Article mis à jour le 9 décembre 2022 à 07:59
Ce samedi 8 octobre, le Tribunal de Perpignan organise la 3e édition des Nocturnes du Palais. Pour le Président du Tribunal, ces événements sont l’occasion de rapprocher la justice et les citoyens. En 2022, le Tribunal de Perpignan fait un bond dans le passé. À la barre, Hippolyte Andreu, 30 ans et accusé d’avoir violé la jeune Marie Soula, comparait libre.
// Découvrir ou redécouvrir les éditions 2019 et 2021 des Nocturnes du Palais à Perpignan.
La criminalisation du viol a-t-elle évolué depuis le XIXe siècle ?
Pierre Viard de préciser, en 1841, le crime de viol existait mais n’était pas défini. Alors oui, la loi a évolué et désormais le viol est défini. La loi française dit que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, (…) commis (…) par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ». Mais certains réflexes ont la vie dure. Et il n’est pas rare d’entendre dans une cour de justice ou parmi les commentateurs des mots commentant le comportement ou la tenue de la victime. Ici, l’avocat d’Hippolyte Andreu y va franchement. Il dit de Marie qu’il s’agit d’une « jeune fille de 21 ans, dont l’inconduite est notoire« . Maître Fraisse rappelle pour illustrer ses dires les propos que Marie aurait tenus auprès de plusieurs personnes :
« Un jour, montant des sarments, elle releva ses jupes et aux reproches qui lui furent adressés à ce sujet elle répondit : « tout ce que je montre est mien ». À l’inverse, l’accusé est qualifié « d’homme recommandable à tous égards, un ancien militaire (…) estimé des gens de bien ».
« La culture du viol » est encore bien présente de nos jours. En 2017, la psychiatre spécialisée dans la prise en charge des victimes de viol, Muriel Salmona, déclarait :« La société met souvent en cause la victime. Si c’est une femme, on va lui imputer son comportement ou sa tenue vestimentaire, via le discours du « elle l’a bien cherché ».
Pour rappel, selon l’enquête « Cadre de vie et sécurité » sur la période 2016-2018, moins d’une victime de violences sexuelles sur six dépose plainte.
La journaliste Joséphine Perrot guide du bond dans le temps
Joséphine déboule dans le tribunal, journal en main. « Je suis Joséphine Perrot, je travaille au Journal du département des Pyrénées Orientales depuis 1841. On y publie les annonces légales et quelques potins du département. Habituellement, je corrige les articles ». Cette astuce scénaristique permet de mettre le public dans l’ambiance de l’époque et de rappeler les témoignages et autres moments clés du procès opposant Marie Soula et Hippolyte Andreu. Joséphine fait les présentations de chacune des parties alors que ces dernières sont comme figées dans l’espace et le temps. La jeune femme déambule dans la salle du tribunal entre la victime, son avocat, l’auteur présumé, le jury, le procureur du Roi et les juges.
« Depuis que je fréquente le milieu judiciaire, il y a des choses qui me choquent, et j’ai acquis la conviction que nous autres les femmes on n’était vraiment pas des sujets de droit comme les autres« . Et pour cause, à la tribune aucune femme ! Ni dans le rang des jurés, tirés au sort parmi sur les listes électorales, et les femmes ne peuvent voter ; ni parmi les juges professionnels ou les avocats, aucun de ces métiers n’étant ouverts aux femmes. « Combien de temps encore faudra-t-il pour qu’on nous permette de faire les mêmes métiers que les hommes ? » se désole Joséphine. « C’est bien la réalité de notre justice en 1842… cela fait déjà 53 ans qu’on a fait la Révolution en France, mais les rois sont de retour et on est encore loin d’être tous égaux !« .
Vols de poules, attentat à la pudeur et viols, le quotidien des assises
Le Président du tribunal et le centre de documentation de l’accès au droit des Pyrénées-Orientales (CDAD) ont fait de nombreuses recherches parmi les archives afin de trouver le programme des nocturnes du palais 2022. « Au XIXe siècle, il y a aux assises plus de vols de poules que de viols.
À l’époque, pour ce type d’acte, ils cumulaient les circonstances aggravantes. Un vol commis dans un lieu fermé, oui, le poulailler était bien un endroit fermé. Mais aussi quand les auteurs étaient en groupe, il s’agissait de vol en réunion. Et la loi se montrait particulièrement sévère. Le viol était également puni sévèrement ».
Dans le cas de Marie Soula, le procureur du Roi requiert une peine de 5 ans de travaux forcés à l’encontre d’Hippolyte Andreu. Selon Pierre Viard, à l’époque, la religion jouait un grand rôle dans ce genre de plainte, mais aussi au sein même de la justice. « Nous ne l’avons bien sûr pas installé, mais en 1841, un crucifix s’affichait sur les murs des tribunaux ». Au-delà du symbole, selon Pierre Viard, les victimes étaient souvent dissuadées de porter plainte pour des raisons religieuses. « On leur disait que si elles n’étaient pas reconnues victimes par le tribunal, elles passeraient pour des femmes de petite vertu. Leur entourage les prévenait. Vous ne pourrez plus vous marier, vous serez mise au ban de la société et votre réputation sera finie ».
Après la reconstitution du procès, les magistrats répondent aux questions de la salle
Preuve de l’engouement que suscitent les nocturnes du Palais, les deux séances sont d’ores et déjà complètes. À l’issue de la reconstitution, le procureur, le bâtonnier et le président du tribunal répondront aux questions de la salle comme lors des précédentes éditions. Des questions qui ne manqueront pas de fuser lors du dévoilement du verdict ou quand il s’agit de comparer les modes opératoires de la justice du XIXe et celle de 2022.
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