Article mis à jour le 20 mars 2023 à 08:07
Gilles Thellier est l’un des 3 délégués du défenseur des droits dans les Pyrénées-Orientales ; ils sont 530 comme lui sur toute la France. Depuis 2011, d’abord pour la Halde*, puis désormais pour le Défenseur des droits, Gilles reçoit les plaintes de ceux qui saisissent la toute nouvelle plateforme anti-discriminations. Une plateforme qui en un an d’existence a reçu pas moins de 14.000 signalements au niveau national dont 300 pour notre seul département.
Même si, pondère Gilles Thellier, seulement une dizaine des dossiers concerne des discriminations. « Parfois les victimes peuvent qualifier leurs difficultés de discriminations alors qu’il ne s’agit que de dysfonctionnements. Mais dans quelques cas, il s’agit bien de discriminations. Et mon rôle et de trouver des solutions à l’amiable pour que cesse la discrimination ».
Gilles Thellier déplore néanmoins une certaine banalisation. « Il y a des personnes qui ne prennent même pas le temps de signaler les pratiques discriminatoires parce qu’elles sont se sont habituées« . Selon le défenseur des droits, s’il faut informer sur leurs droits, ce sont les usagers qui doivent prendre l’initiative de saisir la plateforme.
♦ Du refus d’accès à la cantine pour des allergies au harcèlement professionnel
Le délégué bénévole se souvient de cette famille qui l’a saisi parce que son fils n’était pas admis à la cantine scolaire en raison de son régime alimentaire spécifique. « La mairie de sa commune invoquait un nouveau règlement pour ne pas inscrire un enfant en raison de ses allergies alimentaires. J’ai pris contact avec la mairie pour leur rappeler qu’il existait des protocoles spécifiques pour ce genre de cas ; et ils ont finalement assoupli leur position. Désormais l’enfant peut manger à la cantine des menus préparés ses parents. De son côté, la maman a pris attache auprès des parents d’élèves et le règlement, pour la rentrée prochaine, sera modifié. Mon objectif est de faire que les choses s’arrangent à l’amiable« .
Gilles Thellier nous évoque une autre affaire en cours. « J’ai par exemple le cas de cette personne qui travaille dans une agence bancaire et qui est victime de réflexions désagréables qui confinent au harcèlement parce que c’est une personne assez forte. Je lui ai demandé de venir me rencontrer, et j’attends. Mais pour le moment elle n’a pas encore franchi le cap ». Le représentant du défenseur des droits explique que la démarche est complexe. « Il est plus facile de saisir une plateforme sur internet que d’expliquer le harcèlement dont on est victime devant un inconnu ».
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♦ Refus de reconnaître le changement de genre et affichage de l’origine ethnique
Le délégué des Pyrénées-Orientales nous relate un cas qui a déjà franchi le cap de la justice. « J’ai cette personne transgenre qui a changé d’identité. Elle a été orientée vers un centre de formation professionnelle, mais le personnel n’a pas reconnu son identité féminine. C’est-à-dire qu’ils l’appellent toujours par son prénom masculin. Elle leur a signalé, mais sans succès. La victime nous a signalé ces faits comme un harcèlement et a porté plainte. De mon côté, j’ai pris contact avec le centre de formation. Je leur ai demandé leurs observations sur les faits et rappelé la législation. J’ai aussi fait des recommandations, mais nous n’avons pas le pouvoir d’un juge. Et cette affaire sera entre les mains de la justice ».
Gilles Thellier a aussi été saisi par le MRAP pour une personne dont l’opérateur téléphonique avait indiqué sur son contrat à la suite de son nom, son origine africaine. « Il était intervenu auprès du MRAP en disant que c’était discriminatoire et raciste. Ce qui était vrai c’était stigmatisant. J’ai saisi l’opérateur par écrit, et après quelque temps le service juridique m’a répondu que c’était le client lui-même qui lors de la souscription de son abonnement avait précisé « Africain ». Le service juridique de demander que le client formule une demande afin que soit retiré ce qualificatif de sa fiche signalétique, ce qui fut fait.
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♦ Le bilan national de la plateforme anti-discriminations
Romain Blanchard, chef du pôle régional du Défenseur des droits nous rappelle les critères pour qualifier la discrimination. « Il y a discrimination lorsque trois éléments sont réunis. Un traitement moins favorable envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de critères définis par la loi (origine, handicap, sexe, religion, orientation sexuelle, apparence physique, …) et dans un domaine prévu par la loi (l’emploi, l’accès au logement, …) ».
Selon Romain Blanchard, les discriminations les plus flagrantes sont dans le milieu du travail ou de l’échange commercial. Lancée le 12 février 2021, la plateforme antidiscriminations.fr comprend un numéro de téléphone, le 39 28, et un module de tchat en ligne. Depuis son lancement, la plateforme comptabilise 14 000 sollicitations, dont 11 000 appels au 39 28 et plus de 3 000 tchats, 1 million et demi de consultations du site et réunit 1.200 acteurs associatifs et institutionnels partenaires.
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♦ Paroles de réclamant
Le Défenseur des droits a diffusé plusieurs témoignages dont ce refus d’embauche en raison du lieu de résidence. « J’ai saisi le défenseur des droits en mars 2021 via le tchat de la plateforme anti-discriminations pour une discrimination à l’embauche dont j’ai été victime à cause de mon lieu de résidence. À l’époque en poste à Lyon, j’ai postulé à un emploi dans la ville de Nice. La directrice de l’établissement dans lequel j’ai déposé ma candidature l’a rejetée car elle donnait, je cite «priorité aux candidats résidant à Nice». Suite à cette réponse, je me suis renseignée sur ce que disaient les textes de lois à ce sujet.
Je savais en effet qu’il existait des discriminations sur divers critères comme l’origine, l’âge, le sexe ou encore le handicap, mais je ne savais pas si le lieu de résidence pouvait constituer un critère de discrimination. Ainsi, j’ai voulu savoir quels étaient les recours pour faire reconnaître cette discrimination. Ne voulant pas entamer un processus lourd et chronophage avec une plainte, je suis alors tombée sur la plateforme antidiscriminations.fr. J’ai eu la bonne surprise d’être orientée vers un formulaire en ligne à remplir très facilement et rapidement, pour expliquer ma situation et fournir la preuve de cette discrimination.
À peine une semaine plus tard, j’ai reçu par email la confirmation que le Défenseur des droits avait envoyé un courrier à la directrice concernée, lui rappelant le Code du Travail et lui demandant de réexaminer ma candidature. J’ai été conviée par la suite à un entretien pour le poste en question. Même si je n’ai pas eu le poste à la suite de l’entretien, je suis satisfaite du dénouement de cette situation. Je pense que beaucoup d’employeurs ne s’attendent pas à ce que des candidats puissent entamer des démarches pour dénoncer et faire entendre leurs droits. De plus, il est souvent difficile d’avoir des preuves, c’est pour cela que j’ai trouvé important de faire connaître ma situation. »
*Halde, Haute autorité de la lutte contre la discrimination et pour l’égalité.
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