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Roman « Le Front de l’azur » – La guerre d’Espagne au féminin par Hélène Legrais

Le front de l'azur - Hélène Legrais

Article mis à jour le 25 août 2022 à 18:57

Tout comme les fêtes de fin d’année, le roman d’Hélène Legrais est devenu une tradition. La tradition de ce moment que l’on s’accorde pour savourer un instant de lecture. Cette année, la romancière a choisi de nous plonger avec Le front dans l’azur dans le Barcelone des années 30. L’année où les Olympiades Populaires devaient avoir lieu pour protester contre les Jeux Olympiques de Berlin à l’été 1936. Ces olympiades antifascistes interrompues suite au soulèvement militaire de celui qui deviendra le dictateur Franco durant presque 40 ans. Le front dans l’azur, aux Éditions Calmann Levy.

♦ Les héroïnes d’Hélène Legrais

À chacun de ses ouvrages, l’ancienne journaliste crée ses propres personnages. Le Front dans l’azur est un livre au féminin. Où nous apprenons que l’Espagne Républicaine avait, dès 1931, instauré le droit de vote. Mais aussi la réduction des inégalités femmes hommes, comme l’admission aux emplois et charges publiques sans distinction de sexe. Et juridiquement le mariage civil et le divorce, puis en 1936 le droit à l’avortement.

En 1931, en toute légalité, les Espagnoles ont une des conditions les plus avancées en Europe. Avec l’arrivée du Général Franco et le fascisme, toutes ces avancées sociétales sont balayées. Questionnée sur le sujet, Hélène Legrais nous confie : « Je tenais à rappeler à quel point la République espagnole était en avance sur nous. Les Français ont encore trop souvent à l’esprit l’Espagne que Franco avait renvoyé au Moyen Âge ».

« Les héros, ça n’existe pas : il y a seulement des gens qui font de leur mieux en fonction de ce qu’ils pensent être juste ». Les héros qui s’ignorent sont ceux dont l’Histoire se souvient. Qu’est-ce qui fait un héros ou une héroïne ? C’est la question que s’était posée Hélène Legrais en faisant le récit de la vie d’Elisabeth Eidenbenz. Cette dernière s’interrogeait sur les raisons de la romancière à coucher son histoire sur papier. L’infirmière fondatrice de la maternité d’Elne et qui permis de sauver 600 enfants est dubitative. « Pourquoi veux-tu raconter mon histoire ? J’ai fait ce que je devais, point. »

♦ Les Taurinya du Front dans l’azur inspirés par la famille du Maire de Ballestavy

Hélène nous confiait avoir pensé à ses amis Jacques Taurinya, maire de Ballestavy, son épouse Christiane. Mais aussi au père de Jacques, Alain qui était poète.

Été 1936. Madeleine, la fille d’Yvonne et de Firmin Taurinya, élève-infirmière et athlète prometteuse, monte dans le train à destination de Barcelone. La raison de ce voyage ? Participer avec la délégation française aux Olympiades Populaires antifascistes, organisées en réaction aux Jeux Olympiques de l’Allemagne nazie à Berlin.

Des compétiteurs venus de tous les pays se retrouvent en Catalogne pour une grande fête du sport et de la fraternité. À l’hôtel, au stade de Montjuïc où ils s’entraînent, au gré des promenades dans une ville riche de découvertes, les amitiés se nouent dans la joie et l’enthousiasme. Mais, la veille de la cérémonie d’ouverture, le coup d’État militaire de Franco plonge Barcelone dans le chaos et signe le déclenchement de la guerre.

La jeune Madeleine se retrouve malgré elle dans la tourmente de la guerre civile d’Espagne. Nous suivons sa vie bouleversante au cœur du chaos. Infirmière passionnée capable de partir au front pour se battre contre le fascisme, femme courageuse et indépendante qui s’ignore.

♦ « La guerre, ce n’est ni héroïque, ni glorieux, ma fille »

Alors que ses coéquipiers rentrent en France, Madeleine choisit de rester à Barcelone pour aider les équipes médicales catalanes face à l’afflux de blessés liés à cette guerre. Une décision que son père Firmin accueille par une lettre à sa fille. Une lettre qui reflète l’Europe meurtrie par les horreurs de la  « Grande Guerre » et courant à grands pas vers la Seconde Guerre mondiale.

« Te souviens-tu ma fille, de tous ces 11 novembre où tu m’as vu rentrer à la maison après les commémorations, la mâchoire crispée, les poings serrés, pour m’enfermer dans ma chambre ? Ta mère disait à ton père et à toi : [Ses souvenirs sont trop douloureux] et elle vous demandait de jouer en silence. Je l’entendais de derrière le battant de la porte. Et je reprenais ma colère qui me donnait envie de hurler pour ne pas la détromper, comme je l’avais retenue durant toute la cérémonie ou, en tant qu’instituteur de l’école de la République, je devais conduire mes élèves. Cette colère qui me secouait quand j’entendais exalter le sacrifice héroïque de ceux qui étaient tombés pour la Patrie, et la Gloire qui les attendaient pour l’éternité. 

La guerre, ce n’est ni héroïque, ni glorieux, ma fille. C’est sale et cruel. Ça ne génère que de la peur et de la souffrance. Malgré ce qu’en disent les gouvernements, et en les suivant les livres d’histoire, il n’y a pas de vainqueur. Jamais. Sur le champ de bataille, j’ai marché sur des cadavres dont les os craquaient sous mes semelles, et sur des vivants enterrés sous les cadavres. Français et Allemands mêlés […] J’ai survécu à cet enfer […]. Je suis devenu maître d’école pour apprendre aux nouvelles générations à construire un monde de paix ».

♦ « Le Front dans l’azur » ou l’engagement des femmes dans la guerre civile espagnole

L’année 2019 marque les 80 ans de la Retirada. Ainsi fut nommée cette période qui, après la chute de Barcelone aux mains des armées du Général Franco, jeta sur les routes des milliers de combattants républicains, de femmes et d’enfants. Plus de 450.000 personnes vinrent se masser à la frontière avec la France. En guise d’accueil, les Pyrénées-Orientales ouvrirent des camps en plein cœur de l’hiver 1939.

Hélène Legrais nous confie : « J’ai déjà écrit sur le passage de la frontière, les camps et la Maternité d’Elne avec « Les enfants d’Elisabeth ». Je voulais donc raconter comment on en était arrivé là, entre 36 et 39. Seulement, beaucoup d’auteurs ont déjà écrit sur la guerre civile et passer après Hemingway, Malraux, Orwell ou encore Lydie Salvayre qui a reçu le Prix Goncourt … Un livre de plus, ça aurait été un livre de trop. Sauf si j’apportais quelque chose de nouveau.  

Personne n’avait spécifiquement traité la guerre civile sous l’engagement des femmes. Mettre en lumière des femmes libres, courageuses, engagées et jusqu’ici restées dans l’ombre, cela me tenait à cœur ! ».

♦ Du Pays Catalan au Barcelone des années 30 

Lors des premières pages, nous plongeons dans le Pays Catalan des années 30. À l’époque où le plus bel hôtel de Cerbère, le Rayon vert, était florissant. Où déjà les paysages de la côte Vermeille émerveillaient les yeux des voyageurs. Premières vacances pour certains, souvenirs pour d’autres, nous nous retrouvons dans ces années où la plupart des Français n’avait jamais encore quitté son territoire. Hélène Legrais parvient à nous transporter dans cette époque où l’avenir du monde bascule.

« La capitale catalane vivait au rythme des alertes aériennes depuis des mois. Antonia lui avait même montré la feuille arrachée à un vieux cahier d’écolier où elle traçait au crayon une barre verticale à chaque fois que des avions, allemands et surtout italiens, lâchaient leurs meurtriers chapelets de bombes ; elle avait dû s’arrêter, n’ayant plus de place sur le papier entièrement recouvert de ces bâtons mortifères. Madeleine avait compté : entre février de l’année précédente et le 25 janvier, il y en avait eu exactement 385, soit plus d’une par jour ! C’était une moyenne bien sûr, il y avait parfois plusieurs raids dans une même journée tandis que d’autres étaient tranquilles, mais ce nombre faramineux traduisant bien la guerre d’usure impitoyable menée aux Catalans ».

♦ Histoire d’une photo de Couverture – La miliciana Marina Ginestà

La photo de Une du Front dans l’azur a une histoire. Cette photo de Marina Ginesta a été prise par un photojournaliste mexicain d’origine allemande. Elle pose avec un fusil pour symboliser la jeunesse combattante. Une jeunesse qui veut tout changer, un nouveau monde émerge. Des parents qui ne comprennent pas cette envie d’indépendance. Des actes vus comme des provocations.

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Maïté Torres