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Comment s’est armé l’hôpital de Perpignan face au Coronavirus ? Retour en questions sur un mois de crise sanitaire

Image d'illustration © Centre Hospitalier Perpignan

Article mis à jour le 21 août 2020 à 12:34

Chaque soir, les chiffres fournis par l’Agence Régionale de Santé montrent une stabilisation à ce jour du nombre de personnes hospitalisées à Perpignan à cause du Coronavirus. Ce lundi 6 avril, 134 patients diagnostiqués Covid-19 sont pris en charge à l’hôpital de Perpignan, dont 31 dans le service de réanimation ; un chiffre très en dessous du pic observé dans les Pyrénées-Orientales le mardi 31 mars. Ce jour-là, 164 patients étaient soignés au centre hospitalier Saint-Jean presque entièrement dédié au Covid-19.

Malgré cette relative accalmie dans l’épidémie, le responsable du service des maladies infectieuses reste prudent. « Le nombre d’hospitalisations est compensé par le nombre de sorties. Nous avons aussi augmenté la durée de séjour, entre 10 et 12 jours ; ce qui entraîne une légère hausse du nombre d’hospitalisations depuis le 2 avril. Cette hausse correspondrait aussi avec ce qui a été constaté à l’échelle nationale ».

Retour en questions sur un mois de crise sanitaire avec les équipes de l’hôpital de Perpignan. Images d’illustration © AP-HP

♦ Quel est le nombre de lits disponibles au centre hospitalier de Perpignan ?

« 24 lits de réanimation en temps normal, 55 aujourd’hui disponibles au total ; et nous pouvons montrer jusqu’à 70 lits de réanimation. Nous avons vidé en quelques jours 130 lits de médecine pour les réserver aux patients Covid-19. Une capacité qui peut aller jusqu’à 361 lits si besoin. »

« Il a fallu organiser notre approvisionnement en équipement de protection pour nos patients, pour nos personnels ; et pour tous les établissements du département. Une grande mobilisation des équipes, et une extraordinaire solidarité. Les horaires ont évolué, les équipes ont changé de service, et des médecins ont changé de spécialités. Actuellement, nous avons des chirurgiens qui participent à la régulation du SAMU. »

♦ « À Perpignan, nous avons un coup d’avance sur l’épidémie »

Sur le plan de la gestion et de l’épidémiologie, Hugues Aumaitre souligne d’emblée l’extraordinaire élan qui a animé tous les personnels pour pouvoir offrir aux patients une prise en charge optimale dès le départ ; ainsi qu’un dispositif dimensionné à l’amplitude de l’épidémie.

« On a un coup d’avance ; et je suis de plus en plus convaincu que ce coup d’avance nous permet de maintenir l’hôpital dans un état d’organisation et de fonctionnement tout à fait correct. Ce qui n’est pas toujours le cas sur certains d’établissements. À Perpignan, nous avons cette opportunité. »

« On le doit à l’identification très précoce d’un phénomène épidémiologique très aiguë au départ ; avec l’admission d’une vingtaine de patients en réanimation en quelques jours. Ce qui nous a fait très vite toucher du doigt l’intensité du phénomène épidémique. Nous nous sommes mobilisés pour avoir autant de réanimations et de lits disponibles que possible. Cela nous a aussi permis de réfléchir à la gestion des patients en amont ; c’est-à-dire avant l’hospitalisation, et ainsi participer activement à la mise en place des centres de consultation ambulatoires. Ce qui a favorisé une bonne régulation des patients dans l’épidémie. »

« Et autour un point également capital, la bonne information, la baisse du problème d’anxiété, d’angoisse  dans la population ; et ce en amenant en proximité des populations des centres de consultations tenus par leur personnel soignant habituel. Le troisième élément est la mise en place de ce dispositif en aval de l’hospitalisation. Cet hôtel permet à des gens en post-hospitalier d’être confinés dans des conditions acceptables ; tout en gardant à l’hôpital les places nécessaires pour de nouveaux patients. »

♦ Comment cette épidémie du Covid-19 a-t-elle évolué dans les Pyrénées-Orientales ?

« À ce jour, il est possible voire probable que nous recevions des patients d’autres régions de France voire de l’Île-de-France. Pour ce qui est de l’autre côté de la frontière, nous n’avons pas de contact pour le moment. Nous prendrons des patients en plus ; mais, pour autant, il faut qu’on arrive à mesurer notre capacité à prendre ces patients supplémentaires. »

« Ce n’est pas simple, dans la mesure où on ne prédit pas l’avenir. On va participer à l’effort dans la mesure de nos capacités humaines, de nos capacités en termes de lits et d’approvisionnement en matériels divers et variés. C’est difficile à gérer car ce sont des équations avec beaucoup d’inconnues. »

« Depuis le début de l’épidémie, notre connaissance de la maladie a évolué. Partout dans le monde, on découvre cette maladie avec laquelle on est de plus en plus à l’aise ; on maîtrise mieux les symptômes. Les patients ont également changé. Au tout début, nous avons eu des patients plutôt jeunes et plutôt obèses ; aujourd’hui, on a des personnes plus âgées. »

Cette évolution du profil des patients a également été constatée par le Docteur Ortega à la régulation.

« Nous sommes en train d’avoir une bascule des patients. Au départ, nous avions beaucoup de patients jeunes avec une symptomatologie simple : de la fièvre avec des symptômes de rhinites, des toux, de la dyspnée. Ces appels ont diminué et se sont recentrés vers des pathologies plus graves. Nous commençons à avoir des patients de plus en plus âgés et de la comorbidité. Désormais, les patients sont moins nombreux, mais un peu plus âgés, plus lourds et avec de plus en plus de pathologies graves types détresse respiratoire. Je ne peux pas affirmer que les patients hésitent à appeler, mais je pense que les patients âgés décompensent beaucoup plus rapidement. »

♦ Comment s’est organisée la mobilisation des personnels ?

Selon le responsable des Ressources Humaines, l’enjeu était triple. Il fallait permettre à l’hôpital de Perpignan de fonctionner au quotidien. Cela sous-entendait d’adapter les effectifs à l’évolution du nombre de lits ; et en fonction de la réorganisation des secteurs Covid+ et Covid-. Parallèlement sont venues se greffer les normes recommandées par le ministère. La prise en charge des patients exige désormais des temps d’habillage et de déshabillage ; ce qui modifie le nombre de professionnels nécessaire par patient.

« En gros, il fallait un binôme infirmier/aide-soignant (AS) pour 12 à 15 patients ; aujourd’hui c’est un binôme pour 10 patients. Pour la réanimation, nous sommes passés à 1 infirmier pour 2 patients, et 1 AS pour 3 patients. »

« Au-delà de cela, nous sommes préoccupés du fonctionnement pour demain. Conformément aux normes et aux actions demandées par le ministère, nous avons positionné des agents en autorisation spéciale d’absence pour qu’ils puissent avoir des temps de repos. Parce que si la situation évolue vers une augmentation des volumes, nous aurons besoin de tous les professionnels pour assurer cette prise en charge. On a plusieurs axes ; celui d’augmenter les temps de travail de ceux qui sont à temps partiel, ou d’augmenter le nombre de professionnels présents en valorisant les heures supplémentaires. Sans oublier le soutien apporté aujourd’hui par l’aide sanitaire. Nous avons 5 infirmiers et 7 AS mis à disposition par la réserve sanitaire. »

♦ Volontariat, carences, arrêts maladie, surrégime, quelle est la situation actuelle ?

« Nous avons un engagement sans faille des professionnels et un énorme élan de solidarité. Des personnels en disponibilité et des retraités (depuis moins de 5 ans) se sont spontanément portés volontaires pour venir aider leurs collègues. Aujourd’hui, notre besoin est sur des professionnels ayant des compétences et connaissances en réanimation. Car c’est là que nous avons le plus de besoins ; et que les qualifications sont indispensables pour prendre en charge les patients. »

Selon les ressources humaines de l’hôpital, les arrêts maladies liées au Covid-19 sont actuellement au nombre de 50 ; 8 médecins, 5 internes, 15 infirmières, 35 personnels non médicaux. À ces personnels s’ajoutent les 53 agents atteints par une des pathologies jugées non compatibles avec la prise en charge de patients atteints du Covid-19.

Malgré leur vigilance quotidienne, des personnels soignants ont été touchés par le Covid-19. « Trois internes sont déjà retournés au travail, aucun des médecins n’a été hospitalisé. Une infirmière a été en réanimation ; elle est désormais en hospitalisation dans le SMIT*. »

Le directeur de l’hôpital et ses équipes restent vigilants car les ennemis du « moral des troupes » sont la durée et la fatigue. « Beaucoup sont en surrégime. Même si nous avons protégé un certain nombre de personnels ». Une question qui reste en suspens : comment cela va s’inscrire dans la durée pour ces 3.500 agents ?

« Nous avons du mal à leur faire comprendre que ces temps de repos sont nécessaires pour les avoir à disposition au moment propice ; parce qu’on va avoir besoin d’eux. Il faut que les équipes se relaient pour avoir toujours des personnels performants. Surtout sur la réanimation et sur le SMIT* où des technicités sont nécessaires ; et tous les professionnels ne peuvent pas avoir. Ce sont ces professionnels que nous devons protéger. »

♦ Que dire des hospitalisations et des symptômes constatés chez les patients ?

Les durées moyennes de séjour ont évolué depuis la crise sanitaire. Initialement, les équipes du centre hospitalier ont tablé sur des durées courtes pour disposer d’un certain nombre de lits. Et quand les mesures mises en place en aval ont été opérationnelles, ces durées moyennes de séjour ont été augmentées.

« Le taux de réhospitalisation n’est pas calculable ; ce sont vraiment des histoires ponctuelles sur des pathologies non liées au Covid-19. On garde les patients jusqu’à la fin de leur oxygénothérapie. Cela rallonge un peu, surtout pour les patients qui veulent sortir plus tôt. »

« Au niveau de la maladie, et notamment chez ceux qui sont allés en réa, les personnes sont susceptibles d’avoir des séquelles pulmonaires. Pour le reste, il y a une très grande fatigue pendant la maladie qui s’estompe sur les semaines suivantes. Les symptômes d’agueusie et d’odorat diminuent en 10 jours. Nous essayons de faire sortir les patients à J10 – J12, sauf oxygénothérapie. Ils sortent fatigués et, quand ils n’ont pas eu besoin de réanimation, n’ont généralement pas trop de séquelles, voire pas de séquelle. »

♦ La fameuse Chloroquine qui fait débat, voir polémique ?

« Nous faisons le traitement avec le Plaquenil qui contient de l’hydroxychloroquine, ce n’est pas tout à fait la même chose. Parce qu’on a vu des gens s’intoxiquer par automédication ; il y a encore un message à faire passer sur le sujet. La chloroquine, non seulement ça ne marche pas, mais ça peut vous conduire à l’hôpital.« 

« Nous utilisons le Plaquenil à Perpignan depuis presque 10 jours, sans grande conviction sur son efficacité. Mais s’agissant de la situation actuelle, on nous l’a proposé. Donc on garde les patients en hospitalisation ; parce que nous voulons nous assurer que les hypothétiques avantages ne soient pas dépassés par les effets secondaires potentiels qui peuvent être très graves. »

Dans une récente vidéo à destination des Perpignanais, le docteur Olivet a reposé les choses. « Il a pu expliquer à la population qu’on ne choisissait pas les malades à qui on donnait ce médicament ; que c’était une prescription comme toute activité au quotidien d’un médecin. Et cette prescription, c’est exactement la même chose. Vous voyez un médecin, il vous examine et va vous donner tel ou tel traitement si besoin. »

 

♦ Comment et où sont effectués les tests dans les Pyrénées-Orientales ?

« Pour les tests, il y a au moins 2 endroits où a été adopté le principe du drive à Perpignan : la CLC et Médipôle. Il semble que ces tests aient une sensibilité moins bien connue que celle des tests que nous utilisons. Mais la question essentielle est de bien organiser les circuits. Nous nous organisons en ce sens avec le conseil de l’ordre et les biologistes. »

« Ce sont des tests qui vont être faits à la demande de médecins libéraux ; et l’important est le suivi des patients testés positifs. Jusqu’ici, on avait mis en place à l’hôpital un dispositif pour rappeler tous les jours  les patients positifs ; chacun ayant une date identifiée de début de symptômes. Parce que, comme vous le savez, à partir de J7, il y a des risques d’aggravations de la pathologie. Donc nous les suivons très attentivement jusqu’à J10. Au-delà et jusqu’au J15, le suivi était un peu plus lâche.

« Il est important pour nous de pouvoir associer à ces tests un suivi clinique et/ou téléphonique pour s’assurer que les patients testés positifs puissent être hospitalisés dans les meilleurs délais en cas d’aggravation. Ce point était important à caler avec nos collèges biologistes. »

♦ Quid des premiers retours à domicile et de l’évolution du nombre d’hospitalisations ?

Le centre hospitalier de Perpignan confirme que le nombre d’hospitalisations est compensé par le nombre de sorties effectives ; avec une petite ré-augmentation en fin de semaine dernière liée à la hausse de la durée du séjour. Le nombre des hospitalisations s’est donc réduit depuis le 2 avril ; une légère hausse a été récemment constatée, ce qui correspondrait à ce que l’on sait de l’épidémie et notamment à l’échelle nationale.

Le bilan dressé par l’hôpital de Perpignan fait était de 90 sorties avec suivi par téléphone, environ 150 personnes diagnostiquées Covid+ mais non hospitalisées et également suivies par téléphone. L’ensemble de ces personnes est aujourd’hui guéri.

*SMIT : Service des Maladies Infectieuses et Tropicales

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