Article mis à jour le 4 novembre 2025 à 18:20
Malgré une couverture vaccinale bovine proche de 100 % dans les Pyrénées-Orientales, la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) continue de sévir. À ce jour, 301 bêtes ont été euthanasiées en raison de foyers confirmés dans une dizaine d’exploitations du département. Ce lundi 4 novembre, 28 bovins supplémentaires doivent être abattus, portant le total à 329 animaux mis à mort, soit environ 3 % du cheptel local, estimé à 13 000 têtes.
Un mois après l’arrivée de la maladie sur le territoire, la préfecture a fait le point sur la situation. Et notamment les aides aux éleveurs ou les questionnements qui circulent sur les réseaux sociaux. Autour du préfet Pierre Regnault de la Mothe, le coordinateur national interministériel du plan de prévention du mal-être en agriculture Olivier Damaisin, et le directeur départemental de la protection des populations, Frédéric Guillot.
Depuis le 7 octobre 2025, 10 foyers avérés dans les Pyrénées-Orientales
Après la découverte du premier foyer de dermatose nodulaire bovine, les autorités ont lancé la vaccination de l’ensemble des animaux du département. À ce jour, il ne reste que trois élevages à traiter. Il faut 28 jours au vaccin pour protéger l’animal. Dans cet intervalle, neuf foyers supplémentaires ont été détectés et les abattages de bêtes se sont multipliés. Au 4 novembre, plus de 300 bovins ont été abattus. Si certaines vaches avaient des symptômes visibles, d’autres non. Et c’est bien là que l’incompréhension s’installe.
Pourquoi tuer des animaux qui ne sont pas touchés par la maladie ? Le préfet rétorque : l’objectif est d’éradiquer la maladie. Des directives validées en juillet 2025 par le CNOPSAV*, surnommé « Parlement du sanitaire » qui a réuni à cette occasion professions agricoles, vétérinaires et scientifiques spécialisés de cette maladie. Parmi ces mesures : euthanasier les animaux à proximité d’un foyer avéré de DNC. En effet, c’est la piqûre d’insectes de type stomoxe ou taon qui propage la maladie. Ces insectes ayant une capacité de déplacement limitée, cela permet de circonscrire « l’îlot épidémiologique » précise le préfet. Ainsi plusieurs des éleveurs concernés ont pu préserver une partie de leur troupeau.

De gauche à droite, Olivier Damaisin, Pierre Regnault de la Mothe, Frédéric Guillot.
Pourquoi ne pas vacciner régulièrement tous les bovins français ? Au-delà du coût des vaccins, le préfet met en avant le refus de certains pays d’acheter une viande qui aurait reçu ce vaccin et donc la perte de filière pour les élevages français. « Nous devons trouver un équilibre. Il faut à la fois vacciner, parce que c’est la meilleure manière d’éradiquer la maladie, et on trouvera le moyen d’écouler la viande sur le marché national. Mais si on avait décidé il y a six mois de vacciner tout le cheptel français, la majorité des éleveurs auraient eu des difficultés économiques et des difficultés d’exportation. »
Une partie du monde agricole refuse l’abattage des animaux
C’est bien cette logique économique mondialiste qui horripile une partie du monde agricole. Plusieurs citoyens ont constitué le collectif « Stop aux massacres ». Ils demandent la fin de « l’extermination » des troupeaux. « On massacre des gens », assure Jean Guilleret, membre du groupe, « les éleveurs portent seuls tout le poids de ce qu’on leur fait subir. » Lundi, 80 bêtes ont été abattues dans le secteur de Fontpédrouse malgré le blocage de la route organisé par le collectif.
Jean Guilleret est membre d’une coopérative agricole. Au contact des éleveurs, il décrit « la tristesse, le désarroi et la colère ». Le militant raconte la détresse des agriculteurs face à la disparition d’années de travail. Pour le collectif « Stop aux massacres », les abattages de troupeaux participent d’une « agriculture industrielle. » Le groupe prône une gestion de la maladie par le soin. Il souhaite que la vaccination soit rendue accessible sur l’ensemble du territoire français et que les éleveurs puissent soigner leurs bêtes.
« Je veux bien que tout le monde puisse donner son avis sur Facebook, mais là, on est sur des sujets scientifiques », dixit le préfet
Selon Frédéric Guillot, il serait impossible de laisser la maladie se propager pour permettre aux vaches de générer leur propre immunité. « Dans certains pays d’Afrique, avec des conditions sanitaires très différentes des nôtres, il y a effectivement un taux de létalité de 4 et 10%. Mais si on devait laisser courir la maladie, ici, dans nos régions, on ne serait pas du tout dans la même configuration. » Pour le responsable de la protection des populations, nos vaches ne sont pas prêtes à lutter contre ce virus car elles n’y ont jamais été confrontées.
La doctrine européenne est donc bien d’éradiquer la maladie dès le premier cas signalé dans une zone. Une politique européenne appliquée par tous les pays y compris en Espagne ou en Italie, contrairement à ce qui circule sur les réseaux sociaux rappelle le préfet. « L’Italie applique les mêmes règles européennes basées sur l’objectif d’éradication de la maladie, et donc cette notion d’abattage total. Donc l’Italie fait comme nous. »

Le préfet rappelle que les actions menées ne le sont guère pour le plaisir ! « Nous ne le faisons pas parce que nous avons eu des idées farfelues sorties du cerveau. Mais parce que nous appliquons une doctrine sanitaire validée scientifiquement, qui repose sur des études réalisées par des pharmaciens, des vétérinaires, des scientifiques. »
L’isolement, première cause de suicide chez les éleveurs
Olivier Damaisin décrit sa mission interministérielle entamée depuis un an. « Mon but est de remettre de l’humain. La priorité, ce sont les éleveurs. Il faut savoir que la première cause du suicide chez les agriculteurs, c’est l’isolement et la solitude. » Et c’est clairement ce sujet qui inquiète Olivier Damaisin, mais aussi les autorités. Tous ont bien compris le lien entre l’éleveur et ses animaux et le traumatisme quand on lui annonce qu’une de ses bêtes est touchée.
Le préfet a décliné les mesures de soutien auprès des personnes impactées. « C’est extrêmement difficile pour les éleveurs qui sont les propriétaires des bêtes concernées. Parce que ce n’est pas seulement un bien économique, c’est un attachement, un lien affectif qui lie l’éleveur avec des bêtes. Je me mets à la place des éleveurs qui subissent ça et je leur manifeste tout mon soutien », confie le préfet.
Le dispositif d’accompagnement moral mis en place par l’État se décline en deux volets. Le premier porté par la Mutualité sociale agricole qui prend le premier contact avec l’éleveur et organise des groupes de parole. Le second volet est porté par une infirmière psychologue du centre hospitalier de Thuir. « Elle propose un accompagnement de plus long terme aux personnes touchées », précise le préfet. « Il y a ceux qui disent qu’ils n’en ont pas besoin ou qu’ils ne veulent pas, et ceux qui s’inscrivent dans un parcours. Il faut respecter le positionnement de chacun. » Sur le volet financier, si la valeur des animaux doit être décidée par un expert, les premières indemnisations sur la base d’une estimation (2 100 euros par vache de plus de deux ans) ont déjà été versées.
Dans les Pyrénées-Orientales, le délégué au mal-être agricole est aussi venu apporter une parole d’espoir. Celui d’une crise qui passe. Au mois de juin dernier, le premier troupeau abattu était celui de Jean-Paul dans le Jura. « Depuis le 28 octobre, Jean-Paul a de nouveau des vaches dans son étable. C’est une note d’espoir pour tous les éleveurs », confie Olivier Damaisin.
*Comité national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale
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