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Accès à l’IVG : La loi est-elle appliquée dans les Pyrénées-Orientales ?

Accès à l'IVG : La loi est-elle appliquée dans les Pyrénées-Orientales ?

Article mis à jour le 26 septembre 2024 à 18:47

Mercredi 28 février 2024, les deux sénateurs des Pyrénées-Orientales votaient l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Si la France est le premier pays au monde à graver ainsi dans le marbre le droit des femmes à avorter, dans la pratique, son accès n’est pas pour autant simplifié. Photo © Edouard Monfrais-Albertini / Hans Lucas.

En France, elles étaient 234 300 à interrompre volontairement leur grossesse, en 2022. Dans les Pyrénées-Orientales, 21 pour 1 000, âgées de 15 à 49 ans, avaient eu recours à l’avortement. Selon les chiffres de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), les Pyrénées-Orientales est l’un des départements où le taux de recours à l’IVG est le plus important en France métropolitaine.

L’IVG plus accessible dans les Pyrénées-Orientales

Depuis 20 ans, le nombre d’IVG médicamenteuse est en constante augmentation. Un accroissement confirmé par Marie-France Taurinya, secrétaire de la Fédération régionale du planning familial. « Pour moi, cette hausse est positive. Cela veut dire que les femmes ont davantage accès à l’IVG médicamenteuse. Cette augmentation est due à l’installation des cabinets en libéral, qui se sont beaucoup implantés dans notre région, notamment sur Perpignan. » Pour Marie-France Taurinya, cette augmentation est rendue possible car davantage de sages-femmes se sont impliquées en passant la formation nécessaire à la pratique des IVG.

Si depuis janvier 2016, les sages-femmes proposaient l’IVG médicamenteuse, c’est depuis le 17 décembre 2023, que la pratique de l’IVG instrumentale s’est assouplie.« Jusqu’à présent, c’était impossible, parce qu’il fallait avoir toute une équipe de médecins à moins de 100 kilomètres. Maintenant, c’est réalisable avec un seul médecin qui se porte garant », rappelle Monique Hernandez, l’une des coordinatrices du Collectif Droits des Femmes. Désormais, les femmes de 17 villages des Pyrénées-Orientales ont accès à l’IVG.

« Le problème, c’est la clause de conscience brandie par certains médecins »

Si les infrastructures situées en plaine semblent pallier la demande et répondre aux besoins de ces femmes, en montagne, l’accès à l’IVG reste complexe. Le planning familial avait obtenu l’année dernière que l’hôpital transfrontalier de Puigcerdà accepte l’IVG. « Le problème, c’est la clause de conscience brandie par certains médecins qui refusent de la pratiquer », accuse Monique Hernandez. Un véritable chemin de croix pour toutes les femmes qui vivent en Andorre, car dans la principauté, l’avortement est toujours interdit. 

Aujourd’hui, l’avortement instrumental ne se pratique qu’à Perpignan, ce qui rend son accès très inégal. « Les femmes qui vivent en Cerdagne, dans le Conflent ou le Capcir, peuvent avoir des difficultés à se rendre à Perpignan, surtout si elles sont mineures », explique Monique Hernandez. 

« On peut dire que l’hôpital transfrontalier fait très souvent jouer la double clause de conscience pour faire une IVG instrumentale », confirme Marie-France Taurinya. En effet, l’établissement de santé dépend de la loi espagnole qui n’oblige pas les centres hospitaliers publics à pratiquer l’avortement. S’il est possible d’accéder à l‘IVG médicamenteuse au centre hospitalier, pour l’IVG instrumentale, les médecins proposent uniquement les médicaments jusqu’au terme légal en France, c’est-à-dire 14 semaines de grossesse. 

Le Planning familial et l’hôpital de Perpignan travaillent main dans la main

Si certains médecins refusent de pratiquer l’IVG, les femmes qui souhaitent recourir à l’avortement restent dans l’urgence. « Il faut trouver une solution avant 14 semaines », rappelle Monique Hernandez. La clause de conscience est un article de loi voté en même temps que la loi Veil de 1975, autorisant l’IVG. Elle précise qu’un médecin ou une sage-femme ne peut être contraint de pratiquer une interruption volontaire de grossesse. Selon Monique Hernandez, il persiste aussi un manque de formation médicale. « Il n’y a pratiquement plus de cours de gynécologie de ville dans les cursus de formation des médecins », soulève-t-elle. 

Le centre hospitalier de Perpignan travaille en partenariat avec le Planning Familial. « L’hôpital fait tout pour que les IVG soient réalisées. Étant donné qu’ils n’ont plus de conseillère conjugale et familiale à l’hôpital, ils orientent les mineurs vers le planning familial pour réaliser l’entretien social. Dès qu’on nous appelle, nous les recevons, il n’y a pas de délai », assure Marie-France Taurinya.

Dans le département, le délai d’attente pour une première consultation est tout à fait acceptable selon Marie-France Taurinya : « Au Planning familial, nous avons un bon réseau. Si une personne est angoissée et qu’elle veut vraiment accéder à l’IVG instrumentale, nous allons essayer de lui obtenir un rendez-vous le plus rapidement possible. Nous travaillons aussi beaucoup avec le centre de santé sexuelle du conseil départemental. »

« Il n’y a aucun danger à prendre la pilule du lendemain »

Avant de recourir à l’avortement, il est nécessaire de rendre la contraception accessible. « Nous nous sommes rendu compte que certains pharmaciens du département refusaient de donner la pilule du lendemain, sous prétexte que cela serait dangereux. Il n’y a rien de dangereux, si elle est prise dans les deux ou trois jours qui suivent le rapport. (…) Si vous avez 16 ans et que vous vous retrouvez en face de ce genre de pharmacien, c’est compliqué… », alerte la coordinatrice du collectif Droits des Femmes. 

Derrière son comptoir, une pharmacienne nous répond : « Il n’y a aucun danger à prendre la pilule du lendemain, si on la prend occasionnellement. Normalement, aucun pharmacien ne décourage les personnes qui souhaitent la prendre, car nous ne prenons pas le risque qu’il y ait une grossesse non-désirée. » Si la prise de ce médicament devient régulière, il existe un risque de surdosage. En effet, cumuler la pilule hormonale et la contraception d’urgence crée un taux d’hormones conséquent. « Souvent, on pose des questions mais on ne dissuade jamais. Si la prise de la pilule du lendemain devient trop régulière, nous les dirigeons vers le Planning familial ou vers un médecin, pour trouver un contraceptif adapté. »  

L’éducation à la sexualité passe à la trappe dans les établissements scolaires

S’il existe de nombreuses associations chargées de faire de la prévention sur les risques liés à la sexualité dans les collèges et les lycées, leur accès semblerait de plus en plus difficile. « L‘ARS Occitanie voulait supprimer les subventions de ces associations car elle jugeait que leurs interventions n’étaient pas assez psychosociales. Il y a eu une levée de boucliers sur cette décision et c’est en voie de résolution. Le ministère a été alerté et a remis un petit peu les pendules à l’heure », avertit Monique Hernandez. 

La loi du 4 juillet 2001 impose en effet qu’une information et qu’une éducation à la sexualité soient dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées, à raison d’au moins trois séances annuelles. « Il faudrait que les professeurs et les enseignants du premier degré soient formés. Or, la vague militante des années 70-80 est partie à la retraite, et les volumes de formation qui étaient prévus au départ n’existent plus. Ces trois heures passent à la trappe. Elles reposent sur le travail des associations, mais aussi sur les enseignants« , rappelle la coordinatrice, qui s’affole de la dernière enquête de l’Arcom. « Au collège, la majorité des préadolescents ont leur premier contact avec la sexualité via la pornographie. »

« Ce que l’on voudrait, c’est que le Gouvernement fasse appliquer la loi sur tout le territoire »

La Fédération régionale du planning familial d’Occitanie a en charge le projet « Sexualités, contraception, IVG », un numéro vert national et gratuitCette plateforme permet d’orienter de façon anonyme les personnes qui souhaitent se renseigner sur l’IVG, sans aucune justification. « Nous sommes là pour écouter et orienter. Si l’on constate que la personne a un peu de mal à choisir entre la poursuite de la grossesse ou l’interruption volontaire de grossesse, les conseillères conjugales et familiales qui répondent à ce numéro vert restent à son écoute. » 

Le Planning Familial et le collectif Droits des Femmes se battent pour que les lois soient appliquées. « Nous saluons l’inscription de l’IVG dans la Constitution mais ce que l’on voudrait, c’est que le Gouvernement fasse appliquer la loi sur tout le territoire. Ce que l’on revendique, c’est l’application de la loi et les possibilités que les femmes accèdent à l’IVG, de façon sereine », interpelle Monique Hernandez. Pour Marie-France Taurinya, cette constitutionnalisation est une réelle victoire pour les Françaises et pour les femmes du monde entier : « Cela permet d’espérer une amélioration, puisque nous sommes le premier pays à l’avoir inscrit dans la Constitution. » En attendant, dans les Pyrénées-Orientales, le combat continue pour réduire les inégalités sociales et territoriales d’accès à l’IVG.

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Célia Lespinasse