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Démantèlement de la jungle de Calais – Bilan à J+120 dans les Pyrénées Orientales

Article mis à jour le 26 janvier 2021 à 02:14

En novembre 2016, le camp de migrants et de réfugiés installés aux abords du tunnel sous la manche, surnommé la jungle, a été démantelé. L’État français a organisé et pris en charge près de 7.000 personnes désireuses de rejoindre le Royaume Uni. Parmi ces réfugiés, 68 personnes ont été accueillies dans notre département. Bilan sur la situation à 10 jours de la fermeture du centre d’accueil mis à disposition pour l’opération.

« Ils ont dû faire le deuil de leur rêve anglais », indiquait le sous-préfet Laurent Alaton

En majorité anglophone, quoi de plus légitime que de vouloir rejoindre le Royaume Uni, où de nombreux de leurs compatriotes ont déjà pu s’installer pour tenter de reconstruite une vie interrompue.

« Au départ, on voulait aller en Angleterre, on nous avait dit qu’en étant jeune, c’était plus simple, alors on a changé notre âge. On était tellement mal dans la jungle. Aujourd’hui, on veut rester en France. On dit, maintenant, toute la vérité sur notre histoire et notre âge »

C’est suite au refus catégorique des autorités britanniques que « la stratégie de survie s’est mise en place », indiquait une personne de l’Association Catalane d’Action et de Liaison. L’ACAL66, a organisé l’accueil et le soutien aux migrants depuis leur arrivée de Calais. « Les associations à Calais leur ont conseillé de se déclarer mineurs (le Foreign Office n’acceptait plus que l’étude des dossiers des mineurs isolés). C’est à leur arrivée en novembre et surtout le départ pour l’Angleterre de seulement 16 d’entre eux que la situation a commencé à évoluer. Les réfugiés étaient en contact avec d’autres centres d’accueil, où les dossiers étaient traités plus rapidement, ils s’interrogeaient sur les délais anormalement longs de leur cas. Nous leur avons expliqué que le traitement en tant que mineurs était plus long et pas forcément porteur d’espoirs pour leur départ en Angleterre. La situation s’est enfin débloquée. Alors que nous avions face à nous un groupe très soudé autour d’un secret, tout à coup quelques-uns ont choisi de se libérer de ce poids et enfin le dialogue et l’échange a pu commencer ».

Dès le mois de février, les 46 jeunes hommes accueillis à Sainte Marie « étaient nettement plus assidus et plus investis après la révélation de leur secret », confiait Alvaro, bénévole qui assure les cours de français. « Comme s’ils arrivaient enfin à entrevoir un avenir durable en France » expliquait une encadrante de l’ACAL.

♦ Une prise en charge différente depuis qu’ils ne sont plus des mineurs

Nicole Schwal, Directrice adjointe de l’ACAL, « aujourd’hui, on est dans une prise en charge pour majeurs, avec moins d’encadrement. Avec un public de majeurs, on se concentre sur la demande d’asile qui est une procédure complexe mais qui est moins engageante (en moyens humains et en procédures) par rapport à un mineur ». 

 « I want to save my life »

Yadaf est le premier de ses 5 frères et sœurs à avoir fui le pays après les manifestations de 2015. « J’ai fui en passant par le Soudan, la Lybie, puis la Méditerranée à bord d’un bateau. Je suis resté en Italie durant 40 jours puis j’ai pris la direction de l’Angleterre. Je suis resté dans la jungle de Calais durant 6 mois et j’ai tenté chaque jour et chaque nuit de traverser vers le Royaume Uni. Maintenant, je crois que je peux refaire une vie, ici en France, reprendre mes études en science et pouvoir enfin revivre sans avoir peur ».


Nous avions rencontré Abdi, seulement quelques jours après son arrivée après le démantèlement de la jungle. Abdi faisait partie des 33 jeunes accueillis à Bolquère, et à l’écoute de son récit de vie, on ne pouvait que s’interroger. Aujourd’hui, Abdi est l’un des 16 mineurs qui ont été pris en charge par le Foreign Office anglais et deux par l’aide sociale à l’enfance française.

♦ Retour sur l’incident en décembre 2016

Nous avons pu revenir avec Sufyen sur l’incident qui avait en décembre dernier provoqué un certain émoi, à la lecture du communiqué de presse du Front National local. Sufyen nous a confié que, contrairement à ce qu’il a été dit, ce n’est pas la frustration du départ en Angleterre qui était à l’origine de la tension régnant au CCAS de Ste Marie. C’est surtout le fait que « L’interprète dépêchée par le HCR, ne parlait pas oromo, mais la langue de ceux qui nous oppressent dans notre pays, c’est pour cela que nous nous sommes sentis mal ». 

♦ Et après ?

La prochaine étape intervient dès la semaine prochaine avec l’étude des dossiers au cas par cas par les fonctionnaires de l’OFPRA. Ensuite, ils seront répartis dans d’autres centres d’accueil de la région, en attendant la décision sur leur demande d’asile. Une perspective qui inquiète les réfugiés qui après avoir vécu, le froid, les dangers de la jungle, se sentaient enfin en sécurité depuis leur arrivée à Ste Marie la Mer.

♦ Les Oromos, une ethnie toujours en danger

Selon Laurent Alaton, sous préfet de Prades, « sans vouloir préjuger du travail de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, les Oromos sont une ethnie dont les besoins de protection sont connus ».

Les oromos vivent essentiellement en Éthiopie et au nord du Kenya, représentant selon le dernier chiffre plus de 32% de la population éthiopienne. En novembre 2015, des manifestations d’ampleur considérable ont conduit à une répression violente de la part des autorités éthiopiennes. Selon un rapport du Human Right Watch, 400 personnes ont été tués lors des mouvements de protestation des oromos. « Les forces de sécurité éthiopiennes ont tué par balles des centaines d’étudiants, d’agriculteurs et d’autres manifestants pacifiques, avec un dédain flagrant de la vie humaine » déclarait Leslie Lefkow, directrice adjointe de la division africaine de Human Right Watch. 

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Maïté Torres