Article mis à jour le 2 octobre 2023 à 17:35
Le sujet de la responsabilité sociétale (ou sociale) des entreprises sera au menu d’une table ronde lors des Ecodays organisée mardi 3 octobre à Saint-Estève. L’occasion de revenir sur cet engagement propre à chaque entreprise.
Développement durable, égalité hommes-femmes, meilleure inclusion des personnes en situation de handicap…
Si le terme RSE, pour responsabilité sociétale de l’entreprise est très utilisé depuis une dizaine d’années, ce concept remonte aux années 1950. C’est l’économiste (et pasteur) américain Howard R. Bowen qui aurait employé cette notion pour la première fois en 1953 dans son ouvrage Social Responsibilities of the Businessman.
Le terme de RSE a depuis fait son chemin, pour entrer dans le champ législatif dans les années 2000. Elle regroupe l’ensemble des préoccupations sociales et environnementales qui fondent les valeurs des entreprises, et qu’elles doivent mettre en application. Développement durable, égalité hommes-femmes, meilleure inclusion des personnes en situation de handicap… la RSE regroupe un champ large touchant aussi bien à l’écologie qu’à l’égalité.
Et sa part dans l’entreprise a cru au fil des ans, comme en témoigne Emmanuel Stern, Président de la French Tech et ancien PDG de Onedirect, entreprise qu’il a contribué à fonder : « Dans les grandes entreprises, le RSE ça a démarré un peu comme du greenwashing, et finalement des gens plutôt militants sont arrivés à des postes de décision, et les grands groupes comme les banques ont été obligés d’y passer et de faire des efforts. »
« Les valeurs sont parfois plus importantes que les conditions de travail »
Emmanuel Stern observe que les jeunes personnes qu’il embauche sont très soucieuses du respect de ces valeurs : « le respect des femmes dans l’entreprise, l’écologie… clairement ce n’est pas négociable pour les jeunes générations. C’est même l’un de leurs principaux critères de choix, les valeurs sont parfois plus importantes que les conditions de travail ou le nombre de kilomètres à parcourir pour aller travailler. C’est vrai que ce n’était pas instinctif pour ma génération. »
Le chef d’entreprise a donc pris ce sujet à bras-le-corps, et trouve que de nombreux outils existent pour travailler la responsabilité sociale d’une entreprise, comme la Fresque du climat (des interventions menées pour faire prendre conscience des conséquences de l’activité humaine sur le changement climatique). Pour Emmanuel Stern, la RSE doit être du « concret, de l’action partagée, c’est de la responsabilité de chacun, ça ne peut pas être descendant et hiérarchique. Ce que j’ai constaté, c’est qu’il faut souvent un leader au sein des collaborateurs (les salariés – ndlr), qui va porter ce sujet dans l’entreprise. »
Emmanuel Stern
Avec des conséquences concrètes sur les résultats de la boîte, selon celui qui est aussi membre de l’équipe dirigeante de la Villa Duflot, hôtel-restaurant à Perpignan : « souvent la partie environnementale va avec les économies, puisque ça implique des mesures concrètes comme baisser la température de la climatisation, récupérer les emballages, inciter au covoiturage… chez nous, on a investi dans des pompes à chaleur, on regarde pour mettre des panneaux solaires sur le parking, on est en train d’investir massivement. »
La CCI des Pyrénées Orientales propose elle aussi d’accompagner les entreprises locales dans leur démarche de RSE. Laurent Gauze, le président de la Chambre de commerce assure que c’est un sujet de plus en plus incontournable : « c’est un vrai levier économique, on travaille mieux avec une égalité de salaires et un souci pour l’incidence environnementale. C’est une valeur ajoutée pour les équipes. Les entreprises qui vont construire leur RSE auront des financements verts. »
Emmanuel Stern confirme que « tous les appels d’offres disposent désormais d’un gros volet RSE et donc l’emballage, la seconde main ou la durée de vie du produit sont devenus des sujets qu’on ne peut pas laisser passer. »
Mais alors, si le RSE est si positif, pourquoi les mesures d’adaptation au changement climatique tardent-elles tant à se mettre en place ?
Et pourquoi les femmes restent moins bien payées que les hommes ? En 2021, le revenu salarial moyen des femmes est inférieur de 24 % à celui des hommes dans le secteur privé selon l’INSEE.
Emmanuel Stern pointe du doigt le manque de contraintes au niveau législatif. « Les blocages, c’est quand Bruno Lemaire annonce depuis cinq ans qu’on va interdire les passoires thermiques et qu’on recule à six mois de l’interdiction. La force publique doit avoir un rôle déterminant à jouer sur la planification écologique, et sur le long terme. »
Depuis 2019, l’Union européenne s’est dotée d’un cadre juridiquement contraignant pour que les pays concrétisent leurs engagements pris dans les Accords de Paris en octobre 2015. La loi prévoit de plus des sanctions financières, et possiblement pénales, si une entreprise ne respecte pas une démarche RSE. Mais dans les faits, certaines entreprises peinent à se mettre au diapason des nouvelles exigences de ce siècle en termes de valeurs d’égalité, d’inclusion et d’environnement.
Emmanuel Stern, qui est aussi le patron de la French Tech reste cependant optimiste : « ce que je constate dans le tissu économique des incubateurs et pépinières du département, c’est qu’il y a de plus en plus de projets qui portent des valeurs environnementales, pour réduire la pollution plastique dans la mer, autour du solaire, ou des vaccins. C’est au coeur même de ces start-up, elles portent ces valeurs avant même de porter un projet économique. »
L’accélérateur viendra peut-être des consommateurs eux-mêmes. Selon un rapport d’information réalisé par le Sénat en 2020, 97% des Français seraient prêts à boycotter des entreprises ayant des pratiques sociales ou environnementales destructrices.