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CatEnR : une coopérative catalane pour une énergie locale et renouvelable

ILLUSTRATION PANNEAUX PHOTOVOLTAIQUES

Article mis à jour le 18 avril 2023 à 12:13

Forte de près de 300 sociétaires, l’entreprise aménage et mène des chantiers d’installation de panneaux photovoltaïques sur l’ensemble du département des Pyrénées-Orientales via le financement participatif.

Créée en 2014, elle a déjà réalisé plus de 16 projets, et vient de signer deux nouveaux chantiers à Estagel et Pia. Retour sur une success story catalane centrée sur le collectif.

Nous sommes en 2005, à l’université de Perpignan. Bertrand Rodriguez, actuel directeur général de CatEnR – qui n’existe pas encore – est étudiant.

Avec ses amis, il est sidéré du décalage entre le contenu de leurs cours au sein du nouveau Master Énergie solaire et la réalité des locaux de la faculté perpignanaise : « On faisait des cours d’habitat bioclimatique dans des préfabriqués où il y avait des trous dans les fenêtres, c’était des passoires plus que thermiques. La fac était notre lieu de vie et on se disait que rien n’allait, des bâtiments à la gestion des déchets, ce n’était pas en cohérence avec les sujets qui nous animaient autour de la transition écologique. »

La bande crée alors l’association Énergie Citoyenne, qui atteint vite les 300 adhérents et lance plusieurs actions. Un jardin potager est aménagé au sein de l’université, ainsi qu’un atelier de réparation de vélo (qui deviendra la Casa Bicycletta). La Semaine de l’environnement est lancée, avec ses rencontres et ses ateliers. C’est au cours d’une de ces conférences que se rencontrent les co-fondateurs de CatEnR.

« Vers 2012 en France, de nombreux acteurs de l’énergie citoyenne ont commencé à se fédérer. On s’est créé en s’inspirant fortement de ce qui se faisait ailleurs », se rappelle Bertrand Rodriguez la veille de l’inauguration des nouveaux locaux de CatEnR au Mas Guérido. « On voulait être l’élément organisationnel manquant qui pourrait être le porteur de projet, fédérer les forces vives locales. »

Les membres de CatEnR partent d’un constat : le passage au tout renouvelable loin d’être une chimère, est possible.

« Avec toutes nos connaissances, on pourrait être à 100% d’énergies renouvelables en France, alors qu’on peine à dépasser les 30%, » explique Bertrand Rodriguez. Dans son dernier scénario paru en octobre dernier, l’association négaWatt parie elle-même sur la neutralité carbone d’ici 2050, à condition de s’appuyer à 96% sur des ressources énergétiques renouvelables. Une transition énergétique radicale qui ne pourra pas se faire sans les habitants.

Fort de ces données, CatEnR se lance avec un premier chantier en 2014, un boulanger à Elne qui veut installer des panneaux solaires sur son toit. 50 000€ sont récoltés auprès de cinquante personnes qui deviennent les premiers sociétaires.

Le mode de la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) empêche en effet quiconque de devenir majoritaire au sein de l’entreprise, qui appartient à tous ses membres à parts égales, qu’ils soient des particuliers ou des collectivités. Les projets s’enchaînent rapidement, essentiellement du photovoltaïque, mais aussi un peu d’éolien, comme au Fort de la Galline à Port-Vendres. 

« CatEnR est le développeur du projet, et la particularité c’est que ce développement se fait de manière participative », précise le directeur général. Ainsi, plusieurs options existent…

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Soutenir la transition énergétique grâce à une finance solidaire et éthique

D’abord ceux qui le souhaitent peuvent participer à hauteur de 100€ minimum (la valeur d’une part sociale au sein de la coopérative) lors des campagnes de financement ouvertes pour chaque chantier. Mais un sociétaire peut aussi ouvrir un compte courant au sein de CatEnR, et obtenir ainsi un retour sur investissement allant jusqu’à 3,5% bruts par an. Une épargne verte qui vous est ensuite rendue au bout de plusieurs années, avec les intérêts. Bertrand Rodriguez précise: « Il y a ceux qui ciblent leur argent vers un projet, d’autres qui le font pour des causes environnementales locales, ou pour s’impliquer.

Puis, il y a le love money Par exemple, celui qui vient prendre des cours de danse au foyer de Maureillas (CatEnR a fait installer deux toitures photovoltaïques sur le foyer de Maureillas-las-Illas, ndlr), ou ceux qui considèrent l’énergie comme un outil de travail. Du coup, il y a beaucoup de gens qui ont envie de soutenir un projet ou un service, comme une école. Ils peuvent alors flécher leur investissement. »

Ensuite la coopérative mène les consultations et études nécessaires pour obtenir les autorisations, et devient le maître d’ouvrage. Elle choisit les entreprises de construction, implantées autant que possible sur le territoire, et coordonne le chantier jusqu’au bout. Ce modèle permet aux habitants de se saisir du sujet de la transition énergétique et d’agir à leur échelle.

La coopérative verse un loyer aux bénéficiaires du projet pour l’espace occupé par les panneaux solaires. Ces derniers peuvent devenir sociétaires et contribuer, mais il n’y a aucune obligation. « Nous, on a un rendement financier, et tout ce qu’il y a au-dessus on le verse aux propriétaires », précise Bertrand. CatEnR a aussi fait le choix de ne pas faire de bénéfices. « Nos résultats sont placés en réserve au service de l’utilité sociale ».

Gilles Baratoux, co-fondateur de la coopérative et président de CatEnR complète : « Contrairement à la grande majorité des entreprises qui font du développement, on ne fait pas de bénéfices et on ne distribue pas de dividendes ; on réinvestit tout dans l’activité, c’est pour ça qu’on a une croissance assez rapide. »

Parfois les sociétaires sont invités à donner leur avis.

Comme lorsque CatEnR a été sollicitée par les communes de Brouilla et Banyuls-dels-Aspres pour coordonner l’installation de plusieurs éoliennes, projet qui a rencontré une certaine opposition locale. Certes, CatEnR est co-développeur avec Engie sur cette opération, mais la coopérative perpignanaise reste à la manœuvre. « En cas de co-développement, on veut rester à la gouvernance », ajoute Bertrand Rodriguez.

Jusqu’à présent, ce sont essentiellement des collectivités et des professionnels, comme des artisans ou agriculteurs, qui ont fait appel à CatEnR pour faire installer des panneaux solaires et ainsi devenir plus autonomes en énergie. À l’avenir, Bertrand Rodriguez n’exclut pas que les particuliers entrent dans la danse, si le chantier permet à plusieurs foyers de bénéficier de l’énergie renouvelable « à l’échelle d’un quartier par exemple. On ne fait que des projets qui ont une vocation collective et qui sont en phase avec notre vision de la transition écologique et citoyenne. Si demain la ferme des mille vaches nous appelle, on ne va pas y aller. »

CatEnR réfléchit aussi à se diversifier. « 2023 est l’année de la transition, 2024-2025 sera l’année de grands projets », poursuit Gilles. « On réfléchit aussi à la méthanisation, la production de gaz à partir de déchets ; on veut aussi s’orienter vers la géothermie et l’hydroélectricité nous intéresse. »

Dans le département en tout cas, les projets essaiment. Dernièrement la commune d’Estagel a sollicité CatEnR pour l’installation de toitures et d’ombrières photovoltaïques. Un chantier est aussi prévu chez un garagiste de Pia, pour un montant de 70.000 €. Aux sceptiques qui trouveraient que tous ces chantiers sont une goutte d’eau dans l’océan de la transition énergétique, Bertrand Rodriguez a une réponse toute prête: « On peut voir ça comme une goutte d’eau dans l’océan, ou comme une goutte d’huile qui dégrippe un rouage… Mieux vaut le faire aujourd’hui de manière choisie et heureuse plutôt que demain de manière malheureuse et subie. »

Note de la rédaction : La journaliste ayant rédigé cet article est elle-même sociétaire de la coopérative via un compte courant ouvert pour financer la réfection de la toiture de l’école d’Opoul-Périllos.

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Alice Fabre