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Chronique | À l’école Pasteur : apprendre à trouver sa « voix » radio

MEDIACLIC ECOLE PRIMAIRE RESIDENCE JOURNALISTES

Alice et Barbara continuent leur résidence à l’école Pasteur de Perpignan. Elles initient les élèves du CE2 au CM2 au journalisme et en particulier à la radio. Objectif : qu’ils réalisent des cartes postales sonores pendant les semaines d’activités et de classe verte à la fin de l’année.

La date du départ approche à grand pas. La séance du mois est consacrée à la prise en main de l’enregistreur, et à des exercices de voix pour mieux parler à radio.

Quelle joie de retrouver notre petit public de primaire !

Le mois de mars nous aura plongées, Barbara et moi-même, dans les affres du secondaire. Nous avons entraperçu la machine d’organisation que représente le collège, avec ses emplois du temps kafkaïens, ses équipes parfois usées et dépassées, et ses problématiques internes. Et puis surtout, nous avons pour la première fois été réellement en contact avec des collégiens de la 6e à la 3e qui, s’ils sont tous et toutes dotés de personnalités différentes, ont en commun le fait de traverser cette période compliquée et ingrate de l’adolescence, avec l’agitation qui va avec, et la peur panique du regard de l’autre.

Aussi avons-nous été ravies de retrouver la spontanéité et la franchise des enfants. Là où vous apprenez par l’intermédiaire d’un prof que les ados ont adoré l’atelier radio et qu’ils en redemandent (alors que face à vous ils ne faisaient preuve d’aucun intérêt particulier si ce n’est un vague soupir d’ennui), les enfants se rapprochent de vous les yeux pétillant en exprimant leur joie de découvrir quelque chose de nouveau. Tout cela n’est sûrement qu’une histoire d’ego, mais je l’assume, ça fait du bien d’avoir des retours directs sur son travail par les premiers concernés.

Et puis ça fait plaisir d’entendre des « Alice ! Barbara ! » à tout bout de champ dans les couloirs, et de retrouver des visages connus et souriants dans la salle des maîtresses, sans avoir à expliquer une énième fois qui nous sommes et ce que nous venons faire ici.

Ainsi nous voilà devant les élèves, équipées d’une dizaine de petits outils noir et gris : les fameux micros et enregistreurs avec lesquels ils vont réaliser leurs cartes postales sonores d’ici moins d’un mois.

Avant, nous devons les avertir de certaines règles, pour que leurs reportages puissent être bien audibles. Parmi ces avertissements, le risque de saturation, ou de faire parler son interlocuteur trop près du micro et donc de rendre le son désagréable et inutilisable. « C’est comme s’il y avait de l’eau pétillante dans le son », souligne un garçon. « Euh… oui c’est un peu ça ». Un bon instituteur m’a dit un jour que ceux qui ont les meilleurs mots pour transmettre une idée sont les enfants eux-mêmes. Qu’il fallait être à l’écoute des termes qu’ils emploient, et les réutiliser pour leurs camarades. Me voilà donc à reprendre cette même image dans les autres classes, et à constater qu’elle fonctionne bien (Alice découvre la pédagogie, épisode 35).

Le choix des mots me fait toujours souci, car je réalise devant chaque groupe d’élèves les malentendus et les incompréhensions que génèrent certaines consignes. Par exemple le mot « faire ». Lors d’un atelier, je demande aux enfants d’enregistrer des sons d’ambiance, bruits caractéristiques de l’école : un sac à dos, une trousse, la craie sur un tableau noir… Dans mon élan, je leur dis « vous devez aller me faire des sons… Tiens, vous vous aurez le classeur, vous la chaise, vous la porte. » Tous me regardent, des points d’interrogation à la place des yeux. « Mais comment on fait le classeur ? On doit l’imiter ? ». Je soupire. Évidemment que « faire un son » n’a pas la même signification pour moi, journaliste radio, que pour eux, qui ne l’écoutent jamais. Voilà un tic de langage qu’il faut que je corrige.

Pendant ce temps, Barbara est dans le studio et apprend aux élèves à trouver leur « voix » radio.

Nous en avons tous et toutes une au fond de nous, il nous faut juste les bons outils pour la dénicher. On commence par la diction, car bien articuler ralenti naturellement le débit de paroles. Pour cela, rien ne vaut que des traditionnels virelangues, des « chaussettes de l’archiduchesse » à « pourquoi Pépita sans répit m’épies-tu », et en plus ça permet d’apprendre des nouveaux mots. Puis on les encourage à parler avec conviction, comme s’ils faisaient du théâtre. « Imaginez que vous devez dire cette phrase à votre mère, père, grand-mère, cousine… bref quelqu’un de votre famille mais qui ne vous écoute pas toujours, et qui ne vous prête pas beaucoup d’attention. » Souvent ils voient exactement de quoi on parle, et le ton qu’ils prennent alors sent le vécu.

Et puis la magie opère. Le visage qui s’illumine quand untel met le casque sur ses oreilles, allume l’enregistreur, et entend tous les sons amplifiés autour de lui. C’est un moment unique, même pour les adultes. Toujours l’élève sourit jusqu’aux oreilles, sautant sur place d’excitation. Je les regarde d’un air attendri, en les voyant en groupe en train de triturer la fermeture éclair des sacs ou dessiner à la craie au tableau, le micro pointé vers l’action pour en saisir le son, puis courant vers moi tout en joie, comme s’ils entendaient vraiment pour la première fois. Ensemble, nous réécoutons leurs œuvres, et ils sont surpris de réaliser qu’un son de pas dans la terre peut davantage évoquer un troupeau de vaches que des pieds d’enfants. Le voilà, le pouvoir de la radio.

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Alice Fabre