Article mis à jour le 10 novembre 2023 à 11:56
Diffusé sur Arte le 10 janvier 2023 et disponible en replay jusqu’au 9 janvier 2024, ce documentaire de Katharina Wolff et Valentin Thurn donne la parole aux « travailleurs pauvres ». Qu’ils habitent et travaillent en France, en Allemagne, en Suède ou en Espagne, ils font tous face aux mêmes difficultés et ressentent les mêmes craintes.
Pauvres malgré le job – Le Synopsis
Des hommes et des femmes qui appartenaient à la classe moyenne inférieure ont basculé dans la pauvreté. Enquête sur le « précariat », cette nouvelle classe sociale composée d’actifs vivant dans l’insécurité financière.
Un avant et un après-crise Covid
Dans ce documentaire, les journalistes suivent plusieurs travailleurs en situation de précarité professionnelle en 2019, c’est-à-dire avant la crise sanitaire, et les retrouvent trois ans plus tard. Tous constatent que les conditions de vie se précarisent et que les inégalités se sont creusées.
D’après Guy Standing, économiste, «l’insécurité dans laquelle se trouve le peuple du précariat ne fait que s’intensifier». Les travailleurs pauvres interviewés reconnaissent que leur situation s’est dégradée depuis la crise sanitaire, en particulier à cause de l’inflation. Guy Standing ajoute «demander de l’aide est déshumanisant, les gens n’ont plus les moyens d’aider». De nombreuses personnes qui pouvaient aider se sont retrouvées, elles aussi, dans le besoin.
Courant 2022, le #IchBinArmutsbetroffen (JeSuisTouchéParLaPauvreté) est né sur les réseaux sociaux allemands. Il dénonce l’explosion de la pauvreté. Lors d’un rassemblement, certains témoignent «la pauvreté rend malade, la maladie rend pauvre». Comme une sorte de cercle vicieux.
Depuis la pandémie, il est encore plus difficile pour les jeunes de s’élever socialement. Jeff Bezos s’est considérablement enrichi tandis que la majorité de la population n’a fait que perdre de l’argent. Pour Guy Standing, il est possible «de limiter les bénéfices des actionnaires, de subventionner les riches à coups de milliards d’euros ou de dollars».
Une même peur : l’insécurité
Patricia, Tolga, Leïla, Vanessa, Sven et Nouria sont tous habités par la même peur : celle de l’insécurité.
Patricia réside à Comines dans le Nord. En 2019, elle cumulait différents emplois en intérim dont celui de femme de ménage dans les crèches et les écoles. Aujourd’hui, elle a un travail fixe mais gagne toujours des faibles revenus (environ 1.400€/mois) ; elle déclare que sa plus grande peur est celle de l’insécurité et se dit inquiète par l’inflation. Ne croyant plus en la politique, elle est devenue abstentionniste.
Tolga, peintre automobile en 2019 suit une formation pour devenir technicien plasturgiste. Il a quitté Cologne pour s’installer en colocation à Francfort. À la réception de sa facture de gaz, il confie « je ne sais pas dans quelle mesure ça va me coûter plus cher, ni ce qu’il me restera à la fin ».
Vanessa, auxiliaire de vie, vit à Cologne avec sa fille. Elle aussi a peur de l’insécurité et redoute la retraite qui engendrera une diminution de ses revenus. Elle apprend à sa fille à être indépendante et à faire les choses seule.
À 71 ans en 2019, Leïla est retraitée et habite Stockholm. Elle se rend à l’épicerie solidaire où elle peut y manger pour peu cher. Elle limite les dépenses courantes et renonce à aller chez le dentiste. Elle a peur de l’insécurité permanente, de ne pas savoir si elle va réussir à payer ses factures. 3 ans plus tard, elle déplore «on ne fait que s’inquiéter sur l’état du monde .
Nouria habite à Barcelone et a travaillé comme coursière à vélo pour Deliveroo. Un travail éloigné de ses études de journalisme. La jeune femme de 25 ans en 2019 confiait «trouver un emploi qui corresponde à tes études est tellement difficile». Elle dénonce la banalisation de la précarité et du travail précaire. 3 ans plus tard, elle a monté, avec d’autres coursiers, Mensakas, une coopérative de livraison. Elle avoue «l’incertitude c’est pire que la précarité». Elle a réussi à faire bouger les choses en faisant adopter la Loi Riders qui règlemente le travail des employés des plateformes numériques.
L’avis des spécialistes
Outre les témoignages de ces travailleurs pauvres, plusieurs professionnels réagissent à ces situations de précarité.
Guy Standing confirme : «on peut apprendre à se débrouiller avec de faibles revenus, mais il est beaucoup plus difficile de gérer une insécurité chronique».
Mona Motakef, sociologue témoigne : «avec un emploi précaire, les gens peuvent très vite se retrouver dans des situations de vie précaire». Un licenciement ou une baisse de revenus pour rapidement faire tomber des travailleurs dans la pauvreté.
Elle poursuit : «l’expression le travail paye toujours nie les inégalités, car les conditions de départ dans la vie sont différentes en fonction de la famille dans laquelle nous sommes nés, en fonction de l’éducation et de la sécurité matérielle, et le sexe des personnes, leur orientation sexuelle, leur origine migratoire ou non, jouent également un rôle». Pour elle, «les gens réussissent également grâce à leurs privilèges de départ». Tout le monde ne partirait pas avec les mêmes chances de réussite.
Mais la sociologue garde espoir : «les droits ce n’est pas gratuit, pour les obtenir il faut descendre dans la rue, il faut des luttes sociales, il y en a mais ce n’est pas suffisant, beaucoup de gens éprouvent de la honte en demandant des allocations, les gens ont honte de devoir se faire aider». Cet avis est partagé par Nouria, la coursière espagnole à vélo, «il ne faut jamais arrêter de lutter».
Pourquoi la rédaction vous le conseille ?
La fin du documentaire rappelle les deux solutions utilisées pour sortir de la précarité : lutter pour obtenir des droits sociaux ou élire des gouvernements autoritaires, comme c’est le cas dans différents pays d’Europe récemment. La colère sociale ne pourra s’apaiser que lorsque les inégalités sociales cesseront de se creuser. Il est difficile de connaître l’avenir mais Pauvres malgré le job donne un peu d’espoir et montre qu’en se mobilisant, obtenir des droits est possible.
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