Ce qui m’étonne, c’est leur faculté à se concentrer sur un sujet aussi pointu. Je m’attendais à beaucoup plus de chahut. Ce projet suscite des vocations, il y en a qui m’ont dit qu’ils voudraient être naturalistes plus tard, c’est chouette. »

Après ce moment intense, on sent la motivation des petits observateurs décroître progressivement. Quelques-uns poursuivent avec rigueur leur mission pendant que d’autres laissent leur regard errer sur les vagues hypnotiques. Le soleil commence à taper fort. Il est temps de rentrer au port. De retour sur la terre ferme, Serge adresse un dernier mot aux enfants : « Quand on entre dans un espace naturel, il faut écouter, se faire petit » et les félicite « vous êtes maintenant tous des peuples de la mer ».

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Alice Fabre