Article mis à jour le 8 septembre 2022 à 14:06
Après 8 semaines de mobilisation, le bâtonnier du barreau des Pyrénées-Orientales qualifie ce mouvement « d’historique » ; de par sa forme, sa mobilisation et sa durée. L’assemblée générale des avocats des Pyrénées-Orientales se réunit chaque début de semaine pour voter ; tant sur la poursuite que sur la forme du mouvement. Entretien avec Raymond Escale, bâtonnier de l’ordre des avocats catalans.
♦ Quelle issue à la crise entre les avocats et le gouvernement d’Édouard Philippe ?
Raymond Escale reste positif, mais déterminé. Pour le nouveau bâtonnier, « dans un monde merveilleux », il suffirait que le gouvernement annonce qu’il retire le texte et qu’il invite l’ensemble des acteurs autour de la table pour que le mouvement s’arrête du jour au lendemain.
Même si concède Raymond Escale : « Le gouvernement a raison de mettre le sujet sur la table. Mais, il a tort de présenter un projet mal préparé, mal ficelé. S’il veut de la discussion, il faut que son projet soit retiré, et que tout le monde se mette à la table des négociations ».
L’avocat fait le parallèle avec le serment du Jeu de paume, où en 1789, les députés firent le serment « de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». Il faudrait faire de même avec les retraites ; se réunir et n’en sortir que quand un texte satisfaisant pour toutes les parties émerge. « Même si cela prend 1, 2 ou 10 ans », s’insurge le bâtonnier des Pyrénées-Orientales.
♦ Un système judiciaire français quasiment paralysé
Au tribunal de Perpignan, Raymond Escale avance environ 90% des audiences et expertises reportées ; des audiences civiles, pénales, administratives, prud’hommes… Des reports au cas par cas. Il cite les cas des dossiers du Tribunal de commerce renvoyés à 15 jours, 3 semaines ou un mois. Dans d’autres juridictions et compte tenu du degré d’embouteillage, cela peut aller jusqu’à plusieurs mois. Lors de la dernière session d’assises, un des dossiers a été reporté au mois de mai, et d’autres au mois de décembre.
Compte tenu de la grève massive dans l’ensemble des barreaux de France, l’année judiciaire 2020 risque de voir les statistiques de procès rendus sérieusement impactées.
Du côté des avocats, la situation n’est guère simple. « Nous sommes soucieux de l’équilibre financier de nos cabinets ». Car, précise Raymond Escale, dans la majorité des cas, la facturation se fait au moment de rendre le jugement.
« Ce n’est pas de gaîté de cœur que l’on reconduit chaque lundi le mouvement de grève. Mais aujourd’hui, c’est le seul moyen de nous faire entendre. C’est le cœur meurtri que nous le faisons ; mais, on n’a pas trouvé d’autres solutions ! »
♦ Des avancées au niveau du gouvernement sur la réforme des retraites ?
Le magazine Challenge dévoilait ce 27 février les propos de la Ministre de la justice Nicole Belloubet. « Je me bats pour défendre les spécificités de la profession et protéger les petits cabinets. Mais la difficulté est que les avocats sont restés sur cette position de principe consistant à refuser l’entrée dans le régime universel ».
Pour compenser la hausse de la cotisation retraite, la Ministre a, entre autres, proposé un abattement de 30% de la CSG. Or, selon Raymond Escale, cet abattement pourrait être déclaré inconstitutionnel ; il contreviendrait au principe d’égalité entre les contribuables.
« Malgré ce que certains journaux qualifient de tentative d’apaisement de la part du gouvernement à l’égard des avocats, ce n’est pas du tout le cas. Aujourd’hui, notre système de retraites est déjà financé pour une petite partie par ce droit de plaidoirie (dernière proposition de la garde des sceaux) que nous payons déjà. Cette annonce n’apporte rien du tout. À titre personnel, je n’ai pas compris le sens de cet amendement ; et pour faire simple, je dirai qu’il n’y a aucune avancée à ce jour ! »
Pour le bâtonnier, « c’est la philosophie même de ce projet de réforme qui ne nous satisfait pas ».
« Ce projet prévoit de loger tout le monde à la même enseigne ; les salariés du privé, ceux du public, mais aussi les professions indépendantes. Sauf que nous n’avons pas tous les mêmes contraintes, ni les mêmes garanties. Nous, nous n’avons par exemple pas les garanties en matière de chômage ou encore de garantie de l’emploi que peuvent avoir les salariés du public. Si on se casse la pipe demain, on n’a ni droit au chômage, ni à la garantie de l’emploi. De prime abord, c’est sympathique de mettre tout le monde sur un pied d’égalité ; mais encore faut-il regarder les choses d’une manière globale et non pas seulement sous le seul angle des retraites« .
♦ Les prochaines actions du combat des avocats ?
Raymond Escale a sollicité l’ensemble des parlementaires du département. Les deux sénateurs, François Calvet et Jean Sol, ont déjà pris position en faveur du combat des avocats. Quant aux députés, si Laurence Gayte, députée En Marche, soutient la réforme, Romain Grau, reçu par le bâtonnier, n’a pas encore apporté de réponse, tout comme le député Rassemblement National Louis Aliot. Le 3e député En Marche, Sébastien Cazenove, n’a pour le moment pas encore répondu à l’invitation du bâtonnier.
Le bâtonnier envisage également d’adresser une lettre ouverte à l’ensemble des candidats à la mairie de Perpignan afin que chacun prenne position dans ce combat qui oppose les avocats de France et le gouvernement.
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