Article mis à jour le 19 août 2023 à 08:33
En 2021, 64 personnes se sont noyées dans le département des Pyrénées-Orientales. À l’échelle nationale, 47% des noyades ont eu lieu en mer. En Méditerranée, il arrive régulièrement que des surfeurs viennent en aide à des personnes en difficulté. Témoignages de deux pratiquantes récemment récompensées par la ville de Canet-en-Roussillon pour leur réaction qui a sauvé des vies.
Méfiez-vous de l’eau qui dort… ou plutôt qui semble dormir
Si l’océan est connu pour charrier des courants parfois dangereux, la Méditerranée souffre souvent d’une image trompeuse de sécurité et de calme, qui conduit les nageurs à baisser la garde. Alvina et Blandine l’ont appris à leurs dépens. Les deux jeunes femmes sont surfeuses depuis plusieurs années au sein de l’ABSC, le club de Canet-en-Roussillon. Fin juin, elles ont toutes les deux été récompensées par la ville de Canet pour leur courage après avoir sauvé deux personnes de la noyade, dans deux circonstances différentes.
Pour Alvina, la scène remonte à septembre dernier
La saison vient de se terminer et la plage n’est plus surveillée. La jeune femme est entre deux sessions de surf, haut de combinaison descendu. « J’avais aperçu un monsieur qui nageait près de la digue. Je l’ai regardé plusieurs fois car je sais que cet endroit-là est un piège, le courant t’emmène au large. Puis il a disparu sous l’eau. » Sans hésiter, Alvina prend sa planche et rame jusqu’au nageur en difficulté. L’homme est clairement en détresse.
« Quand je suis arrivée près de lui, je l’ai attrapé comme j’avais appris en cours. Je suis descendue de ma planche, j’ai mis ses bras dessus. On était face à face lui et moi, il m’a fait comprendre qu’il était sur le point de lâcher. J’ai retourné la planche pour le placer devant moi à plat ventre, et j’ai ramé vers la plage. C’était compliqué, j’étais dans le courant et il y avait des vagues. »
La surfeuse et le nageur arrivent à regagner le rivage. La famille de l’homme se précipite pour les aider. « Sur le coup, je n’ai pas réalisé comme c’était important. Mais il m’a dit ensuite que de me voir ramer vers lui a donné quelques secondes de force en plus, il était vraiment en train de lâcher. »
Alvina est catégorique : jamais elle ne se serait jetée à l’eau pour aider cet homme si elle n’avait pas six ans de surf dans les jambes
« Sans ce que j’ai appris dans ce sport, je n’y serais pas allée… J’aurais peut-être essayé d’appeler quelqu’un… ». La pratique du surf lui a permis d’apprendre à lire les courants, et les plans d’eau, surtout quand il y a des vagues. « Ce n’est pas parce qu’il y a des surfeurs à l’eau que les conditions sont favorables pour la baignade. Les courants peuvent aussi être dangereux en Méditerrannée, comme à l’océan. »
Elle donne un conseil aux nageurs qui s’aventureraient vers la digue de Canet. « Parfois, s’il n’y a pas de grosses vagues, c’est mieux de se laisser déporter derrière la digue que d’essayer de revenir droit sur la plage. »
Il arrive aussi que le charme des vagues attire à l’eau des personnes inconscientes du danger qu’elles encourent
Blandine, qui surfe aussi depuis plusieurs années, en a été témoin en juin dernier, toujours à la digue de Canet. « Il y avait des grosses vagues et beaucoup de vent, c’était déchaîné. Je tourne la tête vers la digue et un monsieur me dit qu’il a vu un jeune surfeur se faire aspirer. Le problème dans ces conditions, c’est que, dernière, les vagues se rabattent sur les rochers. » Blandine prend sa planche et commence à ramer. « À ce moment-là, plein de questions tournent dans ma tête, est-ce que je ne vais pas avoir peur,, nous mettre en danger tous les deux. Quand je l’ai atteint, il était épuisé. » La jeune femme escalade la digue, et guide le surfeur en difficulté à la voix, pour qu’il rame en direction du port.
« Je l’ai accompagné du haut de la jetée, il a pu rentrer par le port. » Une fois à terre, le jeune homme reconnaît sa bêtise. « Il était allé à l’eau avec une vieille planche de collection qu’il avait trouvée chez son grand-père, il était complètement inconscient du danger. » Son grand-père lui-même a minimisé l’incident qui pourtant aurait pu avoir de graves conséquences.
« En l’espace d’une minute trente, il était déjà épuisé et en panique, c’est ça qui est dangereux. Comme la digue est longue et qu’elle bloque la vue, il faut connaître l’endroit pour savoir par où tu peux repasser. »
Blandine reconnaît aussi que c’est la pratique régulière du surf, et les séances d’entraînement au sauvetage qui lui ont permis de réagir efficacement ce jour-là, elle qui affirme ne pas être « une grande nageuse ». Dans les Pyrénées-Orientales, il n’y a pas de zones dédiées au surf, et les pratiquants de ce sport côtoient les nageurs et baigneurs toute la saison estivale. « Nous, on surfe ici, mais ça peut être dangereux pour les nageurs, confirme Blandine. Je conseillerais aux nageurs dès qu’il y a un peu de vent de ne pas aller nager dans des zones où il y a des digues. Quand il y a de la houle, il y a aussi des baïnes qui peuvent se créent autour des bancs de sable. »