Article mis à jour le 8 juin 2023 à 15:42
« Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions ». Telle est la troisième phrase du célèbre serment d’Hippocrate, prononcé par les futurs médecins avant d’exercer. Pourtant, selon une étude la DREES, il semblerait que cela ne soit pas toujours respecté.
Un testing portant sur une première prise de rendez-vous médical par téléphone auprès des généralistes, ophtalmologues et pédiatres montre que les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire et de l’aide médicale de l’Etat font face à un refus de soins. Une discrimination qui est le fait d’une minorité de praticiens.
Un peu de droit avant de commencer….
Le refus de soins discriminatoire est avéré lorsqu’un professionnel de santé refuse de recevoir ou traite moins bien un patient en raison de critères cités dans le Code pénal (état de santé, âge, orientation sexuelle, origine, handicap…) ou parce que ce dernier est bénéficiaire d’une prestation comme la Complémentaire Santé Solidaire (CSS) ou l’Aide Médicale de l’État (AME).
Le principe de non-discrimination figure également dans le Code de déontologie médicale. Un code qui n’empêche cependant pas le praticien, dans certaines circonstances qui relèvent d’un cadre juridique précis, de refuser des soins « pour des raisons professionnelles ou personnelles » (article R. 4127 – 47 du Code de la santé publique).
Mesurer l’ampleur des refus de soins : pourquoi réaliser un testing ?
Lorsque les patients bénéficiaires d’aides se voient refuser un rendez-vous, le caractère discriminatoire est incontestable. Mais surtout, il peut prendre des formes plus insidieuses, notamment quand les praticiens évoquent des motifs légitimes comme une pathologie non prise en charge ou l’absence de disponibilité.
Comme il est impossible de savoir si les refus concernent tous les patients ou seulement ceux bénéficiaires d’aides, il était intéressant de réaliser un testing. Une expérience nécessaire pour évaluer le caractère discriminatoire ou non. La démarche était simple : des patients fictifs sollicitaient des rendez-vous auprès d’un professionnel de santé pour des motifs similaires mais qui diffèrent selon une ou plusieurs caractéristiques afin de mieux évaluer les chances d’obtenir un rendez-vous.
Un accès aux soins difficiles pour tous
Les taux de refus sont en moyenne élevés ce qui met en lumière des difficultés d’accès au système de soins primaires. Un patient a moins d’une chance sur deux d’obtenir un rendez-vous quand il contacte un médecin généraliste ou un pédiatre et près de deux chances sur trois pour un ophtalmologue, même s’il ne présente aucune caractéristique qui l’expose à un risque de discrimination.
Un patient bénéficiaire de la CSS a des taux d’accès semblables à un patient qui ne bénéficie pas de prestations sociales. En revanche, les bénéficiaires de l’AME voient leurs chances d’obtenir un rendez-vous fortement diminuer. Leur taux d’obtention d’un rendez-vous est évalué à près d’un tiers chez un généraliste et un pédiatre, et à un demi chez un ophtalmologue.
Les bénéficiaires de l’AME face aux discriminations
Les bénéficiaires de l’AME sont discriminés dans les trois spécialités étudiées. Ils ont entre 14 et 36 % de chances en moins d’avoir un rendez-vous chez un généraliste par rapport aux patients de référence, entre 19 et 37 % en moins chez un ophtalmologue et entre 5 et 27 % chez un pédiatre.
Dans l’ensemble, la discrimination à l’égard des bénéficiaires de l’AME ne dépend pas du genre du patient. Toutefois, des nuances s’observent en fonction de la spécialité médicale. Chez les généralistes, aucune différence constatée entre les hommes et les femmes bénéficiaires de l’AME. Chez les ophtalmologues, un écart important existe entre les femmes et les hommes, à la défaveur de ceux-ci. Enfin, chez les pédiatres, les patients de référence ont un taux d’obtention de rendez-vous nettement inférieur à celui des patientes de référence.
Seule une minorité de praticiens est concernée
Dans les trois spécialités, la discrimination est le fait d’une minorité de praticiens. Près de deux tiers praticiens contactés par téléphone ne modifient pas leurs pratiques d’octroi selon le profil des appelants.
Si l’impact du genre des patients a été étudié, c’est également le cas de celui des praticiens. En moyenne, les praticiennes accordent 19 % de rendez-vous en moins que les praticiens. Néanmoins, ces refus de rendez-vous ne semblent pas se faire au détriment des patients bénéficiaires des prestations sociales. Au contraire, ce testing montre que les praticiennes discriminent significativement moins les bénéficiaires de l’AME que leurs homologues masculins.
Les médecins qui refusent des patients bénéficiaires de l’AME ne se cachent pas et le font de manière explicite. Pour ces patients, 4 % des tentatives de rendez-vous chez un généraliste se soldent par un refus discriminatoire explicite, 9 % chez un ophtalmologue et 7 % chez un pédiatre. Dans l’ensemble, les refus discriminatoires directs représentent plus de la moitié des refus de soins discriminatoires opposés aux patients AME. Pourtant, cela est bel et bien une infraction.
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