Article mis à jour le 10 septembre 2021 à 19:45
En tant que fidèle lecteur de Made In Perpignan, le nom de Jocelyn Ziegler ne vous est pas inconnu. Notre première rencontre ? Sa plaidoirie en demi-finale du concours d’éloquence 2016 à l’université de Perpignan. Un parcours que nous avons suivi jusqu’à la fondation de son cabinet Ziegler et Avocat. Grâce à son expertise, nous avons pu comprendre les enjeux de la crise sanitaire sur la responsabilité des gouvernants ; ou encore la notion juridique du blasphème dans l’affaire Mila.
Basé aujourd’hui à Paris, il ambitionne d’ouvrir une antenne à Perpignan. Jocelyn Ziegler intervient régulièrement dans nos colonnes pour nous expliquer le droit dans notre quotidien. Rencontre avec l’avocat dont le passage à l’université de Perpignan a changé la vie.
♦ Pourquoi l’université de Perpignan ?
J’ai eu mon baccalauréat en Franche-Comté. Ensuite s’est posée la question du lieu pour poursuivre mes études supérieures. Je pensais faire des études courtes et souhaitais découvrir un autre univers que celui dans lequel j’avais grandi. J’avais envie de sud, de plage. J’ai donc pris le chemin de l’IUT de carrières juridiques de Narbonne. Au bout d’une année, je me suis réorienté vers la faculté de droit, toujours à Narbonne.
L’univers universitaire me convenait mieux, le rythme de travail aussi. L’IUT avait un fonctionnement trop scolaire, trop similaire à celui du lycée et qui ne me correspondait plus. Je détestais le principe des devoirs. Alors qu’à l’université, je bossais pour moi. Et si je ne voulais pas bosser, je ne bossais pas ; mais j’en assumais les conséquences.
Après Narbonne, il a fallu choisir le master. J’ai hésité ente Montpellier et Perpignan, puis j’ai décidé de venir à Perpignan et de m’inscrire en master de droit public.
Au campus de Perpignan, j’avais l’impression d’étudier au cœur d’une mini-forêt. C’est le campus, la pinède et ses écureuils qui m’ont convaincu de poursuivre mes études à Perpignan. Lors de l’inscription, je m’imaginais déjà étudier dans ce parc arboré.
♦ Le concours d’éloquence et votre investissement dans le milieu associatif ?
Durant mon master, j’ai découvert la vie associative de l’Université et notamment le concours d’éloquence. J’y ai participé à deux reprises. La 2ème fois, jusqu’en finale. J’ai pris conscience de ma capacité à faire passer un message. Je me suis aussi beaucoup investi dans l’association des juristes de Perpignan ; j’en étais devenu le président. L’association avait vocation à organiser la vie associative des étudiants en droit de l’UPVD et d’organiser par exemple le concours d’éloquence ou de mettre en place une bourse aux livres. Notre volonté était de remettre de la vie au centre de ce campus qui s’y prête fort bien. Et à l’époque où j’étais à l’UPVD, on s’en sortait pas mal. Aujourd’hui, avec la Covid…
Mon implication dans cette association m’a permis de voir bien au-delà du milieu des études juridiques. Je me suis fait plein de connaissances dans des milieux totalement différents. Cela m’a ouvert un autre monde, une autre réflexion, de nouvelles perspectives.
J’ai compris que l’univers universitaire ne se limitait pas aux études. Réussir, c’était aussi se faire de nouveaux contacts, développer son réseau, générer des échanges. J’ai compris que la construction d’un réseau était essentielle, et ça, je l’ai appris à Perpignan.
♦ Du réseau à l’envie d’entreprendre
Ce réseau créé à Perpignan m’a beaucoup servi et me sert encore. À la fin de mes études, quand on faisait appel à des freelances, des conseils juridiques, on faisait déjà appel à moi par le biais du réseau que je m’étais construit. Cela me permettait de m’exercer sur des cas pratiques, c’était la réalité et plus la théorie apprise dans les livres de droit.
Avant d’arriver à Perpignan, j’étais plutôt timide et réservé ; à Perpignan je me suis sociabilisé. C’est aussi grâce à ce que j’ai appris en préparant le concours d’éloquence. Ce concours m’a permis d’acquérir une petite notoriété. Avant, j’étais un étudiant parmi d’autres, ensuite on a mis ma photo sur le mur de l’université. Et ça, ça a été une immense fierté !
C’est aussi à Perpignan qu’est née mon envie d’entreprendre. Aujourd’hui, je crois que le rôle de l’université est de permettre à l’étudiant d’obtenir un diplôme, un savoir, mais aussi et surtout de se construire un réseau. Je crois qu’en 5 ans d’études, parmi les acquisitions, le diplôme est nécessaire mais pas suffisant.
♦ L’art oratoire une école de la vie
Tous les étudiants en droit, et même au–delà des disciplines juridiques devraient s’essayer à l’éloquence. Que vous vouliez devenir avocat, notaire, magistrat ou médecin, la communication verbale est primordiale. N’importe quel métier en relation avec un public devrait apprendre l’éloquence. Malheureusement, on ne nous enseigne pas la communication durant nos études. Mais durant les préparations au concours d’éloquence, vous apprenez à faire passer un message avec des mots ; mais aussi grâce au langage non verbal, la posture face à l’auditoire. Comment se comporter face à un public, c’est un élément central.
Le concours d’éloquence m’a appris à parler en public. Même si je ne m’en sers pas dans mon domaine juridique, le droit public, j’ai compris que j’étais capable de faire passer un message à la personne en face de moi. En utilisant diverses méthodes, l’humour, le silence, le ton est très important dans le discours.
Le concours d’éloquence enseigne la maîtrise du stress. Il y a des situations où il faut faire passer un message avec des mots qui peuvent être plus soutenus ; les mots permettent de canaliser la colère. La préparation au concours m’a également permis d’enrichir considérablement mon vocabulaire. Maintenant quand je veux exprimer une idée, je possède les mots exacts pour la développer et l’expliquer. L’art oratoire permet aussi de mettre des mots sur ses émotions, ainsi elles ne débordent pas.
[NDLR : Bernard Perier est avocat et enseignant français spécialiste de l’art oratoire. Il a notamment écrit aux éditions Lattés « La parole est un sport de combat »].
♦ Et après Perpignan ?
Après mon master, le plus simple pour moi aurait été de rester à Perpignan pour y ouvrir un cabinet, car mon réseau était déjà construit. Mais je me suis dit que cela pourrait être intéressant de recréer un réseau ailleurs. Je n’avais plus peur de l’inconnu, de repartir de zéro. Je suis donc parti à Paris, après un court passage à Angers. J’y ai obtenu mon concours d’entrée à l’école des avocats de Paris. Et j’ai reproduit le même processus qu’à Perpignan ; je suis devenu vice-président de la « clinique juridique », l’association des élèves avocats.
J’ai commencé à écrire des articles pour me faire connaître du grand public, pour que mon nom soit référencé sur les moteurs de recherche. C’est à partir de là que j’ai commencé à développer mon réseau ; à la fois journalistique et juridique. Et des personnes que je ne connaissais pas du tout m’ont contacté grâce à mes articles. Ils avaient un problème juridique et prenaient contact avec moi parce qu’ils avaient lu mes articles sur Google.
Cette fois-ci, c’est grâce à Internet que j’ai agrandi mon cercle de connaissances. Mon réseau physique créé grâce à la vie associative m’a permis de développer un réseau professionnel. Ensuite, j’ai écrit des articles ce qui m’a permis de créer une base de clientèle. Au-delà de mon réseau local, cette présence sur le web m’a permis de toucher des personnes que je n’aurai touchées sans cela. La dématérialisation m’a permis d’avoir un énorme réseau au niveau national, à Marseille ou Rennes alors que j’étais à Paris.
Les analyses juridiques publiées sur Made In Perpignan m’ont aussi permis de garder un pied à Perpignan ; de garder ce lien avec la ville et mon réseau, et de gagner en notoriété sur le Net.
♦ Après mes études, deux choix s’offraient à moi
Soit j’intégrais un cabinet en tant que collaborateur, soit je me lançais en solo pour créer mon propre cabinet. Dans ce cas, il faut avoir à l’esprit qu’il y a beaucoup de charges ; et que pour pouvoir les assumer, il faut des clients. Alors oui, le plus simple c’était de devenir collaborateur d’un cabinet déjà installé sur la place.
Mais moi je voyais bien que j’avais déjà des clients qui me sollicitaient, et qu’ils étaient prêts à me rémunérer pour mes conseils juridiques. J’ai donc fait mes calculs, et j’ai vu que la base clientèle que j’avais créée me permettait d’assumer les frais de mon propre cabinet, au moins durant les premiers mois. Je me suis donc lancé.
Cependant, la base client ne suffit pas ; un avocat tout seul ne peut pas survivre, il s’essouffle rapidement. Moi, ce qui m’intéressait, au-delà de la rédaction juridique ou de régler les soucis, c’était de développer ma clientèle. Je voulais devenir une sorte de manager ; un peu à l’image de ce que j’avais fait avec l’association à Perpignan. Il me fallait donc une équipe avec laquelle je pourrai échanger, développer des idées, qui ait un objectif commun. J’ai donc très vite recruté une juriste, Zareen Rujid, puis une stagiaire avocate Marine Fossé. Je peux aussi compter sur Ugo Giganti, avocat spécialisé en droit du travail, et Farah Mekki Lallaoui, avocate spécialisée en droit des affaires et propriété intellectuelle.
♦ Quelles sont vos perspectives, vos envies ?
Pour le moment, nous avons des spécificités en dommages corporels, droit public des affaires, droit privé des affaires, et droit de la famille, sans oublier tout ce qui concerne les arnaques et le droit à la consommation.
À terme, je souhaite développer le cabinet pour atteindre une taille suffisante – environ 10 avocats – tout en gardant ce côté humain. Ensuite, j’envisage de devenir un cabinet international. Le management bienveillant que je mets en avant, est le même que j’avais mis en pratique à Perpignan. Nous avons tous à peu près le même âge, les mêmes valeurs, et cela crée une synergie. Cette façon de fonctionner est bien plus efficace que le management à l’ancienne que pratiquent certains cabinets d’avocats. C’est vraiment cela qui me tient à cœur.
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