À quelques semaines du solstice, le musée d’art moderne de Collioure dévoile sa nouvelle exposition estivale. Intitulée « Plein soleil », elle réunit des œuvres d’artistes nationaux et internationaux qui ont représenté Collioure de 1945 à 1985, bien avant que la Cité des Peintres ne devienne qu’un lieu touristique.
L’exposition temporaire du musée de Collioure est à découvrir du 8 juin au 29 septembre. Elle présente des « artistes désireux de renouer avec le plaisir de la création et une certaine insouciance ».
Willy Mucha, le Colliourencque d’adoption
À Collioure, Willy Mucha symbolise une histoire d’amour. Celle d’un étranger sans attache qui découvre Collioure par hasard et revient s’y installer avec sa femme en 1943. Collioure devient alors une obsession et le lieu de sa quête de liberté.
La vraie liberté, c’est celle que j’éprouve lorsque mon regard se perd sur les toits de Collioure… Avant Collioure, peindre était ma religion. À Collioure, j’ai découvert ma raison de vivre.
Willy Mucha
À gauche : Willy Mucha Les Raies, 1943 Huile sur toile, 65 × 55 cm. À droite : Willy Mucha Collioure, 1948 Huile sur toile, 97 × 130 cm.
Collection particulière ©François Pons © Adagp, Paris, 2024
Mucha aime représenter les Catalanes vêtues de noir. De nombreux artistes viennent lui rendre visite durant la saison estivale. C’est le cas de Lucien Coutaud, Edouard Pignon ou encore Max Ernst qui laisseront une trace dans le Livre d’Or de Mucha.
L’Hostellerie des Templiers soutient les peintres à Collioure
Un problème plane sur la belle ville de Collioure : les artistes qui déambulent près du petit port ou les intellectuels qui troublent la vie paisible de la commune ne sont pas les bienvenus. Heureusement, René et Pauline Pous, amateurs d’art et propriétaires du café restaurant l’Hostellerie des Templiers, tiendront eux aussi un Livre d’Or. Les toiles des amis artistes sont accrochées dans le café familial. Les Templiers deviennent un lieu de créativité débridée. Willy Mucha y réalisera même l’enseigne en ferronnerie et la mosaïque en façade.
Les couleurs de Collioure attirent les peintres dès les années 1950
Tous les artistes n’ont qu’une seule envie : quitter la région parisienne pour faire émerger de jeunes talents à Collioure. René Pous et Camille Descossy montent alors un projet culturel important : l’un crée le Prix Colioure et l’autre fonde la Casa Roselló. Les artistes sont invités à séjourner à Collioure pour s’inspirer de la ville.
Peu à peu, un écosystème culturel se crée. Mené par un réseau d’artistes-enseignants prêts à encourager les jeunes talents. Collioure profite de cette effervescence artistique. Mais un changement est en train de s’opérer. Et Collioure n’est plus seulement une ville où les artistes créent, ils viennent aussi s’y divertir. Balbino Giner en est le meilleur exemple. L’art cède à la facilité et le ciel de Collioure commence à s’obscurcir.
Fin de la pêche au lamparo et avènement du tourisme
« L’heure bleue » désigne ce moment où le bleu du ciel s’obscurcit avant que n’arrive la nuit. En 1962, l’indépendance de l’Algérie modifie le fragile équilibre du secteur de la pêche. La Côte Vermeille voit l’arrivée des pieds-noirs et la pêche moderne au chalutier s’installe à Port-Vendres. La pêche traditionnelle au lamparo disparaît et le tourisme commence à se développer.
Selon les responsables de l’exposition, « en 1968, dans un immense feu de joie brûlent les barques pour libérer la plage et faire de la place au tourisme naissant. Le port de pêche devient station balnéaire, l’authenticité se mue en folklore et les artistes désertent la ville. »
Et lorsque la Cité des Peintres retrouve son calme, les artistes comme Camille Descossy, Sébastienne Marre ou Claude Muchir en profitent pour produire des images sensibles et immobiles. « Les plages se vident, les couleurs passent, le ciel s’assombrit car l’évidence est là : le soleil se couche aussi à Collioure », précise le musée d’art moderne.
L’art transforme la perle de la Côte Vermeille
Dans les années 1960, le changement de Collioure est déjà palpable. La commune ne vit plus de la mer mais du soleil. La décennie suivante le confirme : la pêche décline et les artistes qui ont fait la réputation de Collioure disparaissent. L’aménagement touristique du littoral s’emballe. Gaston Pams, maire d’Argelès à l’époque, fait de sa commune la capitale de l’hôtellerie de plein-air tout en continuant d’habiter dans la ville à Collioure, aujourd’hui devenue un musée.
Les artistes ne représentent plus les pêcheurs mais les baigneurs et les vacanciers qui viennent passer l’été sous le soleil de Collioure. Mais beaucoup choisissent de ne pas représenter les couleurs des serviettes et parasols. Le départ des pêcheurs aurait-il entraîné celui des couleurs ?
Le tournant de l’année 1985 à Collioure
1985 s’affiche comme un tournant puisque le nouveau musée d’Art moderne est inauguré. Un projet porté par Jojo Pous, Willy Mucha et Jean-Jacques Prolongeau. Ils réussissent à convaincre la commune d’acheter la villa Pams pour la transformer en musée.
Le lieu ouvre avec une exposition hommage consacrée à René Perrot, Balbino Giner et Camille Descossy. Une façon de garder une trace de la période heureuse de Collioure. La directrice, Joséphine Matamoros, veut donner envie à la nouvelle génération d’artistes de pénétrer dans ce musée. Nombre d’entre eux ont été les élèves de Camille Descossy et se retrouvent au sein du mouvement Supports-Surfaces.
Grâce à Claude Viallet et Vincent Bioulès, l’histoire de Collioure se poursuit ; les artistes utilisent des matériaux différents pour peindre : le filet de pêche devient le pinceau et le parasol fait office de toile.
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