Article mis à jour le 17 décembre 2023 à 11:46
Automne rime avec couleurs chatoyantes, mais aussi avec rentrée culturelle. En cette fin septembre, la nouvelle directrice du théâtre de l’Archipel présentait le programme de la saison de la scène nationale, ainsi que les concerts programmés au Mediator. Entre programmation, Archipel nomade et récits de vie, rencontre avec Jackie Surjus et Julien Bieules, respectivement directrice de l’Archipel et responsable du Mediator.
«Nous sommes les VRP de l’Archipel et du Mediator»
Assis côte à côte, Jackie Surjus et Julien Bieules débordent d’énergie et surtout de passion pour la programmation qu’ils présentent à la presse. Loin des codes un peu stricts du théâtre classique, la nouvelle directrice de l’Archipel déploie des trésors d’ingéniosité pour partager ses coups de cœur. «Nous sommes les VRP de notre théâtre. Nous ne pouvons plus nous contenter de programmer des choses magnifiques, en disant c’est génial venez nous voir.» Les temps ont changé et, pour Jackie Surjus, il est nécessaire d’aller chercher le public là où il se trouve, quitte à s’inviter dans son salon.
«Je veux développer les présentations de spectacles à domicile. Si vous invitez deux ou trois voisins, nous viendrons chez vous.» Car si les écrans et le digital ont pris une large place dans nos échanges et nos communications, pour la responsable de l’Archipel, il est urgent de «tisser des liens au-delà du virtuel.» Avant de lancer sous forme de boutade, «et puis vous savez, on est plutôt sympas, et on ne se la pète pas.»
Signe du succès de la programmation 2023-2024 à Perpignan, plusieurs spectacles affichent complets
Après «la violence des confinements», Jackie Surjus-Collet se félicite du retour du public dans les salles de spectacles. Même si les comportements des spectateurs ont changé, les chiffres d’abonnement sont à la hausse. En 2022, les équipes du théâtre ont comptabilisé 1787 abonnements sur l’ensemble de la saison. Depuis le début de la billetterie en juin 2023, 1.700 abonnements ont déjà été vendus, avec une moyenne de 10 à 12 places par abonné.
«Les indicateurs sont bons. Pour nous, ce sont de bonnes nouvelles et on les savoure. D’autant qu’il y a déjà plusieurs spectacles complets sur les deux sites, le Théâtre et le Mediator. On démarre avec une énergie de dingue et l’envie de partager ce que nous avons imaginé. Le cœur de notre métier est de favoriser cette rencontre entre le geste artistique et les publics. Nous voulons que tout le monde puisse, comme nous, vivre ces belles émotions. Et nous constatons un vrai élan du public pour les spectacles proposés.»
Julien Bieules, responsable des musiques actuelles, est quant à lui également satisfait du contexte de cette rentrée. Et notamment avec le lancement d’une nouvelle saison des jeudis du Médiator qui en 2023 ne sont plus free, mais solidaires. Malgré la concurrence de la coupe du monde de rugby, le premier jeudi de la saison a réuni 300 personnes. Concernant les têtes d’affiche, IAM et LEJ sont déjà complets, MC Solaar le sera bientôt.
Instagram amènent-ils le public dans les salles de spectacles de Perpignan ?
L’image d’Épinal où seules les têtes aux cheveux gris dépassent les travées a la vie dure. Mais selon Jackie Surjus, les récits de vie qu’ils soient dansés ou déclamés attirent un public plus large. La directrice de présenter le théâtre documentaire du scénariste algérien Ahmed Madani. «Il porte la parole d’une jeunesse des quartiers populaires et il en fait un discours universel.» Si la catégorie «théâtre documentaire» peut effrayer le public, il n’en est rien car les deux dates de sa pièce «Au nom du père» affichent complet. «Notre intention dans cette programmation est d’interroger le passé, avec Iphigénie* ou Tartuffe** pour faire écho à l’avenir et ce que l’on vit aujourd’hui.»
Le public plus jeune serait-il en passe de lâcher son smartphone pour venir au spectacle vivant ? Pour Jackie Surjus, il est important que le public des théâtres ressemble à la diversité de la population. Dès les premiers jours du confinement, Mehdi Kerkouche et sa compagnie ont réalisé une chorégraphie diffusée sur Instagram. Succès immédiat et frissons garantis face à ces danseurs qui malgré l’enfermement se filment dans leur salon. Désormais, cette danse née dans la rue et sur les réseaux sociaux intègre les lieux plus classiques du spectacle vivant. «En inscrivant ces histoires artistiques dans nos lieux, nous attirons un nouveau public. C’est pour cela que la saison a un peu changé dans sa construction.» Mehdi Kerkouche se produira le 18 avril 2024 au grenat de l’Archipel de Perpignan.
Le théâtre serait-il devenu accessible à tous ?
À la réputation inaccessible, tant en termes de codes que de tarifs de la billetterie, Jackie Surjus tient à tordre le cou à ce qu’elle affirme être une idée reçue. «Nous avons des places entre 10 et 12€, mais ce sont des messages qui sont difficiles à faire passer car les gens pensent que ce n’est pas pour eux.»
Les spectateurs sont-ils prêts à découvrir le théâtre de l’Archipel ? Jackie Surjus le concède, parfois les gens peuvent être impressionnés par le lieu. Qu’à cela ne tienne, la nouvelle directrice a décidé d’en faire un objet nomade. «J’ai un projet de cirque avec la compagnie Aïtal. Ils viennent de Toulouse et ont créé un spectacle en forme de campement. Les spectateurs entrent par les caravanes et s’assoient en cercle autour de la piste.» Ce cirque aurait pu prendre place sur le parvis de l’Archipel, mais Jackie Surjus a choisi de s’installer à la Casa Musicale. «Cela a plus de sens, et nous allons rencontrer un nouveau public.» «À ciel ouvert» par le Cirque Aïtal se tiendra du 9 au 12 mai à La Casa Musicale.
L’Archipel se fera encore plus nomade la saison prochaine. «Nous allons beaucoup nous délocaliser sur le territoire, Céret, Port-Vendres.»
*Iphigénie de Tiago Rodrigues et Anne Théron se tient le 13 octobre à l’Archipel. Quant au Tartuffe de Molière revisité par Guillaume Séverac-Schmitz se dévoile du 30 janvier au 1er février 2024.
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