Article mis à jour le 25 février 2024 à 08:59
Manon Cairat, originaire de Rivesaltes, fait partie des trente-cinq lauréates du prix Jeunes Talents L’Oréal UNESCO, qui récompense les travaux de jeunes femmes scientifiques. Elle étudie les effets indésirables de certains médicaments de la vie courante, comme l’aspirine ou certains corticoïdes sur la population. Photo © Clémence Losfeld – Fondation L’Oréal.
C’est avec émotion que Manon Cairat a appris la nouvelle
« C’est un prix très compétitif donc on ne s’attend pas forcément à l’avoir. C’est difficile d’avoir de la reconnaissance dans le domaine de la recherche. Ça fait du bien. » C’est ce mercredi 11 octobre que la jeune chercheuse originaire de Rivesaltes a reçu le prix Jeunes Talents L’Oréal UNESCO avec 34 autres lauréates de toute la France. Une récompense qui vise à aider les femmes scientifiques à gagner en reconnaissance et en pouvoir dans un milieu où près de 85% des hautes fonctions académiques sont exercées par des hommes (en Europe).
Le domaine de recherche de Manon Cairat, c’est la pharmaco-épidémiologie, « une branche de l’épidémiologie qui consiste à mieux connaître un médicament et son impact sur la santé ». Elle mène des travaux sur les effets potentiellement indésirables de certains médicaments couramment utilisés, comme l’aspirine, l’ibuprofène ou plus récemment les corticoïdes. « Je travaille plus particulièrement sur les potentiels effets cancérigènes ou anti-cancérigènes de ces médicaments ».
Ce qui l’a menée à ce domaine de recherche, c’est l’affaire du Mediator, qui éclate peu avant son entrée à la faculté des sciences en 2011. « Ça m’a permis de me rendre compte de l’importance de protéger la santé de la population. Je me suis vraiment intéressée à la santé publique de manière générale et à l’épidémiologie par la suite. »
Ces travaux servent notamment à documenter l’état des connaissances sur les effets indésirables de médicaments pris par une large partie de la population. « La balance bénéfice risque peut changer, et c’est aussi pour rassurer les prescripteurs et les patients. »
Manon Cairat a redoublé d’efforts pour arriver là où elle en est aujourd’hui
« J’ai fait un premier master santé publique et risques environnementaux et j’ai refait un autre master avant de me lancer dans la thèse. » Thèse qu’elle soutient en novembre 2020, « le jour du second confinement, je m’en souviens encore ». Elle travaille depuis entre Paris et le Danemark.
Dans son entourage professionnel, Manon Cairat côtoie de nombreuses femmes chercheuses. « Mais aux postes de direction, ce sont généralement des hommes. » Comme d’autres avant elle, elle reconnaît souffrir souvent du syndrome de l’imposteur, « c’est l’histoire de ma vie ! Je me dis que je ne suis pas encore prête alors il faut que je fasse deux masters avant de commencer ma thèse. Ça me connaît… tout le temps l’impression de ne pas être assez bien alors que je vois des hommes au même niveau que moi qui vont se lancer et ne pas avoir peur. »
Des récompenses comme celles-ci l’aident à gagner en confiance. « De voir les trente-quatre autres lauréates brillantes, discuter avec elles et voir à quel point on traverse les mêmes problématiques et les mêmes difficultés, c’est aussi inspirant et encourageant. Par exemple il y a des méthodes que je veux appliquer, assez complexes, ça fait un an que je me dis que je ne suis pas encore capable… mais là c’est en train de se débloquer.»
Ce prix sonne aussi comme une revanche pour la Rivesaltaise : « je n’étais pas très bonne élève au lycée. Des profs m’ont dit de ne pas aller à la fac. Que j’allais couler. Ça m’est resté, l’impact de ces stéréotypes de genre. »
Les lauréates recevront toutes une dotation pour poursuivre leurs travaux de recherche. Elles bénéficieront aussi de formations diverses pour leur donner des clés dans leur vie professionnelle… pour pouvoir enfin briser ce plafond de verre.