Article mis à jour le 18 juin 2024 à 14:31
Samedi 1er juin 2024, la campagne « Ma Voix, Mon Choix » tiendra une réunion publique à Perpignan, en présence de la militante féministe Alice Coffin. Alors qu’en Europe, près de 20 millions de femmes n’ont pas accès à l’avortement, cette campagne a pour but de créer une initiative citoyenne européenne. Un dispositif législatif en soutien aux femmes qui ne peuvent pas avoir recours à ce droit. Crédit photo Anna Margueritat / Hans Lucas.
« Ma Voix, Mon Choix » est portée par les plus grandes organisations féministes européennes afin d’obtenir un accès gratuit et sécurisé à l’IVG, partout en Europe.
« Combattre tous les angles morts qu’il y a dans l’avortement »
La visite du mouvement de militantes dans les Pyrénées-Orientales n’est pas un hasard. Le 28 février dernier, les deux sénateurs des Pyrénées-Orientales votaient l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Si la France est le premier pays au monde à graver ainsi dans le marbre le droit des femmes à avorter, dans la pratique, son accès n’est pas pour autant simplifié. En montagne, l’accès à l’IVG reste complexe et l’avortement instrumental ne se pratique qu’à Perpignan, ce qui rend son accès très inégal.
« Je trouve qu’il y a une super efficacité des militantes féministes à Perpignan », acquiesce Alice Coffin. « Nous voulons aussi profiter de cette campagne pour combattre tous les angles morts qu’il y a dans l’avortement, comme l’éloignement géographique et la difficulté d’accès. »
Avant leur passage dans les Pyrénées-Orientales, les militantes ont présenté la campagne dans la Creuse. « Il y a de grosses difficultés de subventions auprès des planning familiaux, qui restent les premiers lieux auxquels les femmes peuvent penser. La problématique de l’avortement est très importante parce qu’elle est à la croisée d’enjeux politiques, d’enjeux féministes mais aussi d’enjeux sociaux. »
Un focus particulier sur les municipalités tenues par l’extrême-droite
Les coordinatrices françaises de la campagne ont tenu près de 30 réunions publiques partout sur le territoire français. Un focus très particulier est porté sur les municipalités tenues par l’exrême-droite. Ainsi, « Ma Voix, Mon Choix » a tenu un meeting à Fréjus, Moissac ou Hénin-Beaumont. « Depuis le début de la campagne, nous avons visité des villes dirigées par le PS, les écolos, par la droite, et puis il y a eu trois villes dirigées par l’extrême droite. Ce sont les seuls lieux où nous n’avons pas réussi à trouver une salle pour nous accueillir », observe la Conseillère de Paris.
À Hénin-Beaumont, le propriétaire d’un bar confie aux militantes que « c’est trop compliqué de les accueillir, vis à vis de la mairie. » À Moissac, il règne comme un « climat de terreur » : « Vous, vous venez d’ailleurs et vous allez repartir. » Les associations locales craignant des répercussions.
« J’ai l’habitude de travailler au niveau européen. Et nous prenons beaucoup de précautions quand nous allons en Hongrie, au Kazakhstan, des lieux où cela peut être très dangereux pour les militants d’organiser un évènement. Si après ils se retrouvent seuls face à leur pouvoir local. Je ne pensais pas qu’un jour en France, on puisse me dire ça », regrette Alice Coffin.
Constituer à plus long terme un réseau féministe européen
À l’approche de 2027, pour la militante féministe, « les choses se durcissent ». C’est dans cette optique, et pour porter la voix des féministes de toute l’Europe contre l’extrême-droite qu’une réunion se tiendra ce samedi 1er juin à Perpignan. « C’est important d’aller là où il peut y avoir des discours plus hostiles. »
Il s’agit aussi de constituer à plus long terme un réseau féministe, au niveau européen. « L’extrême droite se réunit très vite, au niveau transnational. Il y a 15 jours, à Madrid, Marine Le Pen était avec Vox (parti politique espagnol classé à l’extrême droite) et le président argentin », atteste Alice Coffin. Et à Barcelone, Louis Aliot participait à un meeting aux côtés du leader du parti d’extrême droite espagnol. « Localement dans chaque pays, les mouvements féministes sont montés en puissance, notamment depuis MeToo. » La militante prône un union afin de mieux anticiper les difficultés dans une Europe dirigée par la droite conservatrice.
« Ma voix, mon choix », pour faciliter l’accès à l’IVG partout en Europe
Cela fait une vingtaine d’années qu’Alice Coffin est active au sein des milieux féministes. « Ma Voix, Mon Choix », c’est la plus grosse campagne que j’ai vu au niveau européen. Toutes les grandes organisations féministes se sont réunies pour demander à l’Union Européenne d’adopter un nouveau dispositif financier. Et qui permettrait à la fois de rembourser l’IVG et de faciliter son accès », avance la militante.
Si au moins un million de signatures sont rassemblées, le cadre de l’initiative citoyenne européenne sera réuni pour le soumettre au vote du parlement européen. « Vous déposez un texte et si vous recueillez un million de signatures dans différents pays de l’Union Européenne, vous obtenez que le Parlement examine votre projet, et vote pour ou contre », précise l’élue écologiste.
« Pour que le résultat soit bien représentatif, les pays ont un seuil minimal à atteindre, sans quoi toutes les signatures sont invalidées. En France, nous avions un an pour obtenir 55 000 signatures. Après un mois, nous en sommes à 58 600 », sourit Alice Coffin. Au niveau Européen, la campagne a déjà récolté 370 000 soutiens.
« Dans l’Union Européenne, 20 millions de personnes n’ont pas accès à l’avortement »
Ce combat portée par les organisations féministes est né d’un constat d’une constante dégradation des droits et de chiffres très alarmants. Dans l’Union européenne, 20 millions de personnes n’ont pas accès à l’avortement. En Pologne, ce sont des motifs législatifs. En Italie, les conditions d’accès à l’IVG ont été particulièrement amoindries depuis l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite conservatrice. »Dans le sud du pays, 90% des médecins refusent de pratiquer les avortements et mettent en avant les clauses de conscience. »
« Enfin, il y a les prix très élevés, et ça on le sait moins. Mais en Allemagne, en Autriche ou en Croatie, les femmes doivent engager des frais considérables pour recourir à ce droit », soutient Alice Coffin. En Pologne, les restrictions à l’IVG condamnent des centaines de femmes à avorter dans des conditions sordides. En Italie et en Espagne, le manque de médecins pratiquant l’avortement conduit aussi à des drames.
« Cette situation d’inégalité dans le droit à l’avortement est invraisemblable et cette campagne européenne pourrait permettre d’apporter des solutions concrètes, puisque nous demandons à l’Union européenne de prendre en charge les frais de déplacement et de santé des personnes qui ne peuvent recourir à ce droit dans leurs pays », assure le collectif de militantes.
Si l’objectif de cette campagne est important, il n’est pas anodin. En effet, les militantes ont choisi de déposer cette initiative pendant la campagne des élections européennes. « C’est une chose que l’on arrive à obtenir un million de signatures, et une autre que ce soit voté. Si le 9 juin prochain, les votes envoient au Parlement des parlementaires hostiles à l’avortement ou qui ne voteraient pas cette proposition, cela n’aura servi à rien. Nous avons aussi la volonté de peser sur les élections et contre certains mouvements politiques d’extrême droite, ou plus largement hostiles aux droits des femmes. »
Une réunion publique ce samedi 1er juin à Perpignan
À Perpignan, ce samedi 1er juin, la réunion publique aura lieu à 18h 30, à la Casa Camprodon, 10 rue du théâtre. « Nous répondrons aux questions sur la situation européenne, c’est bien qu’il y ait un lien entre le local et l’européen, mais c’est toujours l’occasion de laisser les personnes qui travaillent sur place et qui connaissent bien mieux les sujets locaux de s’exprimer. » Alice Coffin sera en en présence de Mathilde Viot, la présidente de l’observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique.
À l’occasion de cette soirée, un collectif de vigneronnes sera présent avec leurs vins, une DJ s’est également libérée gracieusement. La librairie Torcatis présentera les livres des invitées et autres livres féministes. « Nous essayons d’avoir des intervenantes catalanes et andorranes pour évoquer la situation sur le territoire », promet l’organisatrice. La militante féministe de la première heure, Laurence Jamin, se félicite de la très belle mobilisation locale autour de cette réunion publique de dernière minute.