Article mis à jour le 8 mai 2024 à 08:40
La place Gambetta demeure aux yeux des Perpignanais la place de la Cathédrale. Derrière la beauté fièrement affichée de ses façades, l’endroit renferme également quelques secrets.
Une place de briques à l’ambiance traditionnelle
En cette saison, c’est assurément en fin de journée que la place Gambetta se dévoile aux yeux du flâneur sous son jour le plus séduisant. À cette heure-ci, les façades en brique rouge de la place semblent s’embraser sous l’effet des rayons chauds du soleil. Un endroit parfaitement pittoresque qui marque par sa cohérence. À la devanture de galets et de briques de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste, fleuron de l’architecture gothique méridionale, répondent les façades orangées des bâtiments attenants.
Sur la face sud de la place (à droite lorsque l’on est tourné vers la cathédrale), nous noterons par exemple l’ancien hôtel de Monclar, sa façade de briques et de marbre ainsi que ses balcons de fer forgé. Le côté nord, était autrefois l’hôtel du Gouverneur sous Louis XIV. Le roi lui-même y logea lors de sa visite en terres catalanes nouvellement conquises.
« Nous sommes ici au cœur de ce qui a été l’embryon de la ville, Perpignan n’a pas été une ville romaine » nous rappelle le père Lefebvre, premier vicaire du diocèse Perpignan-Elne en pointant de doigt l’église Saint-Jean le Vieux, construite en 1025.
L’endroit est un passage obligé pour les touristes venus visiter la ville. Il faut dire qu’outre le patrimoine architectural la place concentre grand nombre de commerces charmants : antiquaires, fleuriste… Mais également « Les toiles du soleil », boutique de tissus traditionnels réalisés localement. « On a une manufacture de tissage de coton qui est dans le Haut-Vallespir, à Saint-Laurent-de-Cerdans, une manufacture qui a plus de 150 ans. On tisse toujours sur de vieux métiers à tisser » nous informe-t-on dans le magasin. L’enseigne, située autrefois dans la célèbre Maison Quinta, attire des clients venus de Catalogne et d’ailleurs.
La cathédrale Saint-Jean-Baptiste, cœur logique de la place
« Sur la place Gambetta, qui en fait est la place de la cathédrale… », ces quelques mots prononcés au détour d’une phrase par le père Lefebvre disent bien la place de l’édifice en ce lieu.
Pour suppléer l’église Saint-Jean le Vieux, Perpinyà, nouvellement capitale du royaume de Majorque, entend se doter d’une église à la hauteur de ses ambitions. L’édifice est entamé en 1324 par le roi de Majorque Sanç 1er, qui en pose la première pierre. C’est l’évêque d’Elne qui se charge de la deuxième. Un acte symbolique à double titre lorsque l’on sait qu’en 1601 Saint-Jean-Baptiste devint la cathédrale du diocèse au détriment d’Elne.
Gisant du roi de Majorque Sanç 1er dans la cathédrale Saint-Jean Baptiste à Perpignan
Entamée dans l’âge d’or de la ville, l’église devait initialement disposer de trois vaisseaux, c’est-à-dire d’une nef et de deux bas-côtés. Malheureusement, l’effondrement du royaume, la peste et une situation moins enviable économiquement contraignirent à revoir les plans à la baisse. Preuve de l’énormité du chantier et de sa difficile réalisation, l’édifice ne fut consacré que 185 ans après le début des travaux. C’est donc une seule nef qui est construite, mais les proportions n’en demeurent pas moins impressionnantes. La nef mesure 50 mètres de longueur, 18 de largeur, 26 de hauteur et est flanquée de 14 chapelles qui s’ajoutent aux deux présentes sur le transept.
Très bien conservée, l’histoire a tout de même amputé la façade de l’édifice de certains de ses trésors. C’est le cas de la paire de statues qui ceignaient le porche d’entrée de l’église, disparues au moment de la Révolution. Deux grandes réalisations de marbre installées en 1631. L’une était une femme casquée, allégorie combattante de la ville. L’autre représentait un vieillard vêtu d’une robe dans laquelle apparaissaient un rat, un chat, et un nourrisson partiellement dévoré. Hommage cuisant au siège et à la famine subis par la ville en 1475 qui avait valu aux Perpignanais le surnom de menjarates. De même, le parvis de la cathédrale était délimité par un parapet de marbre détruit au début du XXe siècle.
L’Église Saint-Jean le Vieux, trésor oublié
La cathédrale est un véritable pôle religieux autour duquel on retrouve le célèbre Campo Santo – cloître cimetière de plus de 60 mètres de côté – la chapelle funéraire, la chapelle du Dévot-Christ, mais également l’église Saint-Jean le Vieux.
Attenante à sa très grande petite sœur, l’église Saint-Jean le Vieux, église primitive de la ville, fut conservée malgré la construction de la cathédrale. Ensemble, elles forment un complexe église-cathédrale extrêmement rare.
Cependant, cette église demeure aujourd’hui ignorée de la plupart des Perpignanais et pour cause, elle n’est plus accessible depuis plus d’un siècle. Hérésie suprême, elle fût même transformée en centrale électrique à la fin du XIXe siècle. « Il y avait une cheminée d’usine qui dépassait de cette église… » décrit le père Lefebvre sur un ton désabusé.
Rachetée par l’État à l’entreprise Enedis en 2019, le sénateur François Calvet entend bien célébrer le millénaire du lieu en le mettant de nouveau à disposition des Perpignanais. Il faut dire qu’étonnamment, à l’intérieur, l’endroit dépouillé et figé n’a rien perdu de sa superbe. « C’est fou de penser qu’on a une église comme ça qui est invisible, inconnue… » se lamente le père Lefebvre en évoquant les hautes voûtes en pierre de l’édifice.
En attendant, il est toujours possible d’en admirer l’entrée, dans la petite cour nichée sur droite de la cathédrale. L’endroit, ceint par de coquets arcs reliant les deux édifices, est exploité en partie par la terrasse du « 17 », restaurant répertorié au Guide Michelin. L’occasion de déguster une assiette de poisson de premier choix en admirant le clocher de l’ancienne église et son carillon. Corinne, responsable du restaurant, fait partie des Perpignanais qui conservent la mémoire de ce lieu et de son histoire. Elle tient d’ailleurs à ne pas s’en réserver l’exclusivité : « Ici tout le monde peut venir pour profiter de cette porte, on a tous un droit de passage ». Perpignanaises, Perpignanais, il ne tient qu’à vous d’en profiter !
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