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Rentrée du Tribunal de Perpignan – Le plaidoyer du bâtonnier contre une réforme des retraites mortifère

Rentrée solennelle tribunal de commerce grande instance prud'hommes 2020

Article mis à jour le 23 mai 2023 à 11:42

La rentrée solennelle du Tribunal de Perpignan a été l’occasion, pour le nouveau bâtonnier de l’ordre des avocats catalans, d’un plaidoyer contre le projet de réforme des retraites. En soutien au bâtonnier Raymond Escale, de nombreux avocats étaient présents au tribunal en cette rentrée. En signe de protestation, ces derniers revêtus de leur robe noire sont restés debout durant toute la plaidoirie face à l’ensemble de la cour réunie et attentive.

♦ François ou l’utopie de l’avocat type présenté par le gouvernement ?

« Nous avons un morphotype que je ne connais pas, que les gouvernants nous assènent à longueur de journée. Il s’appelle François, il a 24 ans, il gagnerait dans sa première année en tant qu’avocat 43.000 €. Je ne le connais pas ! Et s’il existe qu’ils viennent m’expliquer comment, à 24 ans, ce jeune François, qui serait le grand gagnant de la réforme de retraite, pourrait-il gagner 43.000 € sa première année en tant qu’avocat ? ».

« Je ne le connais pas parce qu’il n’existe pas ! Moi je connais Julie, je connais Julien, je connais Samantha, je connais Guillem. Ce sont les jeunes confrères que j’ai intégrés cette année. Ils n’ont pas 24 ans. Ils ont 28 ans, 29 ans, 27 ans, 45 ans et sont issus d’un diplôme universitaire ou du monde professionnel. Pour eux, la retraite c’est quelque chose d’illusoire. Ils savent que, parce qu’ils rentreront tard dans le milieu du travail, ils finiront tard. »

« 67 ans, 68 ans, 55 ans, c’est illusoire, mais nous ne le voulons pas. Nous, ce que nous voulons, c’est travailler. Travailler et encore travailler pour cet idéal de justice. Ce projet de réforme de retraite est mortifère pour l’ensemble de la profession et aura des conséquences inéluctables pour nous, mais également pour notre justice ».

♦ En grève depuis semaines, les avocats unis reconduisent le mouvement

« Alors c’est vrai, la profession est vent debout. Elle est unie, partout en France et ici à Perpignan. La seule solution qu’elle a trouvée, c’est de faire la grève, la grève des audiences, la grève des permanences pénales. Moi qui suis là pour désigner les confrères pour partir en garde à vue, pour assister des prévenus ».

« Depuis 3 semaines, j’en crève, je ne désigne personne. Qui en patît ? Le justiciable, mes confrères, votre juridiction. Mais ce n’est pas vers vous qu’est dirigée notre colère, ce n’est pas vers vous qu’est dirigé notre courroux. Nous voulons simplement que demain, il y ait toujours des avocats qui puissent partir à 3 heures du matin en garde à vue au fin fond du département pour assister le pauvre bougre qui a trop bu. Nous voulons des avocats qui puissent au pied levé, un matin devant ce palais, assister un individu qui a commis des infractions ».

« Je veux des avocats qui puissent aider à assister, entourer des victimes de violences conjugales jetées dans la rue sans un sou. Je veux des avocats qui puissent aider et assister des étrangers en situation irrégulière qui ont droit aussi à la justice et qui se débattent dans les méandres de cet appareil judiciaire ».

♦ « Il n’y a plus d’avocats, il n’y a plus d’âme » 

« Demain, si cette réforme aboutie, demain, s’il n’y a plus ces avocats-là, qui viendra assister cette femme, ou cet étranger ? Personne ! Et ce palais de justice deviendra un palais désert. On parle de désert judiciaire, mais ce désert sera ici. Avez-vous vu comment depuis 3 semaines ce palais fonctionne ? Il n’a plus d’avocats, il n’a plus d’âme. Il n’y a que les magistrats qui subissent cette situation et sont navrés de voir les dossiers reportés, renvoyés, de voir cette justice paralysée, asphyxiée. Peut-être même que certains s’indignent que notre profession puisse oser paralyser la justice ».

« Alors trois semaines de grèves, où on nous culpabilise, alors que cette justice agonise et que vous vous débattez dans un bricolage sans cesse. Et que nous, avocats sommes les actuels complices de ce bricolage. Nous vous aimons vous, magistrats du siège, magistrats du parquet, greffiers, greffières, nous vous aimons vous les personnels de justice. Parce que nous aimons notre justice et notre palais ». 

« Et j’en crève de ne pas pouvoir désigner mes confrères, et j’en crève de devoir reconduire la grève, parce que là-haut on ne prend pas en considération notre vie, ni Julie, Julie. On ne prend en considération que François, et il n’existe pas ! » .

♦ « La paix sociale se construit dans un palais qui se fissure de toute part »

« Je suis un optimiste de combat, parce que, tous ensemble, nous faisons partie de la même famille judiciaire. Nous travaillons sur une matière première qui est l’humain. Nous ne fabriquons rien, ni de l’argent, ni des voitures, ni des maisons. Vous êtes vous les fabricants de la paix sociale. Et nous, nous participons à cette fabrication-là dans un palais abîmé, et qui se fissure de toutes parts. »

« Nous allons agir ! Et il faut agir pour que plus jamais nous puissions dire que notre justice n’a pas vu ce qui se passait. Nous sommes une famille qui doit être unie. Le combat des retraites n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le vrai combat est celui de l’idéal de justice que nous devons préserver ».

« Les parlementaires qui sont là ont rendez-vous avec l’histoire, le peuple vous dit de ne pas faire passer cette réforme. Votre justice est là, devant vous et elle vous implore de lui donner des moyens. De continuer à avoir cet idéal de justice, d’une justice pour tous. Elle vous implore de ne pas appliquer cette réforme mortifère pour l’ensemble de la profession. Et parce qu’une fois que la profession sera morte, c’est la justice qui mourra. Je veux toujours un avocat de permanence, je veux toujours un avocat pour le pauvre, je veux toujours une justice pour tous ! »

♦ La Ministre de la justice reste ferme sur la réforme universelle

Nicole Belloubet invitée sur l’antenne de Public Sénat déclarait : « Tous les Français doivent intégrer

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et les avocats aussi ». Tout en reconnaissant « un malaise dans la profession », elle s’est dite « prête à travailler avec eux sur différents paramètres liés à l’avenir de la profession ». Mais quand il s’agit d’envisager que les avocats n’intègrent pas le principe d’une réforme par point, la garde des sceaux de déclarer : « ce n’est pas négociable ».

Récemment, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye avait répondu à Camille Manya, ancienne représentante des jeunes avocats des Pyrénées-Orientales. « Je ne sais pas ce que deviendra le métier d’avocat demain. Et c’est pour cela qu’on veut mettre en place un régime universel. Et peut-être que le métier, tel que vous l’exerciez aujourd’hui, il ne sera peut-être pas le même dans 40 ou 50 ans. Quand vous dites qu’on augmente la cotisation actuelle des avocats, c’est vrai. Mais ce que nous proposons en regard, c’est une baisse de la contribution sociale généralisée ».

La Ministre de la justice a, quant à elle, confirmer que la hausse serait compensée par la baisse de la CSG jusqu’en 2029. Sans préciser ce qu’il adviendrait ensuite.

♦ Le Président du Tribunal de Perpignan se dit « perplexe » sur le moyen d’expression choisi

Le président du tribunal de Perpignan a évoqué un bilan mitigé en termes de volume d’affaires traitées sur les 9 premiers mois de l’année 2019. Des chiffres dégradés en raison de manque de moyens humains et d’une instabilité au niveau des effectifs. Des retards accumulés que les magistrats tentent de rattraper, mais cela demanderait une stabilité des effectifs.

Pour le Président, les mouvements sociaux contrarient cette volonté de rattraper les retards accumulés dans les dossiers. Le président ne se prononce pas sur la légitimité des mouvements sociaux. Néanmoins, il se dit perplexe quant au moyen d’expression choisi.

S’adressant au bâtonnier, le président rappelle : « Qu’il est essentiel de garder à l’esprit que les enceintes judiciaires doivent demeurer des lieux préservés d’écoute et de débat empreint de toute la sérénité nécessaire à la prise de décisions libres et impartiales ».

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Maïté Torres