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Canicules marines : Méditerranée en surchauffe, biodiversité en souffrance

ONIRIA FAUNE ET FLORE

Alors que les canicules terrestres font régulièrement les gros titres de cet été 2024, un phénomène moins visible, mais tout aussi préoccupant se déroule dans nos mers et océans : les canicules marines. Pascal Romans, océanographe et conservateur du Biodiversarium à Banyuls, nous éclaire sur ces vagues de chaleur sous-marines, leurs causes, l’impact sur l’écosystème marin et les perspectives pour l’avenir. Photo © archives MIP.

Quand le thermomètre sous-marin s’affole

Depuis plusieurs années, les épisodes de canicules marines se succèdent en Méditerranée. Des hausses anormales des températures de l’eau qui pourraient sembler insignifiantes mais qui ont un impact sur les écosystèmes marins.

« Une canicule marine, c’est une montée anormale de température souvent de quelques degrés supérieurs à la normale. Cela peut paraître peu, mais pour le milieu marin, c’est significatif », explique Pascal Romans. Ces vagues de chaleur sous-marines varient en intensité et en durée, mais leur fréquence continue d’augmenter d’année en année.

Des canicules marines de plus en plus fréquentes, mais un été 2024 en sursis

Les années 2022 et 2023 ont été particulièrement marquées par ces canicules marines sur le littoral catalan. Les régions du sud de la France, comme Perpignan ou Nice, ont subi des hausses de température significatives. « On s’attendait à un troisième été sous canicule marine cette année. Mais on peut dire qu’on a un peu de sursis. Car chez nous, dans le Golfe du Lion, la situation est encore sous contrôle pour l’instant, mais il est important de rester vigilant », rassure l’océanographe.

Cette année la méditerranée est montée à 28,67°C. Une température proche du record de l’été dernier, 28,71°C mesuré en juillet 2023. Des eaux dépassant les 30°C ont aussi été enregistrées en Corse et au large de Monaco début août. Alors que les températures de l’air continuent de grimper, la région des Pyrénées-Orientales est un peu préservée grâce à la Tramontane, vent dominant. « Il est nécessaire de surveiller ce qui se passe sous l’eau, notamment pour anticiper l’arrivée potentielle de ces vagues de chaleur marine », insiste Pascal Romans.

Quel impact sur la faune marine ?

Les canicules marines n’affectent pas tous les organismes de la même manière. Les espèces mobiles, comme les poissons, peuvent profiter de l’augmentation des températures. « Si la température reste acceptable, cela peut même être bénéfique pour certaines espèces de poissons, qui se nourrissent et se reproduisent davantage », explique Pascal Romans.

Mais une fois que les 4-5 degrés au-dessus de la normale sont atteints, les effets deviennent néfastes. Comme à Nice, où l’eau est à 4 degrés au-dessus des températures normales depuis un mois. En première ligne : les espèces fixes comme les gorgones, les éponges ou le corail. « Ces organismes, qui ne peuvent pas se déplacer, risquent de mourir si la température de l’eau grimpe trop », prévient-il. Ces morts massives d’organismes marins sont comparées à des « incendies sous-marins », qui peuvent détruire des écosystèmes entiers.

C’est la répétition du phénomène qui constitue un danger

La répétition des canicules marines est un autre problème. La résilience de certaines espèces marines s’affaiblit face à la succession des étés où les températures sont anormalement chaudes. La biodiversité n’a pas les ressources nécessaires pour se régénérer entre deux épisodes caniculaires « Si une canicule marine se répète d’une année à l’autre, le peu d’espèces qui a survécu lors de la première vague risque de disparaître lors de la suivante, ou de la prochaine vague », indique l’océanographe. Cette situation pourrait entraîner la disparition de certaines espèces locales, remplacées par des espèces invasives, mieux adaptées à ces nouvelles conditions.

Les réserves marines sont une zone de répit pour les espèces en danger

Face à ces menaces, les aires marines protégées sont un premier rempart. Bien que ces zones n’empêchent pas les canicules marines, elles offrent aux écosystèmes un environnement où la pêche et la pollution, sont réduites. « Une faune et une flore en bonne santé résisteront mieux aux canicules marines », explique Pascal Romans. La protection des écosystèmes marins est donc un enjeu majeur pour limiter les dégâts causés par ces phénomènes climatiques.

Un avenir incertain pour la mer Méditerranée

Les experts en climatologie prévoient une multiplication des canicules marines dans les années à venir, « avec des fréquences pouvant être multipliées par 50 d’ici la fin du siècle. Nous sommes un peu en sursis », admet Pascal Romans. La Méditerranée, naturellement plus froide que d’autres mers, ne pourra pas échapper, elle non plus, à ces phénomènes. « Nous avons la chance d’avoir une eau plus froide sur notre littoral, c’est un facteur chance supplémentaire », précise l’océanographe. Cependant, il met en garde contre les conséquences économiques et écologiques que pourraient engendrer les conséquences des canicules marines.

« La faune, à un moment donné, va se retrouver vraiment impactée. Il va y avoir les espèces thermophiles, [appréciant les eaux chaudes, n.d.r.l.] qui vont venir remplacer les espèces qui ne résistent pas à la chaleur. Donc on va avoir de la place pour les espèces, envahissantes, ou en tout cas non-indigènes. Elles vont pouvoir s’installer et remplacer les espèces locales qui auront disparu. Ces nouvelles espèces pourraient avoir moins d’intérêt économiquement que celles qu’on a aujourd’hui sur notre littoral », affirme-t-il.

Les enjeux climatiques pèsent dans la balance

Les enjeux du changement climatique s’étendent désormais jusqu’à nos océans et nos mers. Dans la Méditerranée, malgré des changements peu visibles en surface la canicule marine s’installe petit à petit. Le littoral catalan se trouve dans un système « fermé ». En effet, les entrées d’eau dans le bassin méditerranéen se font principalement par le détroit de Gibraltar. De plus, c’est une zone soumise à des canicules terrestres, avec un changement climatique bien en marche. Notre littoral est donc davantage sujet aux canicules marines que dans les océans où les effets tampons sont plus nombreux.

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Clément Bassot