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Podcast à la prison de Perpignan, six détenus deviennent critiques de cinéma

Podcast à la prison de Perpignan, six detenus deviennent critiques de cinéma

Article mis à jour le 23 avril 2024 à 11:59

[Podcast] Dans le cadre d’un partenariat avec les ministères de la Justice et de la Culture, plusieurs détenus du centre pénitentiaire de Perpignan ont enregistré un podcast avec l’association d’éducation aux médias Médiaclic. Réalisée début 2024, l’émission de près de 27 minutes, permet à chacun de camper un rôle et décortique les ressorts des films de super-héros.

Un super-héros peut-il être pauvre ? Quelle place pour les femmes dans les films de super-héros ? Les super-vilains sont-ils si méchants que ça ? Autant de questions abordées dans le podcast, « On a tout le temps d’en parler ».

Quand le cliquetis des clés laisse la place au son des micros 

Les gestes sont toujours les mêmes. Laisser son téléphone portable dans la boîte à gant de la voiture. Déposer sa carte d’identité à l’entrée. Placer les sacs sur le tapis roulant. Passer sous le portique. Attendre que la porte s’ouvre. Franchir les  lourdes grilles. Entrer dans la zone scolaire, là où se déroulent les activités. Saluer le surveillant et guetter les visages connus dans le couloir. Entrer dans une petite salle de classe, ressemblant à s’y méprendre à celle d’un collège, les barreaux en plus aux fenêtres.

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Et puis la porte verrouillée depuis l’extérieur par le responsable pénitentiaire. Installer le studio mobile, les micros, l’enregistreur et le vidéoprojecteur en attendant que les participants arrivent, un à un. Et échanger quelques mots, le temps que tous prennent place. Et puis, demander « comment ça va ? », en se rendant bien compte de l’absurdité de la question. Et comme il est d’usage en prison, nous ne savions rien de leur parcours judiciaire, juste qu’ils étaient volontaires pour s’essayer à la radio.

Cette routine, nous l’avons répétée deux fois par semaine pendant plus d’un mois au centre pénitentiaire de Perpignan. Trois intervenantes, deux de Médiaclic et une de Made in Perpignan pour un groupe final de six détenus. Au fil des séances, ils ont apprivoisé le média radio afin de proposer une émission de critique de films.

Du Batman à Black Panther, six détenus de Perpignan s’essayent à la radio

Parce que nous avons tous rêvé un jour d’avoir de super-pouvoirs, nous avons choisi de réfléchir autour de deux films de super-héros : le Batman de Tim Burton, sorti en 1989, et le Black Panther de Ryan Coogler, sorti en 2018. Deux réalisations à presque trente ans d’intervalle, et deux figures héroïques très différentes.

Aucun des participants n’avait fait de radio avant cet atelier. Aucun d’eux n’avait parlé dans un micro et encore moins animé une émission. Les six détenus, dont l’âge varie entre la vingtaine et la cinquantaine, ont tous joué le jeu et appris au fil des semaines à débattre, avancer des arguments, présenter les films, et capter les auditeurs et les auditrices.

Co-financé par les ministères de la Culture et de la Justice, en partenariat par le SPIP de Perpignan (service pénitentiaire d’insertion et de probation), ce projet fut aussi l’occasion pour le groupe de découvrir comment une émission de radio se construit de A à Z. Comment passe-t-on de bavardages informels sur ce qui donne du pouvoir à Batman, ou sur l’importance des femmes guerrières dans Black Panther, à un échange structuré dans lequel on inclut l’auditeur ou l’auditrice, pour qu’il ou elle ne soit pas perdue.

Quel titre pour un podcast réalisé depuis la prison de Perpignan ?

La réflexion a été longue et les échanges nourris pour parvenir au choix final. On a tout le temps d’en parler – la cellule des héros, résonne comme un clin d’œil à leur condition si particulière. Ce sont d’ailleurs eux qui, avec leurs mots, ont expliqué ce que cette émission avait de spécial.

Les discussions ont parfois été âpres, les débats vifs. Séance après séance, les apprentis chroniqueurs ont enregistré leur parole, toujours sous pseudo pour conserver leur anonymat. À la manière d’un puzzle, le groupe a patiemment élaboré ce podcast. Une émission qui aborde pêle-mêle la différence entre un sombre Batman solitaire, et un flamboyant Black Panther princier. Mais aussi l’évolution de la place des personnages féminins, ou le caractère et le rôle des super-vilains.

Parler de la place des super-héros dans la société, a fortiori quand on est soi-même privé de liberté, c’est aussi parler en creux de justice ou de la violence légitime. Nous avons passé des heures à tenter de comprendre les logiques du Joker ou d’Erik Killmonger, et à souvent être en empathie avec eux. Ce podcast était aussi une plongée dans un monde gris ; loin du manichéisme simpliste de certaines analyses. On s’est aussi dit que personne n’attendrait des détenus de droit commun sur un sujet aussi fédérateur que celui de la pop culture. Un des micros-trottoirs réalisé illustre cette tendance, tout le monde a un super-héros favori, ou son anti-héros préféré.

Au fil des semaines, la parole s’est déployée, la timidité, face au micro, fut un peu domptée. Lors de la dernière rencontre, et alors que nous écoutions la version du podcast, il flottait dans l’air comme un parfum de fierté et un sentiment de hâte à l’idée de partager l’émission avec les auditeurs et les auditrices.

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Alice Fabre