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Plusieurs voix s’élèvent contre la politique française du «tout carcéral»

Plusieurs voix s'élèvent contre la politique française du tout carcéral

Article mis à jour le 15 septembre 2023 à 14:42

Après plusieurs avertissements dont celui pour la prison de Perpignan, la Contrôleuse des lieux de privation de liberté va plus loin dans son avis relatif à la surpopulation carcérale et aux dangers du «tout carcéral.» Comme Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, le Conseil économique et social et environnemental (CESE) s’interroge sur le sens des peines de prison dont l’objectif de réinsertion serait loin d’être atteint.

Les derniers chiffres du mois d’août font état de 74.237 détenus écroués, un chiffre en hausse de 3,4% par rapport à août 2022. Or, les prisons de France ne comptent que 60.629 places d’encellulement, chiffre stable depuis 2022. À défaut de pouvoir pousser les murs, les centres pénitentiaires français ont dû installer 30% de matelas au sol supplémentaires.

Le centre de détention de Perpignan fait figure de modèle dans cette inadéquation entre le nombre de détenus et les places pour les accueillir. Avec notamment 400 détenus dans la maison d’arrêt pour hommes pour 196 places, soit un taux d’occupation de 204 %. La maison d’arrêt pour femmes de Perpignan affiche également un taux d’occupation alarmant de 217%, bien au-dessus de la déjà triste moyenne nationale de 145,9%.

Courbe d’évolution des personnes écrouées en France – Source ministère de la Justice

Depuis 2012, les rapports sur la surpopulation carcérale s’empilent sans aucun effet

L’avis publié le 14 septembre par les services de Dominique Simonnot constate la dégradation des conditions de détention et l’épuisement du personnel. Pour cet organisme indépendant, il est évident que le système pénitentiaire français ne peut ni remplir sa mission de réinsertion, ni garantir la dignité, les droits et la sécurité des détenus ainsi celle des personnels pénitentiaires. Dès 2012, le rapport du contrôleur des prisons exhortait l’État à diversifier et amplifier les alternatives à l’incarcération. Force est de constater, qu’en 2023, rien n’a changé. Bien au contraire, la situation s’est encore dégradée ; et ce malgré la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme du 6 juillet dernier.

De son côté, depuis 2019, le Conseil économique social et environnemental s’était du sujet de la réinsertion après la détention. Ce 13 septembre, le CESE diffusait en direct sa séance intitulée «le sens de la peine». Pour le CESE, «les constats sont défavorables avec une surpopulation carcérale qui s’accroît chaque trimestre et la non atteinte de l’objectif de renforcer la place donnée aux alternatives à la détention pourtant affiché dans deux lois récentes.»

La fuite en avant du «plan 15.000 places» à horizon 2027

Ni le CESE, ni le CGLPL n’entendent recevoir cette réponse de la part du garde des Sceaux. «La construction de nouvelles places de prison ne saurait constituer une réponse efficace au problème de la surpopulation carcérale. En une trentaine d’années, le nombre de places a doublé, passant d’environ 30 000 aux 60 500 actuelles ; pour autant, la surpopulation carcérale n’a cessé de progresser, et de plus en plus vite.» Pour ces deux entités, il est nécessaire de trouver et de mettre en place des alternatives au tout carcéral.

Les États généraux de la Justice avaient fait des préconisations sur la politique carcérale 

Fin 2021, face à une grogne des palais de justice, Éric Dupond-Moretti, Ministre de la Justice, lançait les États généraux de la Justice. L’objectif était de recueillir les demandes des acteurs de la Justice. La réponse la plus forte apportée par le ministre fut un plan massif de recrutement et une hausse significative du budget. Or, ces États généraux se voulaient bien plus ambitieux, il s’agissait également de réfléchir sur les enjeux et les objectifs de la Justice française.

Pour le volet pénitentiaire, le comité des Etats généraux préconisait la création d’un groupe de travail pour définir sur un taux de surpopulation critique pour chaque prison de France métropole et Outre-mer. «Le dépassement de ce seuil entraînerait la réunion des différents acteurs de la chaîne pénale, qui pourraient alors envisager certaines mesures de régulation. » Or selon, l’avis du contrôleur de gestion, la loi issue des États généraux ne comporte aucune disposition relative à la régulation carcérale.

En parallèle, l’Assemblée nationale a mené une mission d’information sur le sujet. Parmi les recommandations de ce dernier rapport, une meilleure prévention de la délinquance, une refonte de l’échelle des peines …La mission recommande d’« atteindre 100 % de densité carcérale à l’horizon 2027». Un vœu pieux mais qui, pour le moment, ne reçoit aucun écho favorable du côté du Ministère de la Justice.

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