Ce jeudi 27 mars 2025, l’association Beau Bruit, média participatif du Conflent, a posé ses micros au lycée Notre-Dame de Bon Secours, à Perpignan. Tout au long de la journée, les lycéens se sont succédés derrière les micros et la table de mixage afin d’enregistrer une émission diffusée en direct sur la plateforme Twitch. Un projet porté par les professeurs de lettres et financé par le Pass culture.
Plus que jamais, les webradios semblent avoir la cote dans les établissements scolaires. Âgés de 17 à 19 ans, Joëlle, Auguste, Johanna et Zélie peaufinent une dernière fois leur texte avant de prendre l’antenne. Ils vont animer un atelier radiographique sur l’engagement politique des jeunes. « Bienvenue sur on-air BS ! »
Une émission radio qui interroge les jeunes sur la politique
« Nous avons choisi la radio pour mieux informer. Le but, c’est de sortir un peu des clichés, des représentations et des préjugés », nous explique Karine Tempier, professeure de lettres à l’initiative du projet. Nos quatre lycéens prennent place autour d’une table transformée en studio radio pour l’occasion. « On y va pour le jingle. Ça va démarrer ! », lance Étienne Noiseau, de l’association Beau Bruit.
« En mars 2023, la France a été le théâtre d’une mobilisation sans précédent contre la réforme des retraites. Parmi les acteurs clés de ce mouvement, les jeunes ont joué un rôle déterminant. Les universités bloquées par des cortèges étudiants, leur engagement rappelaient à tous que la jeunesse est loin d’être apathique face aux enjeux sociaux et politiques », entament les lycéens.

Alors les jeunes s’engagent-ils moins ? Joëlle, Auguste, Johanna et Zélie ont planché sur la place des jeunes dans la politique et leurs actions. « On remarque avec les résultats des dernières élections que les jeunes français s’engagent de moins en moins dans les formes de politiques conventionnelles », relève Joëlle. À travers cette émission, nos quatre lycéens ont exploré plusieurs thématiques en profondeur, en s’appuyant sur des témoignages et des analyses.
Un engagement politique qui prend de nouvelles formes
« Effectivement, 67% des jeunes européens jugent que le système politique ne sert pas leurs intérêts », reprend Auguste. « Avant de parler de cette abstention, peut-on expliquer les choix de vote des jeunes ? » La question est posée à Johanna, qui évoque le concept de socialisation politique. Autrement dit, l’apprentissage des opinions. « Dès l’enfance, si papa ou maman débattent passionnément de l’actualité autour de la table du dîner ou militent dans une association, il y a de fortes chances que cela influence le regard des enfants sur la politique. »
La lycéenne s’appuie sur le travail de la sociologue Anne Muxel, qui indique que deux tiers des Français se situent dans la continuité des choix politiques de leurs parents. « Selon une étude menée sur des élèves du lycée Charles Despiau, les enfants dont les parents sont orientés plutôt à droite ou au centre regardent majoritairement le JT de TF1. En revanche, 75% des enfants dont les parents sont de gauche regardent particulièrement Quotidien. Nous remarquons alors que les parents ont aussi une influence sur les chaînes que visionnent les enfants. »
Pour Johanna, l’engagement politique des jeunes prend de nouvelles formes. Leur mobilisation ne passe plus forcément par les canaux classiques, comme le vote, l’adhésion à un parti ou à un syndicat mais plutôt par la participation citoyenne, comme les manifestations, les pétitions, les boycotts… Zélie a grandi dans une famille qui parlait beaucoup de politique. « C’est de là que m’est venue l’envie de m’engager avec Europe Écologie des Verts », révèle la jeune femme sur le plateau.
« J’ai grandi avec cette pression constante vis-à-vis du réchauffement climatique. Étant mineure, je ne peux pas adhérer à leur parti, mais cela ne m’empêche pas de militer à leur côté dans des manifestations ou mettre en place des pétitions pour faire voter des lois. » Comme en 2016, où l’Assemblée nationale votait l’interdiction progressive des néonicotinoïdes, responsables de la surmortalité des abeilles.
« La jeunesse sait défendre ses droits »
Autre débat au coeur de l’émission animée par nos lycéens : le pass culture, ce crédit de 300 euros offert aux jeunes à leurs 18 ans pour accéder à des activités culturelles. Début mars, les lycéens ont découvert que ce pass allait être réduit de moitié par une réforme gouvernementale.
« Deux jeunes créateurs de contenu ont lancé sur TikTok une pétition intitulée ‘Rendez-nous le pass culture.’ En l’espace de quelques jours, la pétition a recueilli plus de 100 000 signatures en ligne », rappelle Joëlle. « Des milliers de lycéens se sont sentis concernés et ont partagé massivement l’appel, exprimant leur colère de voir disparaître le pass culture auquel ils tenaient. Cette mobilisation, essentiellement née et propagée sur les réseaux sociaux, a montré que la jeunesse savait défendre ses droits et son accès à la culture. »
En effet, d’après Auguste, 60% des jeunes s’informent via TikTok et Instagram, favorisant des mobilisations éphémères et individualisées, loin des idéologies structurées des années 1970. Une déconnexion, qui selon le jeune homme, est liée à une crise de la représentation politique. « Aujourd’hui, 68% des jeunes français estiment que la gauche et la droite n’ont plus de sens. En revanche, ce n’est pas parce que les jeunes ne se reconnaissent pas dans certains partis politiques qu’ils ne s’engagent pas. »
Auguste rappelle que l’engagement politique passe aussi par le boycott, le fait d’arrêter de consommer un produit pour diverses raisons. « Les plus courantes sont les conditions de travail des employés ou le coût environnemental, comme par exemple la fast fashion avec le célèbre site Shein. En reprenant l’exemple du marché du textile, 55% des 18-24 ans ont déjà acheté sur un site comme Vinted », souligne le lycéen. Acheter un vêtement d’occasion réduirait de 82% l’empreinte carbone par rapport à un vêtement neuf.
« Il est essentiel de prendre conscience du rôle que nous avons à jouer »
Pour Joëlle, Auguste, Johanna et Zélie, les jeunes continuent de faire bouger les lignes. « Et ça, c’est plutôt une bonne nouvelle pour notre démocratie », concluent les lycéens avant de rendre l’antenne. Interrogés sur le thème de leur émission, ils pointent du doigt l’importance de s’engager politiquement, et citent en exemple l’élection de Donald Trump. « Je pense que c’est très important d’avoir un regard sur l’actualité. Il y a beaucoup de réformes qui ne nous conviennent pas. Sans cet apport informationnel, on ne pourrait pas essayer de changer les choses », assure Auguste.
Pour Johanna, si la politique est souvent remise en question auprès des jeunes, « il est essentiel de prendre conscience du rôle que nous avons à jouer. » Une chose est sûre, cette immersion dans l’univers de la radio aura été une réussite pour les lycéens.
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